Jean-Numa Ducange, spécialiste de l'histoire de la gauche, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Rouen et membre du laboratoire GRHIS, affirme qu'il y a une chose certaine à l'issue des régionales 2015, c'est que le parti socialiste s'en tire mieux que ce que l'on avait pensé il y a quelques semaines.
Pourtant, des questions d'ordre stratégique se posent. Comme le PS s'est retiré des deux régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA, son destin est incertain d'après le spécialiste, notamment car historiquement il est très implanté dans le nord où ce parti n'avait plus de représentants au deuxième tour.
Généralement, il existe une voie très probable, annoncée notamment par Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'assemblée nationale qui appelle à l’élargissement de la gauche réformiste en affirmant qu'"il faut créer quelque chose de nouveau, un grand parti de gauche réformateur".
D'après M. Ducange, c'est aussi le projet du premier ministre français Manuel Valls qui réclame une sorte de grand parti centriste, démocrate, comme il en existe dans d'autres pays.
M. Ducange en déduit donc que ces" élections vont probablement accélérer au moins pour la gauche la recomposition politique".
L'expert explique qu'en regardant le scrutin attentivement, on peut constater que le PS n'aurait probablement pas pu gagner de région sans le report des voix d'une part des écologistes et d'autre part du Front Gauche.
Il reste à savoir si c'est un grand parti centriste qui va naître pour regrouper des personnes de la gauche avec des éléments de la droite ou si c'est un projet plus traditionnel qui va allier le PS avec l'autre gauche.
Ces élections ont montré qu'il est difficile de prédire dans quelle direction les uns et les autres vont se tourner.
Quant à l'extrême droite, dont le danger n'est pas écarté selon M. Valls, Jean-Numa Ducange constate un grand succès pour cette dernière car même si elle n’a pas remporté de région elle a eu beaucoup d'élus régionaux, surtout dans le nord où il n'y a eu aucun élu de gauche.
Pourtant, l'échec du Front national est facile à expliquer. Si les électeurs de gauche ont du mal à voter pour FN, ils votent pour des partis pas très éloignés du FN.
Alors, d'après le spécialiste, "si on part de l'hypothèse que le champ politique va éclater et qu'il va y avoir une grande force centriste pourquoi pas du côté du FN une alliance avec une partie de la droite, ce qui lui permettrait alors d'avoir les quelques pourcents qui lui manquent pour gagner une région, voire plus, voire gagner le pouvoir présidentiel en 2017".
Il explique "qu'un certain nombre d'électeurs de gauche ont été votés contre le Front national car certains responsables de gauche dans le sud de la France ne font pas réellement de différence entre le FN et le maire de Nice et qui représente une frange assez dure de la droite".
Quant aux chances de François Hollande, malgré son impopularité, c'est qu'il y ait une division dans la droite classique et qu'il se retrouve face à Marine Le Pen, il pourrait gagner alors grâce au front républicain. Jean-Numa Ducange rappelle qu'historiquement, quand la gauche avait gagné en 1981, François Mitterrand avait gagné les élections avec une division de la droite entre Giscard d'Estaing et Jacques Chirac.