L'Afrique du Sud est-elle utilisée comme un "cobaye pour des politiques énergétiques"?

L’Europe a joué un drôle de jeu avec le charbon sud-africain, en achetant en masse pour pallier aux hydrocarbures russes, tout en poussant Pretoria vers les énergies renouvelables, a expliqué à Sputnik Princy Mthombeni, spécialiste du secteur nucléaire.
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Alors que l’Afrique du Sud vit une crise économique sur fond de coupures d’électricité, la communauté internationale l’exhorte par ailleurs à accélérer sa transition énergétique. Une démarche qui pose certaines questions, comme l’explique à Sputnik Princy Mthombeni, présidente d’Africa4Nuclear.

"Il est ridicule et irresponsable de croire que le pays peut construire une économie grâce à un système énergétique basé uniquement sur les énergies renouvelables", a-t-elle estimé.

Eskom, le premier distributeur électrique en Afrique du Sud, a d'ores et déjà mis en garde contre de nouvelles coupures électriques cet hiver, ce qui pourrait entraîner l’économie vers une nouvelle recession. La deuxième en trois ans.

"En Afrique du Sud, le charbon est un socle sur lequel l'accès à l'énergie est construit, il fournit une électricité abordable aux ménages, aux entreprises, aux transports" rappelle encore Princy Mthombeni.

Jeu trouble de l’UE sur l’énergie verte

Mais la donne a changé avec le conflit ukrainien et la crise énergétique, souligne la spécialiste. Les Européens se sont rués sur le charbon sud-africain pour pallier l’absence de gaz russe… tout en faisant la leçon à Pretoria pour que le pays se dirige lui-même vers des énergies plus propres!
"Les pays se sont précipités pour trouver des alternatives à l'approvisionnement en gaz russe. Mais à la COP27 en 2021, des pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne ont "promis" 8,5 USD à l'Afrique du Sud pour aider le pays à s'éloigner du charbon. Peut-être devrions-nous nous demander si l'Afrique du Sud n’est pas utilisée comme un cobaye pour des politiques énergétiques", interroge ainsi Princy Mthombeni.
En 2022, l'Afrique du Sud a d’ailleurs enregistré une baisse de 5% de sa consommation de charbon, soit le plus net recul à l’échelle mondiale, rappelle d’ailleurs la spécialiste. La même année, le terminal de Richards Bay (RBCT) a exporté vers l’Europe 14,3 millions de tonnes de charbon, contre 2,3 millions en 2021.
Une sorte de schizophrénie qui fait dire à Princy Mthombeni que les pays occidentaux devraient revoir leur discours vis-à-vis de Pretoria. Les aides pour sortir du charbon et produire des énergies propres ne devraient pas être "prescriptives" souligne-t-elle, car elles passent pour une forme de néo-colonialisme.

L’Afrique pollue peu

L’attitude occidentale est d’autant plus problématique que l’Afrique est un continent qui pollue peu, comme le rappelle à Sputnik Sékou S. Traoré, du bureau d’étude malien ID-SAHEL. Les exportations de charbon sud-africain permettent par ailleurs à d’autres pays émergents de se développer.

"Les pays africains sont considérés comme des puits carbone, notre impact direct sur la pollution est peu significatif […]. Ce n'est pas un paradoxe que les exportations du charbon sud-africain connaissent un boom. L'énergie est un moyen sûr pour amorcer le développement d'un pays", souligne-t-il ainsi.

En matière d’énergies vertes, l’Afrique pourrait faire le pari du photovoltaïque et de l’hydrogène précise encore Sékou S. Traoré. Plusieurs pays du continent se penchent d’ailleurs intensément sur cette dernière option. Comme l’Égypte, qui pourrait devenir le premier en Afrique à produire de l’hydrogène vert, via sa nouvelle usine d’Ain Sokhna.
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