"Le poids de l’éducation coloniale" pèse toujours sur l’Afrique, selon Nathalie Yamb

Certains pays africains subissent encore les conséquences d’une éducation coloniale, qui intériorise le rabaissement du continent, a déclaré à Sputnik la militante africaine Nathalie Yamb. Les partenariats éducatifs avec la Russie pourraient permettre de sortir de l’ornière.
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Un passage qui laisse des traces. En colonisant l’Afrique, les puissances occidentales ont apporté avec elle une manière d’éduquer, qui véhicule des clichés et brime l’inventivité, a expliqué à Sputnik la militante africaine Nathalie Yamb.
L’Afrique francophone est particulièrement touchée. L’éducation héritée de la République française présente souvent le continent de manière biaisée, comme une terre à exploiter, à la disposition de puissances plus développées.
"Le poids de l'éducation coloniale a des impacts politiques, économiques et culturels importants […] Dans les pays africains francophones, toute l'éducation est coloniale. Tout le cursus scolaire consiste à nous habituer à l'idée que l'Afrique serait un grand réservoir de matières premières, dont la destinée est de servir aux autres, à ceux qui ont la connaissance scientifique, qui ont la recherche et développement, qui ont les personnes formées. C'est comme ça qu'on grandit", affirme ainsi Nathalie Yamb.

L’informatique au tableau et à la craie

L’éducation française, aujourd’hui encore comparée aux modèles allemand ou anglo-saxon, reste par ailleurs très formelle en Afrique. Elle limite la créativité et l’inventivité, souligne la militante panafricaine. Conjuguée à un manque de moyens, cette approche donne des situations parfois ridicules, comme dans l’enseignement de l’informatique.
"Dans beaucoup de pays d’Afrique on apprend l'informatique avec la craie au tableau. On vous explique que le langage informatique, c'est un plus. Mais les gens qui sont supposés être formés n'ont pas une tablette en main ou un ordinateur sur lequel ils peuvent travailler. On forme des perroquets au rabais, souvent parce que le système francophone n'encourage pas le débat, la recherche, l'inventivité et la créativité", explique ainsi Nathalie Yamb.

Le pari russe

Pour tenter de sortir de ce modèle colonial, le partenariat russe peut être une option, estime encore la militante panafricaine. En formant de nouvelles élites rompues au savoir scientifiques et techniques, Moscou pourrait ainsi aider le continent à exploiter ses ressources.
"Si la Russie accepte une coopération nouvelle dans l'éducation, permettant de former des ingénieurs dans le secteur des engrais, de la production agricole, de l'énergie nucléaire, alors elle pourra prendre une place aujourd'hui largement vacante, car les colons historiques ne sont pas du tout dans cette optique", déclare ainsi Nathalie Yamb.
Et la militante de prendre l’exemple du nucléaire, domaine dans lequel la Russie excelle. Au contraire des Occidentaux qui pillent l’uranium africain pour le transformer chez eux en énergie nucléaire, Moscou pourrait former des ingénieurs africains et construire des centrales sur le continent. Un partenariat gagnant-gagnant, la Russie en tirant des bénéfices et l’Afrique de l’énergie.
"Il s'agit pour nos dirigeants de dire aux Russes: +Vous savez transformer, on va former des gens chez vous et vous allez construire l'usine en Centrafrique, là où il y a la mine. On produira ainsi l'énergie en Centrafrique pour la vendre en Centrafrique et dans la sous-région. Vous gagnerez de l’argent grâce à cettecentrale, animée par des Africains formés à la meilleure école possible, et non pas en transformant l’uranium quelque part en Oural" explique ainsi Nathalie Yamb.
Une logique qui semble d’ailleurs prendre forme, puisque le récent Sommet Russie-Afrique a accouché de plusieurs partenariats dans le secteur nucléaire. L’Ouganda a notamment signé un accord avec la Russie pour la construction d’une future centrale. Le Burkina Faso a émis une demande similaire.
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