Le représentant adjoint pour le commerce américain (USTR), Dan Mullaney n'a pas manqué de signaler que c'était difficile de réconcilier cette proposition avec les obligations de l'Union européenne et son aspiration à un marché intérieur sans entraves. « Nous étudions toujours les implications de la proposition mais nous espérons que l'Union européenne va agir d'une manière qui respecte nos règles établies depuis des décennies en matière de relations commerciales », a-t-il ajouté. La réaction de la Commission européenne ne s'est pas faite attendre. Le 24 avril, l'Union européenne a autorisé l'importation et la commercialisation de 19 OGM dont onze (soja, maïs, colza, coton…) sont les produits de la multinationale américaine Monsanto. La décision a été prise sans attendre le résultat de nouvelles études sanitaires à long terme sur certaines de ces plantes génétiquement modifiées.
Eric Meunier. Il faut comprendre que dans l'Union Européenne, le dossier des OGM est l'objet de différents politiques entre la Commission Européenne et les états membres. Avec d'un côté les états membres qui doivent rendre des comptes auprès de leurs citoyens de l'utilisation ou non d'OGM, dans les champs, dans les assiettes, alors même que les citoyens d'Union Européenne en grande majorité n'en veulent pas. Et de l'autre côté, la Commission Européenne qui elle est un organe politique et administratif qui doit gérer les demandes d'autorisation que déposent les entreprises, ce qui fait que depuis le début, depuis les années 90 ou 2000, l'Union Européenne fonctionne avec des autorisations qui sont soumises aux votes des Etats membres. Mais les Etats membres n'ont jamais atteint la majorité suffisante pour autoriser tel ou tel OGM, que ce soit la culture ou l'importation. Et la Commission Européenne a toujours dû prendre la décision finale. La précédente Commission européenne qui était présidée par José Manuel Barroso n'a jamais été satisfaite de ce fonctionnement. C'est pour ça qu'en 2010, elle avait fait la proposition aux Etats membres pour débloquer le dossier, de disposer d'un outil permettant d'interdire la culture d'OGM dans leurs pays. Un outil existe déjà, mais elle souhaitait avoir cet outil supplémentaire.
Ce que fait la commission Juncker avec la proposition du 22 Avril, ce n'est ni plus ni moins qu'un copier-coller à quelques différences près de ce qui avait été voté pour la culture mais cette fois pour l'importation. Mais il y a une différence entre la Commission Européenne sous Barroso et la Commission Européenne sous Juncker. C'est que sous Barroso la Commission Européenne suspendait de fait la délivrance, l'autorisation d'OGM à la culture ou à l'importation quand des négociations politiques avaient lieu avec les Etats membres, ce qui fait que les dernières autorisations remontaient à Novembre 2013. Ça fait plus d'un an, un an et demi, parce qu'il y avait ce texte pour interdire les OGM à la culture qui était en discussion.
La démarche européenne est intervenue au moment des négociations sur le traité transatlantique, parce qu'il y avait la 9ème session des négociations la dernière semaine. Pensez-vous que c'est une sorte de compromis qui a été trouvé au cours de ces négociations sur l'une des plus sensibles questions?
E.M. Un compromis, je ne sais pas. En tout cas, la décision de la Commission Européenne doit effectivement clairement être analysée en ayant en tête ces négociations autour du traité transatlantique. Parce que comme vous dites, le dossier OGM est un point de discorde important entre les Etats-Unis ou même l'Amérique du Nord et l'Union Européenne. En donnant ces autorisations, la Commission Européenne fait le choix de dire aux Etats-Unis et aux entreprises de biotechnologies, dans le cadre du traité-transatlantique, « voilà une concession qu'on vous fait: on va rattraper le retard sur les autorisations qu'on a pour libérer la liberté du commerce pour les entreprises qui commercialisent des OGM », contre quoi nous on ne sait pas, mais clairement la Commission semble avoir fait un dossier sur lequel elle baisse pavillon.
L'eurodéputé José Bové affirme que la politique de l'UE dans le domaine des OGM pourrait permettre à Monsanto et d'autres transnationales de contester l'interdiction internationale à l'OMC ou au tribunal du commerce? Qu'en pensez-vous?
Il n'y a donc pas d'unanimité au sein de l'UE quant à l'autorisation des OGM. Mais qui parmi les Etats membres sont plutôt pour et qui sont contre? Quelle est la position de la France là-dessus?
E.M. C'est très compliqué, qui est plutôt pour ou plutôt contre. Ça va être difficile de classifier les Etats membres comme ça. On va dire que des Etats membres comme les Pays-Bas ou le Royaume Uni ou l'Espagne voient plutôt d'un œil favorable les OGM ou du moins ont décidé que dans leurs pays les cultures expérimentales ou l'utilisation d'OGM devaient être permis, comme l'Union Européenne le fait notamment.
Après vous avez d'autres Etats membres comme l'Autriche, la Hongrie, la Pologne, la Grèce. Il y a une petite dizaine d'Etats membres qui se sont toujours positionnés comme défavorables aux OGM de première génération, qui sont ceux résistants aux insectes, qui résistent à des herbicides, et qui l'ont fait savoir.
En quoi la propagation des OGM peut être dangereuse pour le secteur agroalimentaire français?
E.M. C'est une question très compliqué, tout dépend de quel acteur on parle. La grande distribution ne s'est jamais posée en faveur des OGM, pour différentes raisons, mais la principale raison est que les citoyens refusent de consommer des OGM. Après pour les autres acteurs la problématique va surtout être commerciale.
Parce que dans l'Union Européenne, tout OGM doit être étiqueté en tant que tel. Ce qui explique pourquoi aujourd'hui on a très peu d'OGM commercialisés pour l'alimentation humaine parce que les citoyens ne voudront pas acheter des produits étiquetés comme OGM.
La grosse problématique, ça va être notamment une problématique commerciale car généralement les consommateurs refusent de consommer les OGM.