Le 4 mars 2018, Sergei Skirpal et sa fille Ioulia sont retrouvés inanimés sur un banc de la petite ville anglaise de Salisbury. Un policier s'étant approché pour leur porter secours est lui aussi victime d'empoisonnement.
Mais qui est donc Sergei Skripal? C'est un ancien colonel russe du GRU (l'équivalent du renseignement militaire français), qui a été condamné en Russie et incarcéré en 2006 pour avoir divulgué des informations au MI5, le renseignement britannique. Son incarcération a pris fin en 2010 lors d'un échange qualifié d'historique par Barack Obama entre la Russie et les USA. 10 agents russes arrêtes par les renseignements britanniques sont alors échangés contre 4 agents doubles détenus en Russie, dont Sergei Skripal. Celui-ci trouvera ensuite asile en Angleterre. Sa fille Ioulia est une citoyenne russe de 33 ans.
La police britannique ouvre une enquête, et au vu de la médiatisation de l'affaire, chaque piste explorée est systématiquement communiquée. Ceci explique la raison pour laquelle au moins de six versions de cet empoisonnement ont déjà circulé dans les médias.
La première version de cette attaque indique que ce serait une valise portée par Ioulia Skripal qui contenaient le poison.
Le 18 mars, des officiels du renseignement américain disent à ABC que c'est par le système de ventilation de leur voiture que l'empoisonnement a eu lieu.
Face à cette accumulation de versions, Dean Haydon, de la police londonienne tente d'expliquer que «Des traces de l'agent innervant ont été trouvées dans d'autres lieux sur lesquels les enquêteurs ont travaillé ces dernières semaines, mais à des concentrations plus faibles que celle trouvée à son domicile».
Et enfin le 02 avril, The Sun, en citant des sources au sein des services de sécurité anglaises, explique que le poison aurait pu être contenu dans du sarrasin ramené de Russie à la demande de Sergei Skripal.
Cette multiplication de version s'explique simplement. Les enquêtes étant en cours, toutes les pistes sont envisagées.
Cette demande, de nouveau formulée le 13 mars, est rejetée par le gouvernement britannique, qui fait circuler dans les médias le nom du produit qui aurait été utilisé: le Novichok.
Alors on ne comprend pas comment il est possible que selon les déclarations du médecin étant intervenu sur place et parlant de 500 personne exposée, ou de Theresa May qui indiquait le 26 mars que 130 personnes au moins avaient été exposées, personne n'ait été ne serait-ce qu'hospitalisé.
Il est donc difficilement compréhensible que ce produit ait été utilisé, de même qu'il est incompréhensible de comprendre comment le gouvernement anglais a pu en une semaine déterminer la substance alors même que l'OIAC, participant à l'enquête à la demande du juge Williams car il affirme ne pas avoir les moyens nécessaires à sa disposition, a répondu qu'il lui faudrait au moins deux semaines dans les laboratoires les plus réputés pour ne serait-ce que déterminer le produit utilisé.
Malgré le fait que de nombreuses incohérences subsistent, que selon la police britannique et l'OIAC l'enquête prendra des mois, et que même le laboratoire militaire anglais n'a pas pu prouver l'origine russe du produit, Theresa May a officiellement accusé la Russie le 12 mars en exigeant des preuves qu'elle n'est pas responsable.
En droit international, comme dans la totalité des droits internes, la charge de la preuve pèse pourtant sur l'accusateur, et non sur l'accusé. Cela n'a pas empêché les pays occidentaux de soutenir leur allié dans cette hystérie.
Le 14 mars, Londres expulse 23 diplomates russes et Donald Tusk, le Président du Conseil européen, déclare lui aussi que «c'est très probablement la Russie».
Moscou répond le 17 mars en expulsant à son tour 23 diplomates anglais. La semaine suivante le conflit diplomatique s'emballe, avec 18 pays de l'UE, les USA et d'autres Etats qui expulsent au total plus de 150 diplomates russes «par solidarité».
Les 29 et 30 mars Moscou répond en expulsant le même nombre de diplomates de son territoire.
Alors à qui profite cette affaire? Certainement pas à la Russie, qui n'aurait jamais pris le risque de remettre en cause la Coupe du Monde qui aura lieu sur son territoire cet été pour un simple agent double qui a passé 4 années en prison avant d'être échangé. Pas plus qu'elle aurait eu le moindre intérêt à le faire à 10 jours de la présidentielle russe.
Pour Theresa May un deuxième avantage survient, car son principal opposant, Jeremy Corbyn, est mis au ban de la politique anglaise pour avoir demandé d'attendre les résultats des enquêtes avant de prendre des sanctions.
Mais imaginons que malgré tout cela la Russie soit responsable. Comment explique-t-on cette réaction politique alors que la guerre des services de renseignement a toujours fait rage?
En conclusion, personne ne sort grandit de cette affaire. Les diplomates sont là pour parler, car le dialogue évite les guerres. Les expulser, c'est mettre en péril la parole, et donc la paix. Il semble que l'Angleterre et ses alliés soient prêts à sacrifier un dialogue crucial pour des intérêts plus que douteux dans des affaires dont on ne peut que soupçonner du complotisme tant elles ne tiennent pas debout. N'oublions jamais l'Irak et la politique Powell.
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