Les États-Unis sont-ils en train de payer leur instrumentalisation abusive du dollar? Alors que le yuan chinois commence à se faire une place dans les échanges bilatéraux et même sur les marchés de l’énergie, l’économiste Chris Devonshire-Ellis rappelle à Sputnik que les Américains se sont longtemps servis de leur devise comme d’une arme.
"Les États-Unis utilisent le dollar comme arme commerciale pour punir les pays qui ne les suivent pas. La Turquie a notamment été soumise à une forte dévaluation de la livre aux dépens du dollar, au point que les distributeurs de billets turcs fournissent désormais des dollars en plus de la livre. Cette militarisation du dollar dure depuis un certain temps. Au cours des douze derniers mois, cela s'est intensifié, en particulier contre la Russie", explique-t-il.
La Russie a notamment vu ses réserves mondiales de dollars détenues à l'étranger gelées par les États-Unis, rappelle l’économiste du cabinet de conseil Dezan Shira & Associates. Washington n’a en outre pas hésité à instrumentaliser le système SWIFT, faisant pression pour que la Russie en soit exclue. Un détournement politique manifeste puisque le réseau a avant tout été créé pour lutter contre le blanchiment d'argent et le trafic de drogue, souligne Chris Devonshire-Ellis.
Le yuan monte en puissance
Les dérives politiques et les sanctions liées au dollar ont donc "accéléré l’utilisation de monnaies alternatives", ajoute encore Chris Devonshire-Ellis. Parmi ces dernières, le yuan chinois se taille une place de choix, y compris sur les marchés de l’énergie. Fin mars, la Chine a d’ailleurs acheté environ 68.000 tonnes de gaz naturel liquéfié aux Émirats arabes unis, en payant pour la première fois en yuan.
Ces nouveaux développements n’affecteront pas forcément l’économie américaine mais donnent un coup de canif dans le monopole du dollar, explique l’économiste.
"Cela aura un impact, même si ça ne nuira pas forcément à l'économie américaine. Le commerce extérieur des États-Unis ne représente que 25% du PIB, 75% étant lié au marché intérieur […] Mais cela a du poids d'un point de vue politique, cela indique un mécontentement à l'égard du dollar. Le message politique est plus puissant que le message économique", déclare ainsi Chris Devonshire-Ellis.
De nombreux pays ont signé des accords avec Pékin pour utiliser leur monnaie nationale dans les échanges bilatéraux, appuie l’économiste. Le Brésil et la Chine ont notamment signé un accord en ce sens, pour commercer en yuan et en réal au détriment du dollar. Le commerce entre les deux pays pèse 163 milliards de dollars par an.
La Russie a également encouragé les pays africains à secouer le joug du dollar pour s’intéresser au yuan. Moscou a déjà mis en pratique cette stratégie, puisque deux tiers du commerce russo-chinois se font déjà en roubles et en yuans.