Le char russe T-90 est plus léger, plus maniable et mieux protégé face aux blindés américains plus lourds Abrams médiatisés comme "l’arme miracle" de l’Occident, a affirmé auprès de Sputnik Boris Rojine, expert militaire du Centre de journalisme militaire et politique.
Il a comparé les performances des deux blindés suite à l’arrivée des premiers Abrams en Ukraine annoncée le 26 septembre par John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche.
Trop lourds et inadaptés au combat en Ukraine
Bien que l’Abrams, considéré par la presse occidentale comme l’un des "chars les plus sophistiqués au monde", semble être plus performant que le Leopard allemand. C’est le véhicule de combat le plus lourd, alors que le T-90 est plus léger et donc plus rapide, a affirmé l’analyste militaire.
"Le T-90 a un avantage en matière de maniabilité, c'est-à-dire qu'il est plus à même de traverser des terrains accidentés et qu'il est plus rapide que l'Abrams. De tous les chars fournis [à Kiev, ndlr], l'Abrams est le plus lourd et est considéré comme plus performant que le Leopard", a déclaré Boris Rojine.
Il a ajouté que l'Occident transférait à Kiev des modèles de chars plus anciens et non modernisés, c’est-à-dire mal adaptés aux conditions de combat contemporaines. Alors que les chars russes ont été déjà largement testés lors de combats en Ukraine.
"Maintenant, en Ukraine, nous assistons à un emploi assez intense du T-90 dans les opérations. Le char est utilisé comme soutien de l'infanterie, et le T-90 s’y comporte bien. Il est encore difficile de dire comment l'Abrams se comportera dans ce rôle", a souligné l'expert militaire.
Il a rappelé que l'Abrams avait participé aux opérations en Irak et en Afghanistan, mais à l’époque, il n’existait pas de drones capables d’éliminer les chars. Pour l’heure, on ne sait pas exactement comment les Abrams vont faire face à ce problème, a-t-il conclu.
Les chars russes mieux protégés et plus maniables
Le principal problème des Abrams est similaire à celui des Leopard allemands ou des Challenger britanniques, a continué Boris Rojine. Il s’agit de leur tourelle et du compartiment moteur peu protégés, ce qui les rend vulnérables aux attaques de drones.
"Nous voyons comment la protection du T-90 est améliorée: des visières soudées sont installées, un blindage réactif supplémentaire est installé et le compartiment de transmission moteur est protégé", a poursuivi l’expert. "L’Abrams a le même problème que le Leopard allemand ou le Challenger britannique. Autrement dit, son point faible est la tourelle et, en général, le char est mal protégé contre les attaques [de drones, ndlr]. Le toit et le compartiment moteur représentent les parties les plus vulnérables du char. Et les Abrams à cet égard, bien sûr, sont inférieurs aux T-90 en matière de sécurité".
Le champ de bataille ukrainien constitue également un défi pour les chars de l’Otan en automne et en hiver, alors que pour les T-90, ce n'est pas du tout un problème, selon l'analyste militaire. De plus, concernant la maniabilité, les qualités de l'Abrams sont même inférieures à celles des T-64 soviétiques qui équipent l’armée ukrainienne, a-t-il ajouté.
Le T-90 est plus léger que l'Abrams, plus maniable et donc adapté au terrain et aux intempéries en Europe de l'Est. De son côté, l'Abrams risque de s’embourber, selon Boris Rojine.
"Récemment, il y a eu une tentative d'utiliser la modification suédoise du Leopard 2 sur l’axe de Svatovo. Mais ils se sont simplement enlisés et ont ensuite été touchés par des drones", a-t-il rappelé.
Que donnerait un duel entre le T-90 et le M1 Abrams?
Les duels de chars sont assez rares dans la zone de l'opération militaire spéciale russe, le principal but des blindés étant de soutenir l'infanterie ou d’attaquer des fortifications ennemies. Toutefois le M1 Abrams a été conçu entre 1972 et 1975 pour combattre les chars soviétiques et d’autres véhicules blindés de combat, a poursuivi l’expert.
"Il y a des épisodes où les chars servent à détruire des blindés ennemis, mais le plus souvent, ils sont utilisés comme une arme d'assaut, c'est-à-dire pour attaquer des réseaux fortifiés et des abris sous un tir direct", a expliqué M.Rojine.
