Petit rappel. La dite CPI, devenue la cour de jugement pour les Africains, tout comme son "frère" le fameux Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie l'est lui pour les Serbes, avait émis un mandat d'arrêt contre le président soudanais, Omar el-Béchir, accusé de crimes de guerre (mandat émis depuis mars 2009). Des accusations fortement douteuses. Connaissant parfaitement la politisation de cette cour, une politisation qui a été reconnue à maintes reprises ne serait-ce que par les experts russes et chinois. Et surtout connaissant parfaitement les pseudo-accusations ayant visé un autre leader africain, le président ivoirien Laurent Gbagbo, dont le procureur en charge de ce dossier n'a pas pu présenter jusqu'à maintenant ne serait-ce qu'un élément valable de sa culpabilité. De même qu'à l'encontre de l'ex-ministre de la Jeunesse de Côte d'Ivoire, Charles Blé Goudé. Le tout en épargnant entièrement le camp des pro-occidentaux, dont pourtant les crimes massifs (ne serait-ce qu'à Duékoué) ont été reconnus, y compris par des organismes non-gouvernementaux occidentaux.
Mais on connait les Occidentaux, ou plutôt leurs "élites". Ils ne s'arrêteront devant rien. D'autant plus lorsque la mentalité coloniale est ancrée si profondément dans les têtes de ces dites élites. Ils ont lancé donc une demande à la justice sud-africaine d'arrêter Omar el-Béchir en terre sud-africaine compte tenu du fait que l'Afrique du Sud est signataire du Statut de Rome et reconnait donc (pour le moment) la CPI. Immédiatement, un juge sud-africain d'origine allemande, Hans-Joachim Fabricius, vraisemblablement un nostalgique de la sinistre période d'apartheid (dont l'un des ancêtres selon certaines sources était un haut cadre politique de l'Allemagne nazie), émet une interdiction au président soudanais de quitter le territoire sud-africain.
Le suspens peut commencer. Les Occidentaux pensaient déjà crier victoire en pensant que le gouvernement sud-africain allait appliquer à la lettre leurs exigences. Plus encore, certains représentants occidentaux et leurs valets locaux ont eu le culot de lancer des phrases du genre "je crois que la fidélité de l'Afrique du Sud à l'Union africaine ne peut pas faire le poids face à ses obligations envers la CPI". C'est vrai, on avait oublié. Les machins néocoloniaux ça vaut "bien plus" qu'une organisation réunissant les Etats de tout un grand continent, en la qualité de l'UA.
Mais le suspens n'a pas duré. Le gouvernement sud-africain n'a pas appliqué les prérogatives néocoloniales de la CPI. Omar el-Béchir est rentré au Soudan où il a été accueilli par une foule en liesse. Bravo donc aux Sud-Africains, membres à part entière de l'alliance des BRICS, de ne pas avoir cédé aux tentatives d'une extrême minorité de notre planète, vivant encore dans leurs rêves unipolaires, ainsi qu'aux traitres locaux — héritiers de l'apartheid.
A ce titre, on a pu particulièrement apprécier la réaction du parti historique de Nelson Mandela, le principal parti politique du pays, le Congrès National Africain (ANC), via sa porte-parole Khusela Sangoni, ayant fustigé les tentatives de faire arrêter le leader soudanais en leur sol. "Le gouvernement sud-africain, lorsqu'il a invité son excellence Omar el-Béchir et les autres participants à venir au sommet de l'UA, a dans le même temps adopté une mesure légale pour accorder l'immunité à tous les participants. Cette notice a fait l'objet d'une publication, et personne ne l'a contesté, donc nous trouvons très étrange qu'une organisation décide maintenant de saisir la justice pour obtenir que Béchir soit arrêté en Afrique du Sud, et nous avons encouragé le gouvernement sud-africain à faire en sorte que cette démarche n'aboutisse pas".
Voici ce qu'il a répondu à RFI: "Le sommet n'est pas une réunion organisée par le gouvernement sud-africain. Dans le règlement de l'Union africaine, et conformément à l'accord signé entre l'Afrique du Sud et l'UA, l'Afrique du Sud ne peut pas violer l'accord faisant de lui un pays hôte. Et donc el-Béchir n'est pas ici pour visiter l'Afrique du Sud, il visite un site sous contrôle de l'Union africaine, aussi longtemps que se tient le sommet. Et donc, les lois de l'Afrique du Sud ne s'appliquent pas dans ce cadre". Selon lui, cet accord est aussi un traité international entre l'Afrique du Sud et l'Union africaine pour lui permettre de tenir ce sommet. Si l'Afrique du Sud ne peut pas garantir le libre passage de tous les participants à ce sommet, il ne peut pas être pays d'accueil. Il n'y a eu dans cette affaire aucune violation d'aucune sorte. Si l'Afrique du Sud avait écouté ce que n'importe qui avait à dire, ce serait une violation de cet accord qui lui permet d'être l'hôte de ce sommet.
Très drôle aujourd'hui de voir tout le mainstream occidental, anglophone comme francophone, crier au scandale, tout en donnant la parole à d'anciens cadres de l'administration du régime raciste de la période apartheid, qui expriment également leur "révolte". Sans commentaires.
Quant à l'Afrique, elle vient effectivement de remporter une mini-bataille, mais fort symbolique. Surtout à l'heure où la plupart des pays africains, membres de l'UA, aient exprimé le désir de quitter la fameuse et trop controversée CPI (merci en passant à la présidence du Zimbabwe à l'UA). La guerre, elle, est bien loin d'être gagnée et les efforts ne doivent aucunement être relâchés. Tout ne fait véritablement que commencer. Mais, cette petite victoire de l'Afrique du Sud (et donc des BRICS), ainsi que de tous les Africains en général prouve que lorsque l'Afrique veut — elle peut beaucoup de choses. En avant!