Suite de la première partie de l'entretien:
Sputnik: Que pensez-vous de la justice prétendument internationale? Doit-elle prévaloir sur les justices nationales? Et plus généralement, quelle position les pays africains devraient-ils adopter pour combattre efficacement la politisation des structures telles que la CPI, surtout si cette politisation ne cesse pas dans un avenir proche?
Une autre problématique est le conditionnement des témoins. Ces derniers vivent en Afrique souvent dans la précarité ou vivent assez modestement. On leur propose un revenu aligné sur le SMIC européen, un logement en Europe vu que la cour est à La Haye, contre leurs témoignages. Sachant que le revenu minimum ivoirien est autour de 100 euros, serait-il difficile pour un compatriote vivant dans un quartier dortoir de résister à l'appât du gain si la CPI lui propose une protection? Qu'en sera-t-il de l'authenticité de ses dires?
Concernant le droit international, je sais que le droit européen prévaut sur le droit français, italien etc. L'Union européenne demande aux pays de s'aligner sur sa législation. Avec l'arrivée d'une justice internationale, la logique voudrait qu'elle supplante les autres justices. Ce qui normalement devrait donner l'opportunité à chaque citoyen du monde de porter plainte contre une autre personne physique ou morale et réclamer justice.
La question c'est qui sera jugé pour les massacres en Irak, en Palestine, en RDC, au Mali, au Cameroun, en Centrafrique, en Côte d'Ivoire, etc…?
Pour l'instant, elle se contente des Africains. C'est un constat et dans le cas figure qui nous concerne il y a deux innocents qui n'ont rien à y faire: le président Laurent Gbagbo et son ministre Charles Blé Goudé.
Il existe des structures juridiques en Afrique et il est du devoir des Africains et c'est même une obligation pour nous Africains de juger nos propres concitoyens.
D'ailleurs le président Laurent Gbagbo avait émis sa volonté d'être jugé en Côte d'Ivoire, ou du moins au Tribunal international d'Arusha (Tanzanie), ce que maitre Mignard et Jean-Paul Benoît, citoyens français et avocats de monsieur Alassane Ouattara, devenus représentants de la Côte d'Ivoire, ont balayé d'un revers de la main dans un document que la CPI a rendu public le 14 octobre 2015.
Nakouty Luyet : Dans l'état actuel des choses non. Tout dépend de la volonté du pouvoir en place. Ont-ils intérêt à réconcilier les Ivoiriens?
Je pense aussi que non, parce qu'il préférable pour eux que les Ivoiriens s'enlisent dans des querelles tribales sans fondement que de réellement situer les responsabilités. Il suffit de constater l'échec des tentatives établies. Chacun de nous a plus ou moins perdu un proche. J'ai perdu 15 membres de ma famille maternelle qu'on a découvert dans le charnier de Monokozohi dans le département de Vavoua, zone sous contrôle de la milice de Guillame Soro, actuel président du parlement ivoirien, donc deuxième homme fort du pays rattrapé par un mandat d'amener émis en France fin 2015 dans l'affaire Michel Gbagbo et un autre mandat d'arrêt international il y a quelques jours émis par le Burkina Faso. Pays qui vient d'essuyer une attaque terroriste de la part d'AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique, ndlr). C'est peut-être un pur hasard mais cette attaque terroriste survient au moment où le procès Sankara et celui du coup d'Etat raté de 2015 se peaufine sachant qu'il a été démontré que l'ancien président déchu burkinabè Blaise Compaoré devenu Ivoirien il y a quelques jours par décret pour échapper à la justice de son pays, tisse des liens avec cette banche de terroristes.
Sputnik : Vous avez prévu avec le COJEP dont vous faites partie, ainsi que d'autres membres de la communauté ivoirienne et plus généralement africaine, d'aller à La Haye pour être aux côtés de ceux que vous soutenez. Quel sera le programme et quel message souhaitez-vous transmettre aux représentants de la CPI?
Nous lancerons un message fort à l'opinion internationale: l'Afrique ne souhaite plus faire parti d'un quelconque processus d'aliénation et d'assujettissement. Nous avons le droit d'être libres!
Sputnik : La victoire panafricaine aura-t-elle lieu?
Nakouty Luyet: Non seulement elle aura lieu mais elle sera gravée dans l'histoire. Nous sommes déterminés et nous avons les moyens de rendre la dignité à chaque Africain. Je vous remercie.
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