Il a souligné qu’après avoir subi un certain nombre d'améliorations, l'Abrams était désormais équipé d'un canon capable de tirer à la fois des obus-flèches et des obus à charge creuse. Certaines de ses munitions perforantes ont des têtes en alliage de tungstène et d'autres contiennent de l'uranium appauvri.
En ce qui concerne le T-90 russe, un char de combat de troisième génération et successeur du T-72, il a été également amélioré au cours des dernières années. La dernière version est le T-90M Proryv ("Percée", en russe), qui est bien protégé contre les munitions conventionnelles, les armes à guidage de précision et les roquettes antichar. Le char est armé d'un canon à âme lisse de 125 mm à précision améliorée (avec chargeur automatique) et d'une mitrailleuse télécommandée de 12,7 mm.
En outre, le char russe possède également des capacités de perçage de blindage grâce aux obus perforants de 125 mm 3BM59 Svinets-1 et 3BM60 Svinets-2, selon Boris Rojine.
L’obus Svinets-2 est un obus-flèche en alliage de tungstène capable de pénétrer jusqu'à 700 mm de blindage en acier homogène à une distance de 2 kilomètres. Selon les experts militaires, la munition peut percer les Leopard allemands, les Challenger britanniques et les Abrams américains.
Cependant, dans l’hypothèse ou un duel se produisait entre les deux chars, la victoire serait remportée par celui qui détecterait l’ennemi en premier, a avancé l’analyste.
"Parce que, généralement, celui qui a repéré l'ennemi en premier va gagner. Il est important de comprendre que le char n'opère pas tout seul. Il peut opérer en conjonction avec les unités de reconnaissance de drones, censée assurer la surveillance. Si vous repérez la cible, mais que votre adversaire ne vous voit pas, vous pouvez vous adapter à lui et lancer une frappe ciblée, après quoi il ne sera plus en mesure de répondre. Par conséquent, ce sont souvent des problèmes d'observation et de désignation de cible qui sont importants. Cela ne dépend plus d'un seul char mais d'une combinaison de facteurs, de la manière dont il interagit avec la reconnaissance tactique et de la manière dont la protection aérienne est assurée", a-t-il résumé.
Quelles missions pour l’Abrams dans la zone de conflit?
L’analyste militaire n'exclut pas que l'armée ukrainienne utilise spécifiquement les Abrams pour infliger des dégâts aux véhicules blindés et aux principaux chars de combat russes.
"D'après les déclarations du Pentagone, nous constatons qu'ils souhaitent utiliser des Abrams de manière spécialisée. Pas de la même manière qu'ils ont essayé d'utiliser les Leopard pour percuter nos défenses. Autrement dit, ils utiliseront très probablement un nombre limité d’Abrams afin d'éviter de lourdes pertes et d'obtenir des résultats. Ainsi, ces chars seraient utilisés dans les zones où nous avançons", a expliqué M.Rojine.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que Washington fournit à Kiev des modèles obsolètes, a-t-il rappelé.
"Il est important de comprendre qu’en réalité, les États-Unis fournissent à l'Ukraine des chars créés compte tenu des réalités de la Guerre froide", a souligné l'expert. "Ils ne fournissent pas [à l'Ukraine] les plus récentes versions d'Abrams, ils les gardent pour eux-mêmes. Ces derniers modèles ont de meilleurs systèmes optiques et électroniques, une sécurité améliorée et un blindage supplémentaire en uranium."
Quoi qu'il en soit, un lot total de 31 chars Abrams ne pourra pas changer la donne sur le champ de bataille, a conclu Boris Rojine.
Premier lot d’Abrams reçu par Kiev
Joe Biden a annoncé le premier envoi des Abrams à l’Ukraine la semaine dernière à l'occasion d'une visite à Washington de Volodymyr Zelensky. Les États-Unis ont promis d’envoyer 31 chars au total, équipés de munitions de 120 mm à uranium appauvri.
L’armée ukrainienne a reçu les premiers exemplaires le 25 septembre, selon John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. Les autres livraisons sont prévues dans les semaines à venir.
Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a commenté cet envoi en qualifiant ces blindés d’"arme sérieuse", mais incapable de "renverser l’issue de l’opération militaire que la Russie mène en Ukraine depuis le 24 février 2022".