Sputnik: Quels objectifs concrets comptez-vous atteindre lors de votre séjour en Russie? Quels représentants russes souhaitez-vous rencontrer?
Félix Moloua: Je suis venu en Russie suite au Forum économique du juin passé au cours duquel j’ai eu des échanges sur des questions économiques. Et c’est aussi l’occasion pour moi de remercier le Président Poutine, le gouvernement et le peuple de la Russie pour tous les appuis dont la RCA a bénéficié. J’exprime ces remerciements au nom du Président de la République, Faustin-Archange Touadéra, et au nom du gouvernement que je dirige, et aussi au nom du peuple centrafricain parce que la Fédération de la Russie représente pour nous un pays allié et frère.
Je voulais juste rappeler que lorsque la RCA traversait des moments difficiles surtout au point d’etre destabilisé par les groupes armés, le Président de la République, Faustin-Archange Touadéra, a lancé un appel à tous les pays frères pour solliciter leur aide pour protéger la démocratie en RCA. La Fédération de la Russie était l’un des pays qui a promptement réagi et qui a contribué au rétablissement de la démocratie en RCA. Le peuple centrafricain ne pourrait jamais du tout oublier cet acte posé par la Russie et également par des pays comme le Rwanda.
Aujourd’hui, si les groupes armés quittent les frontières et progressent jusqu’aux côtés de la capitale, vous voyez les dégâts que ça peut entraîner, le pays serait déstabilisé. Aujourd’hui la situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée, la population peut circuler librement. À l’époque on faisait croire sur les réseaux sociaux et dans d’autres médias que le gouvernement centrafricain ne contrôlait que 20% du territoire. Aujourd’hui le langage a changé grace aux instructeurs russes qui ont été mis à la disposition de la RCA, dans le processus le plus normal, appuyé et adopté par le Conseil de sécurité.
Les instructeurs russes ont fait un travail extraordinaire en encadrant les forces armées centrafricaines et en les formant d’une manière qu’ils sont aujourd’hui capables de défendre le territoire et protéger la population. D’ailleurs la population de plus en plus sollicite la presence de ces éléments aux côtés des FACA qui ont mis en déroute ces groupes armés. Ces groupes armés se disent parler au nom de la population et défendre ses intérêts, mais ce sont eux qui détruisent la population et qui créent des exactions du droit de l’homme sur cette population.
Malheureusement, on met un focus d’une manière générale sur le groupe Wagner, et ce n’est que de la désinformation, parce qu’en fait, ces groupes armés commettent des exactions, et ça crée énormément de problèmes au sein de la population, qui d’ailleurs chaque fois demande au gouvernement de faire venir rapidement les FACA et les éléments de la Russie. Donc c’est l’occasion, une fois de plus, de dire vivement merci à la Russie qui ne cesse de nous aider à améliorer les conditions sécuritaires. Maintenant, il faudrait qu’on aille au-delà de cela, c’est l’objet même de ma visite de travail.
- Pourriez-vous nous donner quelque chose de concret sur votre visite?
- Oui, aujourd’hui nous voulons développer d’autres aspects et projets, notamment au niveau des infrastructures, de l’agriculture et de l’energie. Il faudrait renforcer la résilience et créer des conditions pour que la population participe au développement du pays et à la croissance. Donc aujourd’hui c’est ce langage qu’on veut tenir; on n’a pas complètement réglé les problèmes sécuritaires parce que nous avons encore des tentatives de destabilisation à nos frontières.
Nous pensons qu’en coopération avec nos pays voisins, nous devons aller vers les commissions mixtes pour régler définitivement les questions de sécurité à nos frontières. Aujourd’hui, il y a des infiltrations de ces groupes armés, qui viennent dépouiller la population, qui tuent et prennent des otages. Cela pose énormément de problèmes alors qu’a l’époque, lorsque les gens prenaient les armes, c’était pour revendiquer que leurs zones étaient laissées pour compte.
Aujourd’hui le gouvernement, avec l’appui de la communauté internationale, travaille dans ce sens. Nous sommes en train de renforcer la coopération avec tous les pays amis, qui ont la bonne foi et qui entendent la souffrance du peuple de la Centrafrique et qui veulent aider. C’est pour ça que je suis en Russie aujourd’hui.
