On a beau dire que la Russie est un pays agresseur obsédé par des douleurs fantômes acquises suite à l'effondrement de l'URSS, il n'en demeure pas moins certain que les évènements qui ont démarré par le putsch de février 2014 et qui ont progressivement conduit à l'impasse de Debaltsevo ne résultent pas d'une mainmise de l'armée russe sur le Donbass — sans quoi nous parlerions déjà de l'impasse de Kiev — mais bien d'une série de provocations fomentées de l'extérieur et dont la visée fait écho aux pronostics formulés par Brzinski en 1997. Ils se résument à ceci: l'Ukraine sera l'un des cinq pivots stratégiques nécessaires à l'avènement de la domination anglo-américaine à l'échelle mondiale, sa vocation consistera à être le noyau critique de la sécurité de l'Europe avec la France, l'Allemagne et la Pologne ce qui gommera automatiquement son statut de trait d'union entre l'Est et l'Ouest.
Radio Sputnik. « Le sommet qui s'est récemment tenu à Minsk a été qualifié de "sommet de la dernière chance", sinon, c'est la guerre. De quelle guerre s'agirait-il selon vous? Serait-ce une guerre entre l'OTAN et la Russie si l'on va jusqu'au bout du raisonnement?
Jean Géronimo. Il s'agit avant tout d'une stratégie de dramatisation pour accélérer l'accord mais aussi pour faire pression sur Moscou en le culpabilisant. Après, il est vrai qu'un risque de conflit entre la Russie et l'OTAN existe bel et bien ce qui nous amène à nous interroger sur deux points. Théoriquement, une guerre entre la Russie et l'OTAN est impossible l'Ukraine n'appartenant pas à l'Alliance. Qui plus est, tant la Russie que l'OTAN sont a priori contre toute idée de guerre. Pratiquement, la guerre est néanmoins possible. Si des dérapages interviennent — j'entends par dérapages des pièges tendus par des Etats hostiles à la Russie comme la Pologne ou les Etats baltes — il n'est pas exclu que l'OTAN invoque un devoir moral d'ingérence ce qu'il avait fait durant la guerre en Irak en 2003, en ex-Yougoslavie en 1999 et en Lybie plus récem-ment.
Radio Sputnik. 80% des Ukrainiens mobilisés ont refusé de se rendre dans le Donbass pour ne pas mener une guerre, primo, inutile, secundo, fratricide. Ne croyez-vous pas qu'à ce rythme-là le pays risque d'imploser radicalement avant même le renforcement des hostilités dans le Donbass, quitte à imaginer que Porochenko soit destitué à la suite de son prédecesseur?
Je pense qu'à ce stade il reste une autonomie à négocier qui s'apparenterait à une République autonome, la décentralisation proposée étant une option irréaliste. C'est le seul moyen qui reste pour éviter une implosion totale car l'Ukraine est une bombe géopolitique à retardement.
Radio Sputnik. Quelle est selon vous la stratégie de Vladimir Poutine à travers Minsk 2?
Il s'agit premièrement de lutter contre l'isolement diplomatique de la Russie en développant son image internationale et en renouant le dialogue avec l'Occident.
Il s'agit deuxièmement de réduire la politique anti-russe et de sécuriser la périphérie post-soviétique où l'Ukraine a une part stratégique colossale. La défense de ce grand glacis de sécurité pésuppose la neutralité du territoire ukrainien ce qui apparaît impossible dans le cadre de l'expansion otanienne et l'implantation projetée du bouclier antimissile américain. Si l'Ukraine appartient à l'OTAN, tôt ou tard se posera la question de la poursuite de l'expansion du système de défense antimissile américain. Cet ensemble d'enjeux fait partie des menaces prises en compte par la nouvelle doctrine de sécurité russe.
En somme, nous avons affaire à une stratégie centrée sur les intérêts nationaux, une stratégie qui est dominée par le souci de Vladimir Poutine de ne pas déstabiliser la région ».
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