Sortir du néo-colonialisme et trouver des partenaires fiables. C’est la voie que doivent emprunter les pays du continent s’ils veulent œuvrer au renouveau africain, a expliqué à Sputnik Fred M’membe, célèbre journaliste zambien aujourd’hui président du Parti socialiste de son pays.
L’exploitation des ressources africaines par l’Occident se poursuit aujourd’hui, même après le départ des puissances colonisatrices, souligne le responsable. Le continent doit sortir de ce carcan pour faire émerger un monde plus multipolaire, en partenariat avec d’autres puissances comme la Russie.
"Le colonialisme n’a pas qu'un seul aspect. C'est un système complet. Il y a des enjeux culturels, économiques, environnementaux. Nous n'avons pas d'autre alternative qu’une lutte sans répit pour notre décolonisation. Et la coopération avec la Russie, avec d'autres pays, nous aidera à nous libérer […] Nous avons besoin d'un nouvel ordre mondial. L'ordre actuel survit sur l'exploitation des pays pauvres comme les pays africains", explique ainsi Fred M’membe.
Sécurité, éducation et… médias
Les domaines de collaboration ne manquent pas en Afrique, précise encore le responsable. La sécurité est notamment un point sensible. La Russie pourrait fournir une alternative bienvenue aux États-Unis qui "étendent leur présence militaire" sur le continent, étouffant les coopérations avec d’autres armées. Or, "la souveraineté s’en va une fois que les Américains sont présents", rappelle Fred M’membe.
Les universités russes doivent également continuer de former des étudiants africains, qui ont "bien réussis" sur le continent et en Zambie, occupant aujourd’hui des postes de direction en politique, en économie ou dans les sciences, souligne le responsable.
"L'Afrique a besoin d'une coopération avec la Russie en matière de technologie agricole et d'engrais […] Nous avons aussi besoin que plus d’étudiants aillent en Russie, pour étudier dans de nouveaux domaines comme l’intelligence artificielle […] Nous devons enfin tracer une nouvelle voie dans le domaine militaire, où il faudrait une coopération Sud-Sud et une coopération accrue avec la Russie", explique-t-il ainsi.
Autre sujet rarement évoqué: les médias. Le flux d’informations est en effet dominé aujourd’hui par des canaux occidentaux, qui véhiculent leurs propres valeurs, rappelle Fred M’membe. Les pays émergents doivent donc coopérer en la matière selon le responsable, qui estime que les opinions russes devraient être entendues dans les médias zambiens.
"Nous façonnons un nouveau monde, nous avons donc besoin d'une nouvelle approche médiatique. Il est nécessaire que les médias russes, chinois, indiens, brésiliens et autres coopèrent pour créer une alternative forte, en dehors des médias occidentaux. Nous représentons la majorité de la population de cette planète. Nous ne pouvons pas être soumis aux opinions d'une minorité", explique-t-il ainsi.
L’Afrique et l’Ukraine
Sur la scène internationale, le continent a aussi son mot à dire, comme l’a prouvé la récente Initiative de paix africaine sur le dossier ukrainien. Mais les dirigeants africains qui se sont rendus en Ukraine et en Russie auraient peut-être dû voir plus loin, en faisant peser le poids de discussion sur l’Otan, qui est l’un des principaux protagonistes du conflit, affirme Fred M’membe.
"Je pense que l'initiative africaine était bien intentionnée mais naïve. La guerre en Ukraine, ce n'est pas nécessairement entre l'Ukraine et la Russie. C'est la guerre entre l'Otan et la Russie […] Si les Africains sont sérieux, ils devraient commencer à négocier avec les États-Unis et l'Europe. Parler à Kiev est une perte de temps", souligne-t-il.
Courant juin, plusieurs dirigeants africains avaient effectué une visite à Kiev et Saint-Pétersbourg pour présenter un plan de paix aux dirigeants des deux pays. Le Président russe Vladimir Poutine avait dit prendre "très au sérieux" les propositions présentées, saluant l’"approche équilibrée" de l’Afrique sur le dossier. Côté ukrainien, les médiateurs semblent avoir eu plus de mal à convaincre le Président Volodymyr Zelensky, comme le confiait récemment à Sputnik Azali Assoumani, président en exercice de l’Union africaine et chef d’État comorien.