Garçons qui ne veulent pas tenir la main aux filles, élèves qui se bouchent les oreilles pour ne pas écouter de musique ou encore écoliers qui refusent de suivre leur cours dans des classes équipées de mobilier rouge, jugé «haram»… La récente note des services de renseignement, destinée au cabinet du Président de la République, à son Premier ministre et à Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, est explosive. Nos confrères d'Europe 1 ont pu mettre la main dessus et en ont publié la substance. Si le nombre de cas est stable, la radicalité dont font preuve certains élèves, parfois très jeunes, inquiète les autorités.
Sputnik France: La note des services de renseignement vous a-t-elle surpris?
Karim Ifrak: Non. Depuis l'arrivée de Macron, on n'entend plus parler des dérives liées à la radicalisation islamiste qui ont marqué le quinquennat de François Hollande. Mais elles sont toujours là. Ce n'est pas parce que l'on en parle plus qu'elles n'existent plus. Les services de renseignements savent parfaitement ce qu'il se passe en France. Lorsqu'ils alertent sur cette question, cela signifie que ce n'est que la partie apparente de l'iceberg.
Karim Ifrak: Lorsque vous regardez attentivement le rapport des renseignements, vous vous apercevez qu'il parle en filigrane du salafisme et de l'islamisme, deux idéologies qui font souvent parler d'elles pour des questions liées à l'alimentation halal ou au mélange filles-garçons. Et maintenant, on va jusqu'à parler de couleur rouge, soi-disant interdite dans le texte coranique.
Sputnik France: Cela concerne parfois de très jeunes enfants. Dans quelle mesure les parents sont-ils responsables d'un tel comportement?
Karim Ifrak: C'est évident qu'ils jouent un rôle. L'éducation se fait tout d'abord dans le foyer familial. Si votre environnement est vicié par une idéologie quelconque eh bien, vous êtes nourri de cette dernière. Vous êtes dans l'imitation de ce qu'il se passe à la maison. L'ensemble de ces jeunes enfants qui sont pointés du doigt aujourd'hui évoluent dans un environnement qui ne peut être qu'islamiste ou salafiste. Ce contexte invite à prendre la chose beaucoup plus au sérieux.
Karim Ifrak: Elle est inquiétante et en même temps, elle ne l'est pas. Cela signifie qu'il existe une partie des musulmans qui n'adhère pas à cette influence idéologique salafiste ou islamiste. C'est même la majorité écrasante des musulmans de France, qui s'inscrit dans un islam traditionnel, tolérant et inclusif. Voici un point positif qu'il faut noter.
Une minorité essaie d'imposer sa façon de voir les choses et sa façon de vivre, par exemple à travers le vestimentaire ou l'alimentaire, et ceci est intolérable. D'autant plus quand cela se produit dans un espace public qui est celui de l'éducation nationale. Ces agissements sont quelque chose d'assez nouveau. De par le passé, nous n'avions pas ce type d'attitude entre musulmans. On a l'impression qu'une étape a été brûlée et que l'on passe maintenant à l'action et à l'intimidation. Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un très jeune public. Que va-t-il se passer quand ils deviendront adultes?
Karim Ifrak: Il est troublant de constater que même au bout de plusieurs générations qui ont évolué en France, le changement ne parvient pas à s'opérer. La transmission d'une éducation, d'un savoir ou d'une idéologie se fait de génération à génération. À partir de la troisième, nous avons parfois vécu un retour à la pratique religieuse par sa porte la plus radicale et la plus extrême. C'est dans cet espace réduit qu'il y a eu transmission de valeurs qui ne sont pas celles de la grande majorité des musulmans de France. Les enfants tombent sous l'impact de cette éducation et de cette vision des choses très limitée qui rejette l'autre.
Sputnik France: Peut-on parler de «désintégration» pour ces familles et ces enfants?
Sputnik France: Lors de la passation de pouvoir, le désormais ex-ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a prononcé un discours très fort. Il s'est inquiété du communautarisme qui frappe certains quartiers et a même lancé «on vit côte à côte et je le dis, moi je crains que demain on ne vive face à face». Cette sombre prophétie pourrait-elle voir le jour?
Karim Ifrak: Non pas du tout. Ce n'est que l'affaire d'une minorité et ce n'est pas cette minorité qui pourrait provoquer une fracture sociale en France qui pousserait les gens à se regarder face à face et à ne plus marcher côte à côte.
Sputnik France: Que faudrait-il faire au niveau des associations musulmanes, des autorités?
C'est eux qu'il faut surveiller de près. L'État doit renforcer sa présence au sein des établissements de l'Éducation nationale.
De plus, il doit regarder de plus près ce qu'il se passe au niveau de l'enseignement de la langue arabe et des programmes religieux qui sont légion dans certaines mosquées ou associations. Ne soyons pas dupes, ces mêmes familles salafistes et islamistes sont les mêmes qui tiennent certaines mosquées et écoles coraniques en France. C'est dans ces lieux que ce type d'idéologie est entretenu. Je rappelle cependant que la majorité des mosquées ne rentrent pas dans ce jeu-là. Elles sont du côté de la République, de l'inclusivité et du bien-vivre et non de celui du séparatisme et de l'entretien des idéologies islamiste et du salafiste.