- Alors quel est l’ordre du jour de cette visite? Quels représentants vous allez rencontrer?
- Bon je sors aujourd’hui tout de suite d’un échange très fructueux avec le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov en l’absence du ministre Sergueï Lavrov, avec qui nous avons eu vraiment des discussions très approfondies sur les types d’action que nous pouvons prendre dans le cadre du développement économique. Donc, je suis là d’abord pour les remercier et remercier donc tous les instructeurs, dont certains ont perdu leur vie, mais aussi pour commencer à réfléchir. On peut avoir des idées de projets, mais il faut poursuivre les discussions pour leur donner la forme, donc je suis là pour le suivi de ce processus.
- Est-ce qu’il y a des projets concrets dont on peut déjà parler ?
- Oui, il y a des projets concrets tel que l’agriculture, parce que c’est avec l’appui de la Russie que nous pouvons déjà avoir des équipements pour mécaniser notre agriculture. Le Président Faustin-Archange Touadéra considère le secteur agricole comme le levier de la croissance qui permettra de lutter contre l’insecurité alimentaire, avec les crises climatiques et sécuritaires. Malheureusement les impacts de la guerre entre la Russie et l’Ukraine sont énormes parmi les ménagères. Donc aujourd’hui il faut développer cette résilience, étant donné que nous avons un pays à haute potentialité. Nous aurons besoin de l’expertise des pays amis et du transfert de la technologie. Voilà les questions que nous avons commencé à discuter avec les autorités de la Russie, qui sont très attentives et dans la bonne disposition de nous accompagner.
- Vous avez parlé du secteur agricole, alors dans le cadre agro-industriel comment est-il prévu d’étendre cette coopération? Quel est est le chiffre d’affaires des produits agro-industriels entre la Russie et la RCA cette année?
- Comme je l’ai dit, les idées sont là, et aujourd’hui nous essayons de voir comment on peut les mettre en forme. Nous allons dans les dispositions de penser comment on peut avoir de l’expertise parce que nous travaillons déjà avec d’autres partenaires sur les questions agricoles, et nous avons déjà des équipements. Nous sommes en train de mener des projets pilote et il faut l’étendre parce que nous avons 623.000 km2 et nous avons toutes les conditions aujourd’hui pour développer l’agrobusiness; donc nous avons besoin de l’expertise de la Russie. Les échanges que nous avons menés aujourd’hui ont porté sur des équipements pour élargir les projets pilotes que nous sommes en train de mener.
- Est ce qu’on peut parler d’une visite d’experts russes dans ce domaine dans un avenir proche?
- Exactement, dans les prochains jours dès que je vais rentrer nous allons essayer de la mettre en forme. D’ailleurs ça serait aussi l’occasion parce que il y aura le Forum cette année, et je crois que la delegation centrafricaine y viendra pour aller au-delà des discussions que j’ai eues, pour aller véritablement vers tout concret, parce qu’on veut du pragmatisme. La Russie nous a aidé avec d’autres pays à ramener la sécurité qu’on va maintenir, mais d’autre côté nous devons travailler aussi avec la Russie et d’autres pays sur les volets économiques pour faire face aux multiples défis auxquels le monde entier est confronté.
- En décembre dernier, un colis piégé a explosé dans les mains du directeur général de la Maison russe à Bangui. Que pourriez-vous dire de cet attentat?
- En décembre dernier, un colis piégé a explosé dans les mains du directeur général de la Maison russe à Bangui. Que pourriez-vous dire de cet attentat?
- D’abord nous avons condamné énergiquement cet acte de terrorisme. Je suis heureux de profiter de ma visite pour saluer ce digne fils de la Russie qui malheureusement en était victime. Nous prions Dieu que sa situation s’améliore, tout le peuple centrafricain le soutient. Quand je l’ai vu, j’était content parce que les choses évoluent positivement. Je souhaite que ce genre d’actes que la Centrafrique n’a jamais connu soit vraiment condamné dans la dernière rigueur. Malheureusement je rends compte que certains medias sont passés dessus et n’ont pas véritablement condamné, mais nous condamnons cet acte. Il y a l’enquête qui se poursuit. Aujourd’hui nous n’avons aucun élément, pour le moment ce sont encore des éléments d’enquête; attendons d’abord la conclusion et on verra.
