Réforme de la procédure pénale: effet d’annonce pour masquer les coupes budgétaires?

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Dans un entretien accordé au Figaro, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, a fait part de son souhait d’engager une réforme de la procédure pénale afin de désengorger les tribunaux, notamment grâce à la forfaitisation de certains délits. De plus, l’objectif de 15.000 places de prison supplémentaires est maintenu.

Dans un entretien au Figaro paru ce vendredi, la garde des sceaux, Nicole Belloubet, a fait part de son souhait, d'engager une réforme de la procédure pénale afin, notamment, de désengorger les tribunaux. Pour mener à bien cette mission, elle explique vouloir mettre en place une simplification de la procédure pénale. En effet, un certain nombre de contraventions et de délits, comme l'usage de stupéfiant, pourrait faire l'objet de forfaitisation. Dans le même temps, l'objectif de construction de 15.000 places de prison supplémentaires, promis par Emmanuel Macron, reste maintenu. Avec les efforts budgétaires demandés à tous les ministères, à hauteur de 160 millions pour celui de la justice, cette réforme de la procédure pénale n'est-elle pas un effet d'annonce? Pour Benjamin Blanchet, membre de l'Union syndicale des magistrats, l'idée de forfaitisation est une piste à explorer même si elle n'était pas primordiale.

«Ce n'était pas une demande fondamentale réitérée par les magistrats mais c'est une piste qui nous permettrait encore une fois de traiter de la meilleure des façons les contentieux de masse qui sont extrêmement chronophages. Les magistrats sont accablés de travail et lorsque ces dossiers-là les empêchent de se consacrer à d'autres qui sont plus importants et qui nécessitent un suivi particulier, cela devient une vraie difficulté.»

Selon Katia Dubreuil, secrétaire national du Syndicat de la magistrature, la forfaitisation n'est pas la bonne réponse. D'une part, car elle est profondément injuste. Et d'autre part, certains délits, comme l'usage de stupéfiant, nécessitent des réponses individualisées.

«Sur ce point, nous sommes très réservés parce que cela veut dire qu'il y a une individualisation des réponses pénales qui est impossible, puisque tout le monde paierait le même montant d'amende. De plus, il y a un certain nombre d'infractions pour lesquelles il semblerait que cela soit envisagé, notamment l'usage de stupéfiant […] Cela ne me semble pas être une réponse adéquate car cela correspond à des problèmes de santé publique pour certaines personnes. Des problèmes pour leur santé, des dommages éventuellement collatéraux pour la société, mais qui ne peuvent absolument pas trouver leur résolution dans le fait de payer une amende.»

Par ailleurs, l'objectif de construire 15.000 places de prison supplémentaires semble pour Katia Dubreuil prouver, une fois de plus, que le gouvernement ne s'attaque pas à la racine du problème mais fait le choix du tout répressif:

«Ce qui nous est proposé, c'est un modèle dans lequel aucun acte ne doit rester impuni. On reste toujours dans une logique assez sécuritaire où l'on dit que l'on aura une réponse pour chaque acte posé sans aucun discernement par rapport aux réelles nécessités des réponses pénales, sans individualisation. Et la construction des places de prison va également dans le même sens. C'est à dire qu'on n'a toujours pas pris la mesure du fait que plus on construit des places de prison et plus on les remplit. Cela ne règle en rien la question de la surpopulation pénale.»

Avec les efforts budgétaires annoncés, ce projet de réforme de la procédure pénale peut s'apparenter à un effet d'annonce. Pour Benjamin Blanchet, une baisse budgétaire s'avérerait inquiétante pour le fonctionnement de la justice.

«Si le budget, comme cela semble malheureusement en prendre le chemin, ne connaît aucune augmentation dans les années qui viennent, ce sera la marque claire d'un gouvernement qui ne veut pas donner à la France la justice qu'elle mérite. La justice ne peut pas fonctionner sans moyens supplémentaires. Nous sommes d'ores et déjà confrontés à une situation qui est très difficile, si en plus nos crédits n'augmentent pas, voire même baissent. Cela ne pourra plus fonctionner.»

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