En Afrique, l’URSS n’a "jamais cherché de colonies", la Russie a aussi "des atouts" à valoriser
17:56 16.02.2023 (Mis à jour: 18:06 16.02.2023)
© Sputnik . Sergueï Kouznetsov
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À l’occasion de la Journée du combattant international, célébrée en Russie le 15 février, Sputnik a parlé avec d’anciens militaires soviétiques de leurs missions en Afrique et du soutien accordé par l’URSS au continent noir. Ils ont aussi évoqué d’éventuelles voies de rapprochement entre la Russie et divers pays africains.
Quels sont les principaux souvenirs de militaires soviétiques de leurs missions en Afrique? Quel était le comportement de la population locale envers eux? Enfin, comment les relations russo-africaines pourraient-elles se développer?
Ce sont les questions qui ont été posées par Sputnik Afrique à deux anciens interprètes militaires soviétiques, à l’occasion de la Journée du combattant international, célébrée en Russie le 15 février.
"L’ensemble de notre travail était dangereux", a avoué Oleg Choulga à propos de ses missions en Angola entre 1978 et 1980, ainsi qu’au Mozambique entre 1985 et 1987. Il travaillait avec diverses personnes, "tant avec les autorités angolaises et qu’avec des matelots au Mozambique, soit tant au plus haut niveau que dans des points chauds".
"Les pays étaient en guerre civile. Il était dangereux même de sortir hors de la ville, car il y avait toujours le risque de tomber dans une embuscade ou de sauter sur une mine", se souvient-il.
Evguéni Pronine est arrivé en Éthiopie au plus fort de la Terreur rouge, dans les années 1970:
"Le jour de l’arrivée, nous avons vu aux abords de l’autoroute une grande tâche brune et une pancarte qui contenait un seul mot, ‘Anarchiste’, écrit en amharique. Quelques mois après, la Terreur rouge a commencé à s’affaiblir à la demande insistante de l’URSS."
"Blancs, mais leurs Blancs"
Pour leur part, les civils faisaient preuve de sympathie envers les contingents soviétiques, indiquent les deux anciens militaires.
"La population locale était gentille. Dans les zones de combats et dans les grandes villes, les gens étaient bien sûr au courant de l’aide de l’Union soviétique, de Cuba, de la Tchécoslovaquie et de la République démocratique allemande (RDA). Il y avait aussi une ambiance de fraternité de combat dans l’armée", relate M.Pronine.
En général, les Africains réagissaient négativement à l’apparition des Blancs, "mais quand ils apprenaient que nous étions ressortissants de l’Union soviétique, la glace fondait", nuance M.Choulga.
"Nous étions Blancs, mais leurs Blancs", indique-t-il.
C’est notamment dû au fait que la Russie n’a jamais cherché à coloniser l’Afrique, aidant simplement les pays qui en avaient besoin, ce dont la population âgée se souvient encore aujourd’hui, selon lui.
"Nous n’avons jamais cherché de colonies nulle part dans le monde. Nous ne sommes jamais allés quelque part pour voler ou pour faire sortir des esclaves. Nous les aidions. Oui, nous avions nos propres buts, nous cherchions des compagnons d’idées. Mais nous n’avons jamais volé leurs richesses et jamais importé des esclaves", a rappelé M.Choulga.
Reconnaissance et mémoire
Même si la population âgée garde toujours en mémoire que l’Union soviétique soutenait l’Afrique dans sa lutte pour l’indépendance, la jeunesse angolaise traite la guerre civile comme un simple fait historique, poursuit le militaire.
Par ailleurs, un monument a été installé en Angola en l’honneur des combattants internationalistes qui ont donné leur vie pour ce pays. Le site attire la curiosité entre autres de jeunes Angolais, a-t-il noté.
"Il est nécessaire de continuer de réduire la distance à l’échelle humaine, dans les relations russo-africaines", conclut-il.
En Éthiopie, "on se souvient de nous", relate M.Pronine:
"Des liens amicaux se sont créés entre les vétérans russes de la guerre éthiopienne, notamment de la série de conflits de 1977 à 1991, et l’ambassade du pays. Les vétérans assistent à des événements de la communauté éthiopienne (…). La diplomatie populaire fonctionne".
Perspectives de coopération
Grâce au sommet Russie-Afrique, prévu en juillet 2023 à Saint-Pétersbourg, les relations russo-africaines pourraient retrouver la qualité de celles de l’époque soviétique, estime-t-il.
"Selon des estimations, l’URSS a aidé des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique [latine, ndlr], à titre gracieux, pour un total de 500.000 milliards de roubles [environ 7.000 milliards de dollars], aux prix d’aujourd’hui. Cela représente 18 budgets russes en 2022. D’autant plus qu’il ne s’agissait pas seulement d’armes mais plutôt de marchandises et d’équipements à caractère humanitaire".
Pour Oleg Choulga, la Russie n’a pas encore utilisé "tous ses atouts". Par exemple, elle ne cherche pas à importer des matières premières d’Afrique, mais, au contraire, elle est prête à y livrer des équipements de haute technologie et lancer la production, ainsi qu’à partager son savoir faire.
"J’espère qu’il [le sommet, ndlr] constituera la deuxième marche de la relance de nos activités en Afrique à un niveau de qualité nouveau", conclut l’ancien combattant.