- Est-ce qu’il y a une coopération avec la Russie dans le cadre de l’enquête?
- Nous sommes obligés d’ecouter tout le monde, mais comme il y a un comité qui travaille dans ce sens, ce n’est pas l’occasion aujourd’hui d’aborder les questions de cette enquête. Je crois que toute partie prenante donnera également son avis sur le déroulement de cette enquête.
- Est-ce que vous soupçonnez quelqu’un d’être derrière cet acte?
- Non, il faut d’abord avoir des éléments concrets. Soupçonner, ça risque d’emmener sur une autre voie qui risque de fausser les choses. Laissons les enquêtes se dérouler. Des qu’on aura les éléments, cur cette base-là nous pourrons communiquer d’une manière vraiment claire et responsable.
- Revenons à la question de coopération avec la Russie. Lors de votre dernière visite, il a été question de faire venir des investisseurs russes en RCA. Avez-vous eu du succès à cet égard ? Quelles entreprises russes sont actuellement présentes en RCA et quelles prévoient de venir dans un avenir proche?
- Comme je l’ai dit, nous avons eu des idées, et nous travaillons sur le contenu maintenant. Nous avons aussi un autre instrument, c’est les BRICS. Vous savez que la Russie c’est une partie prenante dans les BRICS. Nous avons reçu une délégation des BRICS, d’ailleurs nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction le fait que le siege de l’Afrique centrale des BRICS sera a Bangui. Je viens de discuter aussi avec le vice-ministre des Affaires étrangères pour voir les opportunités que nous pouvons saisir a travers les BRICS. J’aurai à mon retour certainement des échanges avec les ambassadeurs des différents pays des BRICS pour voir comment nous pouvons en tirer profit. La RCA est ouverte et tient aux questions de développement, tient aux questions d’améllioration des conditions de vie de sa population. Donc on va travailler dans ce sens.
C’est aussi une possibilité d’avoir des hommes d’affaires, et d’ailleurs le chef d’État instruit le gouvernement a améliorer le climat des affaires, donc ce sera un autre instrument qui permettra aux investisseurs de différents pays, dont les BRICS, de venir en République centrafricaine et nous aidera donc à mettre en valeur les potentialités que le bon Dieu a bien voulu nous donner.
- Alors si nous parlons de nouvelles opportunités que ce siège apportera au pays, ce sont plutôt des investissements. Y a-t-il d’autres opportunités dont on peut parler?
- Ce pays, c’est un vaste chantier. C’est un pays enclave que nous devons transformer. Il y a donc toutes les questions d’infrastructure: il faut moderniser l’agriculture mais quand on modernise l’agriculture on va vers l’agrobusiness, donc il y a la question d’énergie, donc nous devons travailler pour avoir suffisamment d’énergie pour aller vers la transformation.
Il faut d’abord avoir l’auto-suffisance alimentaire et aller aussi exporter, donc nos potentialités seront mises en valeur pour vraiment intéresser d’autres pays. Cela pourra créer des chaînes de valeurs et régler le problème des emplois, parce qu’on a des jeunes manipulés par les groupes armés car il n’y a pas de perspectives. Mais si nous développons nos secteurs et allons vers la diversification, nous allons créer des emplois à ces jeunes qui représentent aujourd’hui une forte proportion dans notre pays. Donc il faut utiliser cette potentialité pour que ça soit utile pour l’économie et créer des conditions pour que ces jeunes participent donc à la croissance.
Ce sont ces défis-là sur lesquels nous travaillons aujourd’hui avec les orientations du chef de l’État et avec nos partenaires pour travailler dans un partenariat gagnant-gagnant.
- Quand est-ce que ce siège des BRICS pourrait-il être inauguré? Y a-t-il une date precise?
- Pour le moment, non. C’est le principe qui a été acquis, nous travaillons pour voir ce que nous pourrons faire. D’ailleurs quand la délégation était passée il avait été question de voir par ou commencer le plus rapidement, parce que tout le monde veut du concret et je vais y travailler dès mon retour pour voir ce qu’on peut tirer déjà au niveau des BRICS pour allez vers le développement et renforcer la coopération avec nos pays amis.
