«On n'avait pas vu cette chute depuis Jacques Chirac à l'Élysée», déclarait dimanche Damien Fleurot, rédacteur en chef adjoint du service politique de BFMTV. Pour sa part, Jérôme Fourquet directeur du Département opinion publique à l'Ifop décrit au micro de France Info une «coagulation de mécontentements». Qui sont les déçus de Macron? Ce qui est inquiétant pour le Président, c'est que le camp des fâchés recrute de plus en plus large:
Les médias
«Ils ont contribué, incontestablement, à populariser sa campagne et sa personne et certains peuvent trouver qu'ils ne sont pas véritablement rétribués des efforts qu'ils ont fait.»
En Marche!
Chez les militants du mouvement présidentiel, des voix commencent à se faire entendre sur la manière dont est dirigé le parti. En cause, la «verticalité» du pouvoir au sein d'En Marche!, c'est à dire l'autoritarisme dont fait preuve sa direction, tant à l'Assemblée nationale, avec des consignes de vote particulièrement strictes, qu'au sein du mouvement. Aussi, selon Le Parisien, une trentaine d'adhérents ont-ils déposé devant le tribunal de grande instance de Créteil un recours en référé afin de dénoncer un manque de démocratie interne au parti.
Les catholiques et les conservateurs
Un chiffon rouge pour les sympathisants de la Manif Pour Tous, Guillaume Bernard estime qu'il y a là un réel potentiel de «réactivation» de cet électorat. Une droite qui ne se retrouve pas dans le programme sociétal libertaire d'Emmanuel Macron, reflet des divisions de la droite durant la champagne. En témoigne la part importante d'électeurs fillonistes ayant refusé de suivre les consignes de vote de leur candidat en faveur d'Emmanuel Macron. Des dissensions que l'on retrouve aujourd'hui:
«Toute une partie de l'électorat de droite, certes adhère à des positions de libertés économiques, mais pour autant n'adhère pas au libéralisme sociétal qu'Emmanuel Macron incarne.»
La droite et l'extrême-droite
«C'est un point d'appui, d'unification de l'électorat de droite, qui se rassemble sur la dénonciation d'une immigration qui serait trop massive et sur un multiculturalisme qui pourrait conduire à l'éclatement de la société par communautarisation.»
La droite a également été affectée par le bras de fer avec l'Armée et le départ fracassant du général Pierre de Villiers. Après l'annonce d'une coupe de 850 millions d'euros sur le budget de 2017, le chef d'état-major des armées (CEMA) était monté au front, du moins à huis clos en commission Défense de l'Assemblée nationale. Le Président avait pour sa part tenu une position quelque peu ambiguë tout au long de la semaine, alternant hommages et critiques, avant et même après la démission du général de Villiers.
Malgré des condamnations venues de tous les bords politiques, pour le maître de conférences, ce sont avant tout les électeurs de droite qui ont été affectés par cette polémique:
«On peut penser qu'une partie des forces de gauche qui ont soutenu le général de Villiers l'ont plus fait dans un intérêt politicien pour essayer d'affaiblir Emmanuel Macron que véritablement par adhésion au projet politique que les positions du général de Villers étaient susceptibles d'incarner.»
Les syndicats, gauche progressiste et associative
Des sujets sociétaux ont également pu mobiliser certaines forces de gauche, notamment le milieu associatif. Si à droite, on trouve que le «plan migrants» ouvre trop grand les vannes de l'immigration, c'est exactement l'inverse chez ces militants, qui estiment que le gouvernement ne va pas assez loin dans l'accueil des réfugiés. Plus récemment, ce sont les défenseurs de la cause homosexuelle qui ont fustigé le Président pour avoir ignoré la conférence internationale de recherche sur le sida.
Les fonctionnaires
Avec un recul de pas moins de 18 points d'opinions favorables, ils représentent l'électorat auprès duquel Emmanuel Macron enregistre la plus forte baisse. Principalement marqué à gauche, ces derniers ne digèrent pas forcément bien les mesures libérales du gouvernement et particulièrement le rétablissement du jour de carence, supprimé en son temps par François Hollande sur l'autel de l'égalité.
Les 50-65 ans
Avec 14 points d'opinion favorable en moins, les personnes âgées sont l'autre groupe à se détourner massivement du Président. Un électorat âgé, «bien implanté économiquement et socialement parlant» qui avaient constitué le gros des rangs électoraux d'Emmanuel Macron, mais qui aujourd'hui est touché par la hausse de la CSG… laquelle figurait pourtant dans le programme électoral d'En Marche!.
«Ceux qui pensaient en choisissant Macron face à Marine le Pen, sauver leur statut social et leurs économies face à une candidate qui préconisait la sortie de l'euro.»
Ces deux dernières catégories, mises en avant par l'Ifop dans son sondage, témoignent de la diversité des sensibilités politiques de potentiels anciens électeurs d'Emmanuel Macron qui désavouent aujourd'hui sa politique et ce malgré l'ancrage à gauche des fonctionnaires.
Une situation qui tient à l'ambiguïté qui a permis l'élection du candidat d'En Marche!. Ni de droite, ni de gauche, il divise autant qu'il fédère, chacun pouvant avoir au moins une raison de voter pour lui. Un élément qui l'a emporté sur les raisons de ne pas voter pour lui, particulièrement en cas d'opposition avec une personnalité très clivante comme Marine le Pen. Mais loin d'être une faiblesse, le positionnement au centre d'Emmanuel Macron pourrait bien, selon Guillaume Bernard, pérenniser, pour un temps, la situation du Président.
«Dans le fond, ce sur quoi table Emmanuel Macron c'est sur le fait qu'il y aurait une impossibilité aux deux bords politiques, celui de droite et celui de gauche, qui seraient opposés à sa politique pour des raisons différentes à s'allier contre lui.»
Tout le monde
Quant à sa chute de popularité, celle-ci est encore loin de battre le record de Jacques Chirac, qui en 1995 était passé en moins de trois mois de 59% d'opinions favorables à 39%, soit deux fois pire qu'Emmanuel Macron. Une chute vertigineuse qui ne l'empêchera pas, sept ans plus tard, d'être réélu face à Jean-Marie Le Pen et une gauche sur la route des vacances. De quoi rassurer le Président jupitérien sur ses chances de rester au sommet de l'Olympe.