Au Canada, les Premières Nations commencent à subir les impacts du Covid-19, alors que plusieurs d’entre elles ont bloqué ou fortement restreint l’accès à leurs territoires de façon préventive.
«Imaginez-vous dans une situation isolée, où vos communications habituelles sont interrompues […]. Imaginez un blocage installé en raison de la pandémie où vous ne pouvez pas rentrer dans la réserve autochtone, vous ne pouvez pas vous regrouper avec vos amis, vos familles», a affirmé à Radio Canada Daniel Côté, professeur au Département de service social autochtone de l’Université Laurentienne.
Non seulement les effets psychologiques du confinement chez les Premières Nations s’avèreraient importants, mais la santé physique de leurs membres serait beaucoup plus fragile que celle des Canadiens d’origine européenne ou autre. Les Amérindiens du Canada ont donc plus de risques de développer des complications dues au coronavirus.
«Les communautés autochtones sont confrontées à une prévalence d'insécurité alimentaire très élevée, quatre fois supérieure à la moyenne nationale canadienne, atteignant 80% dans certaines communautés autochtones éloignées. La malnutrition et une exposition élevée aux contaminants environnementaux sont également très répandues», alertait un groupe d’experts dans une lettre ouverte en avril dernier.
Une récente étude menée par un pneumologue canadien montre que les enfants amérindiens ont jusqu’à 16 fois plus de chances de développer une maladie respiratoire que leurs compatriotes du même âge.
Beaucoup plus de risques de complications pour les Autochtones
Rappelons que le Covid-19 s’attaque souvent aux poumons des gens contaminés.
«Les Premières Nations sont toujours plus touchées car elles sont sous-financées. Le système de santé est absent de leurs territoires. Elles avaient été plus durement frappées durant la crise du H1N1 en 2009-2010. […] Les Autochtones gardent aussi toujours en mémoire ce qu’a été le choc microbien à l’arrivée des Européens», confie à Sputnik une chargée de projet dans le domaine de la santé travaillant avec des groupes autochtones dans la province du Manitoba.
Ayant préféré garder l’anonymat, la même intervenante explique à Sputnik que les communautés amérindiennes sont aux prises avec de graves problèmes de diabète et d’obésité, ce qui peut démultiplier les risques de complications dues au Covid-19. Au Mexique, où l’on estime que 90% de la population a des origines amérindiennes, les taux élevés de diabète et d’obésité expliquent en grande partie le fort potentiel létal du coronavirus. Aux côtés des États-Unis et du Brésil, le Mexique fait actuellement partie des trois pays dans le monde les plus touchés par la pandémie.
Aujourd’hui, la Journée internationale des peuples autochtones de l’@ONU souligne la résilience des communautés #autochtones lors de la pandémie de COVID-19. Au Canada, les Rangers canadiens collaborent avec les communautés pour assurer la sécurité de tous. pic.twitter.com/B0kVp45YcH
— Armee canadienne (@Armeecanadienne) August 9, 2020
En date du 6 août dernier, seulement six décès de personnes autochtones avaient été constatés pour l’ensemble du Canada dans les territoires des Premières Nations. Des chiffres appelés à augmenter rapidement dans les prochaines semaines?
«Les territoires sont restés très clos jusqu’à présent. Les communautés ont fait du bon travail et ont été très vigilantes. Par contre, il suffira probablement d’un seul cas de Covid-19 pour faire des ravages. Il y a peu de ressources pour tester et dépister le virus. […] Selon moi, c’est à l’automne que ça va frapper, quand des cas vont commencer à entrer», poursuit la chargée de projet dans le domaine de la santé.
Selon des informations publiées récemment par le Réseau de télévision des peuples autochtones du Canada, 1.605 décès d’enfants et adolescents de 0 à 17 ans sont survenus entre 2009 et 2019 dans la seule province du Manitoba. Ayant déjà fait l’objet d’un suivi des services de protection de l’enfance, la grande majorité des personnes décédées seraient des Autochtones, et une grande proportion d’entre eux auraient choisi de s’enlever la vie. Une donnée considérée comme alarmante et disproportionnée par rapport à la population moyenne.
Dans un échange avec Sputnik, le porte-parole du ministère fédéral des Services aux autochtones, Martine Stevens, a tenu à préciser qu’il revenait aux provinces dotées de systèmes de protection de l’enfance de «superivser la prestation et le financement des services à l’enfance et à la famille». Le gouvernement fédéral récuse toute responsabilité dans la mort des 11 enfants en Ontario, mais rappelle qu’il «a pris des mesures importantes pour réformer les services à l’enfance et à la famille dans tout le pays».
«La mort d’un enfant est une tragédie sans commune mesure. Le gouvernement du Canada est profondément attristé par le décès d’enfants autochtones placés sous protection. Nous souhaitons offrir nos sincères condoléances aux familles et aux communautés qui ont subi ces terribles pertes. […] Les enfants des Premières nations méritent de grandir dans un foyer adapté à leur culture», a déclaré Martine Stevens à Sputnik.
Ce nouveau développement survient dans un contexte où de plus en plus d’acteurs politiques et étatiques condamnent la poursuite des «pratiques coloniales» au pays de l’érable. En juin 2019, un rapport très attendu concluait même à un «génocide des femmes autochtones» auquel aurait participé Ottawa. Selon différents observateurs, les pratiques coloniales de l’État fédéral et des provinces contribuent à maintenir les peuples autochtones dans un état d’infériorité symbolique et socioéconomique.