- Pour la coopération militaire avec la Russie, c’est l’un des axes les plus forts dans les relations entre nos deux pays. De quels nouveaux résultats peut-on parler ?
- Aujourd’hui, comme je l’ai dit, la situation sécuritaire s’est beaucoup améliorée à la satisfaction de toute la population, et d’ailleurs, la population demande encore plus de présence des éléments russes pour complètement endiguer les actions des groupes armés.
- Est-ce que vous allez demander une augmentation du nombre des instructeurs?
- Je vais demander que cette coopération en matière de défense soit renforcée, je vais certainement discuter avec le ministre russe de la Défense pour voir comment nous devons poursuivre cette coopération pour qu’elle soit vraiment exemplaire. Nous en avons aujourd’hui tiré profit qu’on le veuille ou pas, à l’évidence il y a eu beaucoup d’amélioration, et il faut aussi aller rapidement vers le développement pour que l’ensemble de tout ça puisse donner des résultats visibles et des exemples à suivre.
- Comment souhaitez-vous renforcer cette coopération, dans quels aspects?
- Aujourd’hui il y a des questions de formation qui doivent se poursuivre, peut-être avec beaucoup d’autres instructeurs. Il est aussi question d’équipement, il faut former nos jeunes et leur donner la possibilité de faire face au front, parce qu’il faut tirer profit de cette coopération dans le renforcement des capacités dans le cadre des officiers, aller vers la formation des bourses. Nous avons des jeunes qui viennent ici, et il faut poursuivre cela pour qu’on ait des gens dignes, des gens bien formés pour faire face à toutes les opportunités qui peuvent s’offrir.
- Y a-t-il des équipements militaires précis qui vous intéressent?
- On verra dans la discussion que j’aurai avec le ministre de la Défense, je ne peux pas anticiper cela. Il faut qu’on discute pour faire l’état des lieux et puis voir la où on peut renforcer. En tout cas c’est souhaitable. Nous avons besoin de cela parce que ça a porté des fruits. Donc il faut poursuivre, parce que nous avons toujours des ennemies qui menacent et qui font des incursions.
Le chef de l’État tend toujours la main parce que vous savez notre superficie est vaste avec une taille de population qui n’est pas exagérée. Si nous nous mettons à travailler ensemble nous ne pouvons pas continuer à entretenir des rébellions qui constituent des épreuves à la population. Il faut laisser la population plutôt savourer les biens que Dieu a donnés, mais certains veulent être dans la logique du conflit. Peut-être qu’ils tirent profit avec les ressources du sous-sol qu’ils peuvent avoir facilement; mais je crois qu’avec la coopération que nous allons développer, on arrivera à mettre fin à ça et nous l’espérons énormément.
- Vous avez touché la question des frontières. Le Soudan vient de fermer sa frontière avec la RCA; les tensions à la frontière avec le Tchad persistent. Comment le gouvernement envisage-t-il de sécuriser la frontière? La Russie peut-elle apporter son aide à cet égard ?
- Ce que nous attendons de la communauté internationale et de la Russie, c’est de nous aider dans les commissions mixtes pour que les deux États se parlent avec les experts pour examiner ces questions et voir quelles sont les dispositions qui peuvent être prises des deux côtés pour qu’il y ait la paix dans les pays. Ce n’est que dans ce cadre-là qu’on peut régler beaucoup de problèmes.
- Il est signalé que suite au départ des militaires français de M'poko, des soldats et légionnaires français reviennent en RCA auprès de diverses ONG. Que selon vous la France essaye-t-elle de faire?
- Je ne vais pas commenter les décisions des pays souverains, nous aussi nous revendiquons la souveraineté de notre pays. C’est une des décisions, peut-être par rapport à des éléments qui nous échappent, ce pays a décidé de retirer ses éléments.
- Récemment deux Français ont été arrêtés...
- Le problème c’est que de la même manière, quand nous partons là-bas, ou si nous venons en Russie, nous demandons à avoir des visas, même moi le premier ministre j’ai eu mon visa de l’ambassade de la Russie avant de venir. Nous souhaitons que la RCA également soit respectée de la même manière.
