Match Russie-Cameroun: "un acte géopolitique, géostratégique, un message au monde"
15:50 12.10.2023 (Mis à jour: 20:08 12.10.2023)
© Sputnik . Grigori Syssoïev
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Pour le Camerounais Yamb Ntimba, le football n'est pas seulement un sport, mais un moyen de rapprocher les peuples. Pour Sputnik Afrique, il a espéré que le match Russie-Cameroun "est une occasion pour la Russie et l'Afrique de travailler ensemble", ainsi qu’une possibilité de "briser les tabous", car il ne faut pas "mêler la politique à tout".
Ce jeudi 12 octobre, les Lions indomptables ont disputé un match amical contre la sélection A russe. Le match s'est terminé sur le score de 1-0 en faveur de la Russie.
L’équipe nationale du Cameroun est la première équipe africaine à affronter la Russie depuis que la FIFA et l’UEFA ont suspendu les clubs de football et les équipes du pays de toutes leurs compétitions.
"J'attends surtout un très beau match, un match fraternel, un beau spectacle à la dimension de ces deux pays qui sont quand même des légendes du football mondial", a confié à Sputnik Afrique avant le match Yamb Ntimba, analyste, économiste, écrivain et philosophe camerounais qui est aussi un aficionado de football.
Pour lui,"l'une des premières attentes, c'est que ce match-là nous permette de rapprocher davantage l'Afrique de la Russie, le peuple africain du peuple russe, le peuple camerounais du peuple russe".
La couverture médiatique
"Ce match sera regardé partout dans le monde et particulièrement partout en Afrique", affirme M.Ntimba.
S'agissant de la couverture médiatique de ce match, l'analyste pointe "un piège géopolitique" pour les chaînes de télévision occidentales. "Vont-ils diffuser un match de football ou ne le feront-ils pas? S'arrêteront-ils sur la suspension de la FIFA et de l'UEFA? Mettront-ils en avant des considérations géopolitiques relativement au conflit entre la Russie et l'Occident? Vont-ils encore une fois s'en tenir au fait que le Cameroun est un pays rebelle qui, manifestement, ne veut pas du tout rester dans les rangs tels que l'Occident le souhaite?"
Le Cameroun souhaite un rapprochement entre les deux peuples, a encore une fois souligné l'expert. Les Russes devraient connaître davantage les Camerounais et, plus généralement, les Africains, et réciproquement. Dans la foulée du dernier sommet Russie-Afrique, ce match devrait contribuer au rapprochement des peuples "au-delà des dirigeants politiques, économiques, etc."
Yamb Ntimba a tenu par ailleurs à se souvenir de Valeri Nepomniachi, sélectionneur russe avec lequel le Cameroun a battu l’Argentine de Diego Maradona en 1990. Il a amené la première équipe africaine en quarts de finale d'une Coupe du monde.
Restaurer la Russie en tant que membre de la FIFA et de l'UEFA
Une autre grande attente exprimée par l'analyste est de "briser les tabous" grâce à ce match. Car il ne faut pas, selon lui, "mêler la politique à tout". La FIFA devait être "amenée à revoir sa position" et régulariser la situation de la Russie et la restaurer "dans son statut de membre plein et honorable de la FIFA et de l'UEFA".
"C'est regrettable lorsque des fédérations de toute la Russie sont suspendues de tellement de disciplines qui sont dominées par le monde occidental. Beaucoup d'Africains ont protesté, mais ils n'ont pas aujourd'hui les moyens, malheureusement, de contenir tout cela et d'influencer suffisamment des instances comme la FIFA pour qu'elles ne tombent pas dans de tels travers."
"Les Camerounais ont considéré que la suspension de la Russie par la FIFA et l'UEFA était injuste."
Le prochain match "n'est pas simplement du sport pour le Cameroun. C'est un acte géopolitique, géostratégique, c'est un message au monde. Nous sommes les amis de la Russie, nous sommes avec la Russie, nous soutenons la Russie et nous estimons que l'injustice ne doit pas prévaloir dans le monde, dans un monde éthique."
Ce match "est encore une occasion pour la Russie et l'Afrique de travailler ensemble" pour changer les choses dans le bon sens, a-t-il indiqué.
Non à l'isolement de la Russie
Une autre attente est géopolitique et géostratégique. Le match de Moscou, espère Yamb Ntimba, pourrait être "un premier pas dans un rapprochement fort" et "très étroit, stratégique entre la Russie et le Cameroun", entre la Russie et l'Afrique. Qui devrait se traduire en échanges économiques de plus en plus importants, notamment en matière de tourisme.
"Je crois que dans le contexte géopolitique actuel, tous les pays qui sont sérieux auront tendance à vouloir éviter ce que l'Occident croyait avoir fait, à savoir isoler la Russie. […] Ils ne peuvent pas à la fois promouvoir la mondialisation, mais en même temps isoler certains pays. Les Africains ne peuvent pas comprendre ça."
Pour construire un monde éthique et multipolaire, "il faut rapprocher les peuples les uns des autres", insiste-t-il. "Parce que ce qui détruit les peuples, c'est justement l'isolement […] et chaque fois que vous créez de l'isolement, vous faites ce que Sergueï Lavrov appelait la destruction de l'ADN des civilisations."
Au Cameroun, il y a "une culture de la rébellion", raconte l'analyste. Il s'agit d’un "refus d'être enfermé dans une boîte". Étant "l'un des grands berceaux de l'humanité", le Cameroun "vient vers la Russie pour lui dire: ‘nous sommes ensemble pour protéger le monde, pour protéger les peuples, pour construire des ponts et non des murs’."
Un "pied de nez à la FIFA"
Interrogé sur les sanctions, y compris dans le domaine du sport, dont font l'objet notamment des pays africains comme le Zimbabwe, Yamb Ntimba a appelé à ne pas "être naïf". "Toutes les institutions qui ont été créées par les Occidentaux, depuis la fin du XIXᵉ siècle jusqu'à aujourd'hui, ont été instrumentalisées pour servir les intérêts de l'Occident." Elles "permettent de contrôler le reste du monde, qu'il s'agisse du FMI, de la Banque mondiale, de l'Onu, de l'OMS, de l'OMC, etc." Les institutions sportives comme la FIFA "ne servent qu'à cela".
"Les Africains savent que toutes ces organisations internationales contrôlées par les Occidentaux sont des outils de domination, de pression, de contrôle géopolitique du monde."
Quant à la proposition de Moscou d'organiser de nouveaux formats de compétitions internationales, non politisées, telles que les Jeux des BRICS, il a estimé que "tous les pays de bonne volonté devraient soutenir effectivement cette initiative" qu'il a qualifiée de"très belle" et qui "devrait être soutenue par tout le monde".
Cela est d'abord légitime du point de vue démographique, selon lui. Car si on ajoute les sympathisants, les BRICS représentent près de 60-65% de la population mondiale. Il faut que ce soient les jeux organisés par les BRICS pour la jeunesse mondiale. "Cela fait partie justement des valeurs de l'olympisme classique. Cela fait partie des valeurs de l'humanité bonne et de l'humanité qui est soucieuse de la cohésion internationale."
"Ce sera une espèce de pied de nez à la FIFA", a conclu Yamb Ntimba.