On se souvient que Claude Bartolone, le candidat du P "S" pour la région Île de France, et ci-devant président de l'Assemblée Nationale, n'avait pas hésité à qualifier son opposante, Mme Valérie Pecresse, de "candidate de la race blanche". Ce n'est qu'un exemple, et on pourrait facilement multiplier les références. Ceci indique qu'une partie des élites au pouvoir, ces élites que l'on a qualifiées de compradores, sont décidées à jouer la carte de la guerre civile.
La division, premier acte de la guerre civile
Le risque de la guerre civile est évident quand des responsables politiques, et cela quel que soit leur parti, font le choix de la division symbolique du peuple, dressant alors une partie de celui-ci contre l'autre. Précisons ici ce que l'on entend par le "peuple". En fait, quand nous parlons d'un "peuple", nous ne parlons pas d'une communauté ethnique ou religieuse, mais de cette communauté politique d'individus rassemblés qui prend son avenir en mains (2). Il importe donc de dépasser l'idée d'un peuple constitué sur des bases ethniques ou par une communauté de croyants. Or, c'est très précisément le mouvement inverse auquel M. Claude Bartolone s'est prêté. Il a même aggravé son cas en usant du mot "race", un terme qui certes a un sens juridique et politique, mais qui n'en a aucun d'un point de vue scientifique.
La question posée est ici des plus graves. On a condamné, à juste titre, les propos tenus par Mme Nadine Morano, qui appartient à l'ex-UMP, rebaptisé pompeusement "Les Républicains". On condamne, et là encore à juste titre, des débordements et des outrances des uns et des autres. Mais, ces débordements et ces outrances, il faut en convenir, sont moins graves que ces mots prononcés par le président de l'Assemblée nationale. Que ceci ait été si peu remarqué, si peu relevé, montre qu'il y a non pas une accoutumance mais bien un projet politique de diviser les Français. Ce projet politique consiste à communautariser la vie politique française pour pouvoir s'appuyer sur des divisions irréconciliables que l'on aura ainsi créées en son sein. Il faut alors se poser la question d'à qui profite le crime. Et l'on voit bien qu'il ne peut profiter qu'aux élites oligarchiques.
On doit rapprocher cet incident extrêmement grave du discours médiatique qui a été tenu sur le Front National et sur la République à partir du 6 décembre. Ce discours a présenté l'électeur du Front National comme une sorte de sous-homme. Ce discours est tenu alors que le président de la République appelle à la "concorde nationale". Ce sont des appels qu'il est bon d'entendre, mais que l'on ne pourra entendre en fait que, d'une part, quand on aura condamné fermement les discours qui visent à séparer les Français, à les diviser les uns les autres sur des critères de "race", de religion, et en considérant qu'une large fraction d'entre eux n'est pas apte à exercer des responsabilités, et, d'autre part, que quand on aura proposé des stratégies claires autour desquelles les français pourraient se retrouver unis. Mais, rien de tout cela n'est fait.
Le discours de la concorde restera inaudible tant que l'on continuera d'humilier environ 30% des Français. Maurice Thorez, le dirigeant du PCF, avait choqué une partie de la gauche en 1936, dans son discours où il "tendait la main au militant des Croix-de-Feu". On connaît les mots qu'il utilisa à la fin de son discours: "Nous te tendons la main, volontaire national, ancien combattant devenu croix de feu, parce que tu es un fils de notre peuple, que tu souffres comme nous du désordre et de la corruption, parce que tu veux comme nous éviter que le pays ne glisse à la ruine et à la catastrophe." (4).
Il ne le peut pas car il est l'homme qui s'est renié quand il disait que son ennemi était la finance, qui a abandonné les ouvriers de Fleurange, qui a trahi, de petites en grandes trahisons, à peu près tout ce qui faisait l'identité politique d'une certaine gauche. Il ne le peut pas car il n'est, en réalité, que le fondé de pouvoir d'une classe oligarchique qui ne cherche qu'à s'enrichir, encore et toujours plus, et qui, pour ce faire, est prête à plonger la France dans la guerre civile si c'est à ce prix qu'est la conservation de son pouvoir.
Les Principes de la République
Nous voyons bien où conduit cette logique de classe, voire de caste, et où conduisent les différents abandons de la souveraineté qui ont été consentis par les différents pouvoirs depuis plus de vingt ans. Car, une politique répondant aux intérêts de l'immense majorité du peuple implique que l'on revienne sur ces abandons, que la politique retrouve ses droits et que l'on cesse de la dissoudre dans la technique que l'on prétend saupoudrer de "valeurs".
(1) Voir Sapir J. "Vers la Guerre Civile?", note publiée le 4 octobre 2015 sur le carnet Russeurope, http://russeurope.hypotheses.org/4352 et "La guerre civile froide?", note publiée sur Russeurope le 12 janvier 2014, http://russeurope.hypotheses.org/1907
(2) Et l'on avoue ici plus qu'une influence de Lukacs G., Histoire et conscience de classe. Essais de dialectique marxiste. Paris, Les Éditions de Minuit, 1960, 383 pages. Collection "Arguments"
(3) www.conseil-constitutionnel.fr
(4) Discours de Maurice Thorez du 17 avril 1936
(5) Bellamy R., (1994). ‘Dethroning Politics': Liberalism, Constitutionalism and Democracy in the Thought of F. A. Hayek. British Journal of Political Science, 24, pp 419-441
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