Il s’est trouvé que des éléments sont venus sans visa, et c’est tout à fait normal que les services puissent empêcher la libre circulation de ces individus. Maintenant nous serons vigilants de telle manière à ce que nous soyons en règle. C’est tout ce que nous demandons, ce sont des questions de souveraineté, des règles sont établies et nous souhaitons vivement que cela ne soit pas interprété autrement. Il se trouve que les éléments sont arrivés avec des visas expirés. Cela donne libre échange à beaucoup d’interprétations. Donc nous ne voulons pas rentrer dans ce genre de débats.
Ce que nous cherchons c’est d’être en bons termes avec tous les pays. Nous ne développons pas d’animosité avec certains pays. Le Président de la République l’a dit, nous sommes ouverts à développer les coopérations avec tous les pays pourvues qu’elles soient win-win et transparentes.
- Comment Bangui compte-t-elle rétablir un climat de confiance avec Paris?
- Mais Bangui n’a pas de problèmes avec Paris, il faut y assurer. Bangui n’a pas de problèmes. Nous sommes ouverts. La Centrafrique est un pays pauvre qui n’a subi que des conflits, mais qui a des potentialités et veut les exploiter au benefice de sa population. Pourquoi développer des climats de méfiance avec des pays? On n’a pas des capacités d’aller dans ce sens-là. Nous évitons au maximum tout débat qui va vers des tensions. Nous voulons un climat apaisé, nous voulons les intérêts communs que nous défendons au benefice de nos populations. C’est tout ce que nous cherchons.
Je vous rassure que de notre côté nous sommes ouverts, nous n’avons pas de tensions avec un pays quelconque, encore moins avec la France. Bien au contraire, nous sommes disposés à échanger. Je suis venu là, j’ai eu du dialogue; j’étais allé aux États-Unis et j’ai parlé avec le secretariat d’État qui s’occupe des pays africains. On est ouvert. On a discuté des questions de droit de l’homme. Je les ai donnés des preuves, j’ai dit: regardez, dans ce genre de situations on peut avoir du dérapage.
Il y a des FACA qui se sont mal comportés, on les a apporté les preuves et ils ont été radiés de la liste. Le tribunal militaire siege, la cour pénale spéciale siège, nous faisons tout pour que les choses soient encadrés. S’il y a des bévues, évidemment il faut les corriger, on ne peut pas dire que tout marche à 100%, mais nous sommes dans la disposition pour que les choses respectent les normes. Nous constatons qu’on ne parle presque pas des exactions commises par les groupes armés, qui tuent même parfois les FACA. On n’en parle pas, et pourquoi? Si l’on n’en parle pas, on les encourage a continuer. D’où est-ce qu’ils arrivent à obtenir ces armes? Il faut qu’on se pose des questions parce qu’aujourd’hui il faut aller vers la paix.
La population n’a pas besoin de courir de gauche à droite, nous n’avons vécu que ça depuis l’independance. Arrivant à un certain moment dans ce monde moderne il faut aller vers l’apaisement, vers des intérêts communs qui puissent être utiles pour les populations. Voila là vision du Président de la République, Faustin-Archange Touadéra, et nous essayons de faire passer ce message-là. Donc c’est pour vous dire que la RCA est entièrement ouverte à tout moment pour échanger des questions bilatérales et ses questions de souveraineté. On ne peut pas dire à un pays de faire ce que ce pays ne veut pas. Donc c’est mieux de s’asseoir autour des tables et d’échanger et de voir ce qui peut être utile dans le cadre d’une coopération.
- Pour la coopération économique avec la Russie, comment nos deux pays gèrent-ils les questions bancaires et commerciales à la suite des sanctions occidentales imposées à Moscou ?
- C’est peut-être dans le cadre des BRICS que nous allons débattre ces questions-là, parce qu’elles concernent les échanges commerciaux, mais comme je l’ai dit nous allons travailler pour voir de quelle manière pratiquer ces échanges pour que ça soit utile. Il y a les sanctions qui sont là, elles font partie de la donne, et si nous voulons poursuivre cette coopération nous devons tous nous asseoir et voir quelle est la possibilité de travailler là-dessus. Je vous assure que nous sommes en train de construire cette coopération.
- Il n’y a pas encore d'échanges commerciaux avec la Russie pour le moment?
