"Militariste et mensonger": une ex-analyste du Pentagone commente un discours de Biden
© AP Photo / Patrick SemanskyJoe Biden, le 5 janvier 2023
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Dans un récent discours, le Président des USA a promis de demander au Congrès un financement urgent pour Israël et l'Ukraine. Cette sortie de Joe Biden est militariste et mensongère, a estimé une ex-analyste du Pentagone auprès de Sputnik.
Les propos sur l’aide urgente à Israël et à l’Ukraine émis le 19 octobre par le Président Biden, ont été à la fois militaristes, menaçants et mensongers, a déclaré à Sputnik la lieutenant-colonel à la retraite Karen Kwiatkowski, ancienne analyste du ministère américain de la Défense.
Le discours a été "peu précis, mais aussi militariste et menaçant [...]. Comme si le Président voulait avertir que 'si nous ne donnons pas d'argent aux bellicistes qui nous tendent la main, nous devrons nous battre quelque part', tout en 'minimisant la façon dont les Américains se battraient exactement quelque part'", a-t-elle réagi.
Selon l'ex-analyste, cette allocution du Président US, conçue comme un plaidoyer passionné en faveur d'Israël et de l'Ukraine, semble également avoir été préenregistrée. Pour elle, cela ne serait pas une surprise, compte tenu de la propension du Président Biden, âgé de 80 ans, à faire des déclarations publiques truffées de gaffes.
Des mensonges proférés par le Président US?
Lors de son discours, M.Biden a déclaré à la nation que "l'armée ukrainienne avait repris 50% du territoire initialement pris par la Russie".
"Cela ne sonne pas juste", c’est surprenant "que les rédacteurs du discours de M.Biden aient même permis que cela reste dans son discours", poursuit Mme Kwiatkowski. Cette dernière rappelle que "la ligne de démarcation entre les troupes russes et ukrainiennes est à peu près ce qu'elle était l'année dernière, et que la contre-offensive de l'été a été une perte nette pour l'Ukraine".
"Je ne sais pas comment ils vont expliquer les 50% de territoire repris par Kiev […]. La réalité sur le champ de bataille et sur le plan politique en Ukraine montrent qu'il s'agit d'un mensonge direct envers le peuple américain", a déclaré l’experte.
En effet, la contre-offensive ukrainienne lancée début juin et dont on a beaucoup parlé s'est rapidement heurtée à de solides défenses et champs de mines russes. Selon un récent bilan, le régime de Kiev a perdu plus de 90.000 soldats, 557 chars et près de 1 900 véhicules blindés.
"Quant à la contre-offensive, elle ne stagne pas, elle a complètement échoué. Nous savons cependant que dans certaines zones d'hostilités, la partie adverse prépare de nouvelles opérations offensives actives. Nous le voyons et nous le savons. Et nous réagissons en conséquence", avait souligné le Président russe Vladimir Poutine lors d'un récent entretien avec les médias.
Des troupes US impliquées en Ukraine et Israël?
Mme Kwiatkowski attire l'attention sur un fait pas anodin: le discours martial de M.Biden s'est terminé par les mots "Que Dieu protège nos troupes". Pourtant d'habitude, c'est "God Bless America" (Dieu bénisse l'Amérique).
"La fin de son discours ce soir est inhabituelle, d'autant plus que les guerres dont il parle en Ukraine et en Israël ne sont couvertes par aucun traité de défense mutuelle des États-Unis. Le Congrès n'a certainement pas déclaré la guerre, ni même approuvé l'envoi de troupes américaines et M.Biden lui-même a fait remarquer que nous accordons cette ‘aide’ qu'il soutient et demande comme un ‘investissement’ dans l'amélioration de la capacité militaire de l'Amérique elle-même", ajoute-t-elle.
L’ex-analyste du Pentagone note que le Président a souligné à quel point il était formidable que, dans ces guerres, que les États-Unis soutiennent, leurs soldats n’ont pas à mourir pour les Ukrainiens et les Israéliens.
Alimenter vaille que vaille les conflits, un retour sur investissement
Le 19 octobre, M.Biden s’était engagé dans son discours à envoyer une demande de budget d'urgence au Congrès pour garantir le financement d'Israël et de l'Ukraine, et qualifiant l'aide supplémentaire apportée au régime de Kiev d'"investissement intelligent" qui rapporterait des dividendes aux générations futures. Cette demande de financement supplémentaire pourrait porter sur 60 milliards de dollars d'aide à l’Ukraine et 40 milliards de dollars d'aide à Israël, ainsi qu'à Taïwan et à la frontière américano-mexicaine.
Pourtant, il ne parle pas du sort des quelque 3,8 milliards de dollars que les États-Unis fournissent à Israël chaque année en aide militaire, insiste Mme Kwiatkowski.
Selon Joe Biden, ce financement est nécessaire pour "financer les besoins de l'Amérique en matière de sécurité nationale".
"Il veut que des Ukrainiens meurent pour que nous puissions produire davantage d'armes et reconstituer nos propres stocks avec des produits plus récents, et il veut restaurer la capacité militaire de premier ordre d'Israël", précise l’experte.
Et de rappeler que le Président ne dit rien sur le fait que le système de sécurité intégré de premier ordre israélien n'a pas fonctionné il y a deux semaines, permettant une attaque majeure du Hamas dans le sud.
Se déclarer défenseur des libertés, mais aider les pays où celles-ci sont bafouées
Mme Kwiatkowski a pointé du doigt l'étrange comportement de M.Biden, qui a soutient les pays où les libertés sont bafouées alors que les États-Unis affirment être un "phare de la liberté".
"Il a curieusement parlé des États-Unis comme d'un phare de la liberté de religion et d'expression, alors même qu'il demandait des milliards supplémentaires pour les envoyer dans des pays où les églises et les religions sont interdites, où les élections sont suspendues, et où l'intolérance et la guerre des gouvernements alliés - à Tel Aviv et à Kiev - contre les différentes ethnies, religions et cultures rappellent au monde l'Allemagne de 1939", a-t-elle souligné.