Les Nord Stream sabotés par Kiev? Non, plutôt par Washington ou Londres, note un analyste français

© AP PhotoLa fuite des Nord Stream
La fuite des Nord Stream - Sputnik Afrique, 1920, 10.03.2023
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L’Ukraine a été accusée par les médias allemands d’avoir fait exploser les Nord Stream. Une hypothèse qui ne tient pas debout, selon le président du Centre français de recherches sur le renseignement, interrogé par Sputnik, car Kiev n’a pas de moyens pour mener cette opération. Les preuves désigneraient plutôt un pays de l’Otan.
Relayée par des médias allemands, l’hypothèse de la responsabilité ukrainienne dans le sabotage des gazoducs Nord Stream est erronée, estime Éric Denécé, président du Centre français de recherches sur le renseignement, interrogé par Sputnik.
"Dire que des individus ont pu saboter un pipeline en partant d'un yacht alors que c'est une opération complexe, à grande profondeur où il faut des plongeurs spécialisés […] cela ne me semble pas sérieux", a indiqué M.Dénécé
D’après lui, c’est une mission compliquée qui nécessite des moyens techniques spéciaux, des explosifs et des plongeurs expérimentés. Ce qui manque à l’Ukraine. De plus, ce pays "n'a pas d'accès à la mer Baltique. Ça veut donc dire qu'il aurait fallu monter une véritable opération clandestine, probablement avec l'accord des Polonais".
Il s’agirait donc d’un "enfumage" de l’Occident visant à "dédouaner la responsabilité américaine de cet acte de guerre à l'égard de l'Allemagne", étouffant ainsi les résultats de l’enquête publiés par le journaliste américain Seymour Hersh.

Tout désigne les États-Unis ou un autre pays de l’Otan

D’un autre côté, l’enquête initiale de Seymour Hersh, lauréat du prix Pulitzer, fournit des explications tout à fait crédibles, d’après M.Denécé.
Pour rappel, M.Hersh affirme que le sabotage des Nord Stream a été un travail américain, autorisé par l’administration Biden. Seymour Hersh assure également que des plongeurs US ont posé des charges explosives sous les conduites sous-marines lors de l’exercice BALTOPS 2022 organisé par l’Otan. La Norvège aurait activé les charges quatre mois plus tard.
M.Dénécé rappelle que tous les membres de l'Otan et pays riverains de la Baltique "disposent de moyens de faire de la plongée, d'unités de plongeurs, de chasseurs de mines et de navires spécialisés pour emporter des plongeurs".
Enfin, les organisateurs de ce type de sabotage auraient pu avoir recours à des "sociétés privées qui font du forage" dont des spécialistes, plongeurs civils, seraient capables de le réaliser, poursuit-il.
"Donc les Ukrainiens ne disposent à ma connaissance de l'un ni de l'autre". Et ceci sans parler de l’autorisation pour une opération de cette nature qui pouvait être donnée par les États-Unis, la Grande-Bretagne, a-t-il ajouté.
Comparant certaines informations venant de Norvège et divers éléments de l’enquête de Hersh, on arrive à une conclusion que l’éventuelle participation d’Oslo est tout à fait plausible, a noté M.Denécé:
"Les Norvégiens, à travers leurs opérations d'extractiond'hydrocarbures en mer du Nord, disposent de nombreuses plateformes de forage et ils ont des plongeurs à la fois civils et militaires, capables d'intervenir de cette nature". Et ceci sans oublier que le secrétaire général de l'Otan actuel, Jens Stoltenberg, citoyen norvégien, "est totalement inféodé aux Américains".

Bénéfices pour la Norvège

Qui plus est, Oslo a enregistré des revenus pétrogaziers inédits depuis le début du conflit en Ukraine. Ses bénéfices ont en effet triplé en 2022, "avec des prix bien supérieurs au gaz russe". Enfin, cerise sur le gâteau, "la Pologne a inauguré un nouveau gazoduc stratégique avec la Norvège", justement le 27 septembre 2022, au moment du sabotage du pipeline.
Autrement dit, "ce n'est pas la piste norvégienne, c'est la piste américano-norvégienne", conclut M.Dénécé.
Malgré les préjudices évidents causés à l’Europe par cette mise hors service des gazoducs qui fournissaient de l’or bleu bon marché, le Vieux Continent n’a pas voulu donner suite à l'enquête. Cela correspond à une situation "de quasi belligérance entre l'Occident et la Russie", a lancé le président du Centre français de recherches sur le renseignement.

Silence de Berlin

On n’entend même pas la voix de l’Allemagne, la plus touchée par cet acte de sabotage, étant un grand importateur du gaz russe et acteur dans la construction du Nord Stream 2.
"Ça veut donc dire que les Allemands ont accepté de littéralement se coucher devant cet acte d'hostilité qui a été commis par leurs alliés et leurs protecteurs américains", explique l’expert français.
Enfin, une campagne d’information qui a été déclenchée tout de suite après les faits, avait eu pour but de remettre la responsabilité sur Moscou:
"Donc le tout est fait, bien sûr, pour empêcher la Russie de présenter sa version des faits et continuer à l’accuser, à mon sens, de manière tout à fait fausse", conclut Éric Denécé.
Les autorités de Kiev ont rejeté les nouvelles hypothèses de leur implication. Tout comme la Russie qui soutient la version de Seymour Hersh et continue pour sa part de demander une enquête pour établir la vérité sur ce que Vladimir Poutine a qualifié d’"acte de terrorisme international".
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