- Pour le moment, non. Mais nous travaillons dessus, et c’est pour cela que je suis là. Je l’ai dit, nous cherchons les meilleurs moyens pour asseoir cela. La coopération qui était vraiment prioritaire c'était au niveau de la défense. Parce que le pays était menacé. Aujourd'hui, comme nous allons vers la maîtrise des questions sécuritaires, il faut parallèlement commencer à développer des questions économiques.
- Que souhaitez-vous exporter vers la Russie dans l'avenir ?
- On a beaucoup de potentialités. Nous avons le bois, les minerais, le tourisme, le sol, l'agriculture, les questions culturelles, il y a beaucoup de secteurs sur lesquels nous pouvons travailler. Nous espérons que les échanges que nous menons aujourd'hui pourront éventuellement nous permettre de faire des choses mieux. Nous aurons l'occasion par la grâce de Dieu d'en parler.
- Le système de paiement russe MIR est-il sur la table de discussion en RCA?
- C'est trop tôt d'en parler maintenant. Prenez votre mal en patience. Donnez-nous le temps d'approfondir toutes les questions. Il n’y a pas que la RCA, il y a les pays africains aussi. Peut-être lors du Forum ces questions seront débattues. Dans les échanges, on aura certainement des idées.
- Monsieur le Premier ministre, actuellement il y a une crise de carburant en Centrafrique. Les prix sont très élevés. Est ce que vous allez échanger avec les autorités russes pour trouver des solutions à ce problème?
- Vous savez aujourd'hui aucun pays n'échappe à cela. Évidemment la RCA est certainement le dernier pays à revoir son prix à la pompe. Nous avons pensé qu'il ne fallait pas ajouter la souffrance au peuple centrafricain qui est déjà un peuple résilient. Nous avons maintenant les prix anciens parce que le gouvernement subventionne.
- Mais la subvention a été retirée. N'est-ce pas?
- Voilà, donc aujourd'hui nous avons dit: retirons la subvention. Parce qu’il faudrait que l'État soit en mesure de faire face à ses obligations. Maintenant on attend l'évolution au niveau international. Je suis venu aussi informer les autorités russes des mesures que nous avions prises, et aussi voir les possibilités de réfléchir sur la question.
Aujourd'hui, le gouvernement tente de voir avec tous les autres pays comment les choses évoluent. Vous savez ça crée l'inflation, et ce n'est pas qu'en RCA, mais dans le monde entier. Il y a même des pays africains bien placés qui ont revu leur prix à la hausse, et la RCA est un pays enclavé qui subit des pressions. Ça fait trois ans que nous ne bénéficions plus d'appui budgétaire.
Toutes ces questions nous expliquons aux populations. Certains en profitent pour manipuler et demander aux populations d'aller dans la rue pour créer du désordre. C'est question de responsabilité. Nous avons attendu et nous avons pris ces mesures, et nous arrivons à maîtriser la situation. Les travailleurs attendent aussi, mais on ne peut pas faire des promesses.
On est dans un contexte dont on ne maîtrise pas tous les paramètres et variables. Nous développons la résilience. C'est le langage que nous tenons aux partenaires sociaux. Il faudrait mettre tout le monde en confiance. Mais vous savez c'est dans les eaux troubles que les gens veulent pêcher. Certains profitent de cette occasion pour chercher à amener des troubles. Le gouvernement est en train de poursuivre des échanges avec tous les partenaires sociaux, et j'informe aussi nos partenaires dans mes déplacements. Je vais aussi en parler avec les autorités russes.
- Compte tenu du volume des armes que l'Occident donne à l'Ukraine, beaucoup de dirigeants africains sont inquiets que ces armes puissent finir en Afrique. Est-ce que la RCA partage cette inquiétude?
- Nous n'avons pas encore débattu cette question au gouvernement. Si je dois donner mon point de vue, c'est que la RCA comme son Président prônent le dialogue. Les conflits n'apportent rien à la population. Nous souhaitons vivement qu'il y ait un dialogue à un certain niveau parce que nous sommes un pays trop petit. Nous n’allons pas nous ingérer dans les débats géopolitiques.
C'est pour ça que nous entretenons de bonnes relations avec les pays qui veulent nous aider. Rentrer dans ces débats géopolitiques pour nous n'est pas opportun. Nos vœux c'est que le dialogue puisse trouver raison et pour qu'il y ait la paix dans le monde et que les populations vivent en parfaite harmonie.