Minsk 2 : Politiquement correct, militairement ingérable ?

© AP Photo / BelTA, Andrei StasevichRussian President Vladimir Putin, second left, and Ukrainian President Petro Poroshenko, right, shake hands as French President Francois Hollande, left, and German Chancellor Angela Merkel look on during a meeting in Minsk, Belarus, Wednesday, Feb. 11, 2015
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L'enfer est pavé de bonnes intentions. C'est la première impression qui vient en tête à la lecture des clauses de l'accord de Minsk, conclu au terme d'un marathon diplomatique dans la nuit du 11 au 12 février.

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Sur le papier tout est réglé comme une partition. Horaire de cessez-le-feu, ligne de démarcation, gestion des armes lourdes, échange de prisonniers, contrôle du bon respect de ces points, esquisse d'un processus politique et, notamment, électoral, en vue d'une sortie de crise… dans les grandes lignes tout est prévu. Le souci, puisque nous avons évoqué l'enfer, est que le diable se cache souvent dans les détails. Et que les modalités de l'accord, d'un point de vue militaire, sont si problématiques qu'elles semblent inapplicables en l'état.

Certes le retrait des armes lourdes à plusieurs dizaines de kilomètres de part et d'autre de la ligne de front actuelle est un bon point. Les civils seront théoriquement à l'abri des lance-roquettes multiples disposant des portées les plus longues. De même le retrait des belligérants sur les limites d'une zone tampon, démilitarisée, permettra d'éviter que des accrochages menés par des éléments incontrôlés, dotés d'armes légères, ne dégénèrent en batailles.

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Mais il faut encore que ce retrait des troupes et du matériel, qui doit s'opérer sous le contrôle de l'Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe (OSCE), soit effectif. Ce n'est pas acquis tant l'OSCE manque de moyens et tant les esprits sont chauffés à blanc dans les deux camps. Par ailleurs il suffit de regarder une carte pour se rendre compte que les modalités de l'accord, si elles devaient être appliquées à la lettre, avantageraient sensiblement les troupes de Kiev, au détriment des séparatistes. Car ces derniers, s'ils sont victorieux sur le terrain, ne disposent pas d'un atout dont les forces « loyalistes » disposent, celui de la profondeur stratégique. Alors que l'armée ukrainienne peut accepter, dans une certaine mesure, de céder du terrain vers l'ouest, les séparatistes sont dos à la mer et à la frontière russe, arc-boutés dans une zone de taille modeste, représentant, grosso modo, les deux tiers de la Belgique. Tout recul, tout retrait, est de nature à fragiliser leur dispositif. Or s'ils se plient scrupuleusement aux termes du texte signé, ils doivent se retirer sur leurs positions de septembre dernier.

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Cela signifie que, dans le sud du Donbass, les séparatistes ne conserveront qu'une mince bande de terre entre la frontière russe et les positions des forces ukrainiennes. En cas d'offensive majeure d'une armée ukrainienne, renforcée à la faveur de la trêve et en mesure de traverser rapidement la zone tampon pour venir au contact, ils pourraient se retrouver acculés au littoral ou rejetés en Russie.

De même la ville de Lougansk, dont les séparatistes ont réussi à repousser à quelques kilomètres l'armée et la garde nationale ukrainiennes depuis septembre dernier, marquerait à nouveau la ligne de démarcation et pourrait, en cas de rupture du cessez-le-feu, être menacée.

Enfin le chaudron de Debaltsevo, à l'intérieur duquel sont encerclés 6 à 8000 soldats ukrainiens, constitue un saillant s'enfonçant profondément au cœur du dispositif séparatiste. Ce saillant, s'il ne fait pas l'objet d'un retrait avéré des forces ukrainiennes, pourrait servir de base à ces dernières pour une offensive en direction du sud et de la frontière russe, attaque susceptible de tronçonner en deux segments le dispositif des séparatistes.

Il semble difficilement concevable que ces derniers acceptent un tel risque. La perspective d'une ultime bataille, permettant de fermer la poche de Debaltsevo et de réduire les troupes ukrainiennes à la reddition pour mettre en place un cessez-le-feu sur une ligne de front optimisée ne peut donc être exclue. Les armes doivent se taire samedi soir, à minuit. Il se pourrait qu'elles tonnent plus que jamais d'ici là. Quitte à remettre l'accord lui-même en question.

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