Cameroun: Les «bonnes affaires» du Covid-19

© Sputnik . Anicet SimoLe marché de Mokolo à Yaoundé.
Le marché de Mokolo à Yaoundé. - Sputnik Afrique
S'abonner
Si la pandémie est synonyme de marasme pour la plupart des activités, au Cameroun, face à la menace, certains rivalisent d’imagination pour en tirer profit. Entre la fabrication de gadgets nécessaires à la protection contre la maladie et des solutions issues de la pharmacopée locale, des initiatives parfois hors de tout contrôle fleurissent.

Au loin, sur l’une des routes principales qui donnent accès au marché Mokolo, l’un des plus populaires de la capitale Yaoundé, on est tout de suite frappé par un grand bazar qui saute aux yeux. Le vacarme de cet espace marchand est assourdissant en ce début d’après-midi d’avril. Sur une partie de la chaussée, un camion-boutique crache des décibels au milieu d’une foule hétérogène de commerçants.

Une rue à Abidjan - Sputnik Afrique
Ces petits commerces ivoiriens qui tirent profit du Covid-19
On peut d’abord entendre une chanson composée en «pidgin» –une langue populaire locale– attirer l’attention du visiteur sur la menace invisible: le coronavirus. Ensuite, une prière contre la maladie suivie des mesures barrières édictées par l’OMS et le gouvernement. Pour arriver enfin à l’objectif réel de cette présence, la mise en vente d’un ensemble de produits destinés, clame une voix retentissante, à la protection contre le Covid-19: des cache-nez, des gels hydroalcooliques et des solutions de la pharmacopée africaine. Derrière le camion, dans un hangar installé pour la circonstance, Edwige et une dizaine de personnes accueillent et dirigent les curieux.

«Nous vendons des masques à 500 francs CFA (0,76 euro) et nous avons aussi des savons antiseptiques Dr Dewah [spécialiste de la pharmacopée africaine, ndlr] qui coûtent 1.000 francs CFA (1,50 euro). Avec ce savon, vous pouvez vous laver régulièrement les mains et éviter d’attraper le coronavirus», lance la vendeuse à notre arrivée.

Dans les cartons superposés dans un coin du hangar, des dizaines de produits faits à base de plantes locales attendent de trouver preneur. Des décoctions, nous renseigne-t-on, non pas à but curatif mais  préventif.

«Là, ce sont des produits conçus dans nos laboratoires grâce aux plantes de nos forêts pour renforcer votre système immunitaire. Quand votre système est renforcé, vous ne pouvez pas attraper cette maladie», poursuit la vendeuse.

Flairer la bonne affaire

En effet, depuis l’apparition des premiers cas de Covid-19 au Cameroun, Dr Dewah, spécialiste de la pharmacopée africaine, promoteur d’une clinique de plantes médicinales bien connue dans les rues des grandes villes du Cameroun, a revu sa stratégie commerciale. Désormais la star du marché, c’est le coronavirus.

Paul Biya - Sputnik Afrique
Cameroun: Paul Biya n’est pas décédé mais observe un silence de mort sur le Covid-19
Dans les allées du marché Mokolo, de jeunes vendeurs à la criée semblent avoir compris les règles du jeu. Ils brandissent désormais des masques, des gants, des gels de toutes sortes et se glissent au milieu des vendeurs et acheteurs dans un écosystème où le respect de la distanciation sociale recommandée est un luxe.

L’autre produit vedette ici, ce sont les citrons. Vantés par beaucoup comme la solution préventive qui sert à renforcer l’immunité, ces fruits sont de plus en plus sollicités par les populations. Depuis lors, les prix sont passés du simple au triple, soulevant sur les réseaux sociaux l’indignation des consommateurs.

Une augmentation flagrante des tarifs

Nombre de produits ont vu leurs prix s’envoler en ce temps de crise. À l’instar des masques: beaucoup de spécialistes en recommandent le port systématique donc le produit se fait désormais rare sur le marché et les prix ne sont plus à la portée de toutes les bourses.

Face à l’incapacité du gouvernement d’en assurer la mise à disposition et le respect des coûts, des projets privés, échappant à tout contrôle, naissent dans le pays. À Douala, Christian Tchamen, manager de CS Communication, une entreprise spécialisée dans la création graphique, la production audiovisuelle et les solutions web, a flairé la bonne affaire. Il a mis sur pied une petite unité de production de masques à base de textile local.

«Ayant constaté la pénurie de masques dans les pharmacies et surtout l'inflation de leurs prix face à une demande croissante en cette période de pandémie, nous avons pensé offrir une alternative aux populations en proposant ces masques en tissu à des prix abordables à l'achat et sur la durée», confie l’entrepreneur au micro de Sputnik.
© Photo CS CommunicationDes masques à base de textile chez CS Communication
Cameroun: Les «bonnes affaires» du Covid-19 - Sputnik Afrique
Des masques à base de textile chez CS Communication

Dans ses ateliers, Christian Tchamen et ses équipes produisent de manière artisanale près d’une centaine de masques par jour. Ils sont ensuite vendus aux entreprises locales entre 500 et 1.000 francs CFA (1,50 euro). Un procédé acquis, nous renseigne-t-il, après de nombreuses lectures sur la question.

«Avant de nous lancer, nous avons effectué des recherches sur les masques en tissu et avons remarqué qu'ils étaient recommandés par certaines formations hospitalières de France qui ont même mis en ligne des patrons de coupe», rassure l’entrepreneur. 

Si la désinfection des mains est l’un des messages forts des campagnes de sensibilisation contre le Covid-19, beaucoup comme René, propriétaire d’une parfumerie et étudiant en biochimie à la faculté des sciences de l’université de Yaoundé I, se sont lancés dans la fabrication de gel hydroalcoolique. S’appuyant sur la notice de l’OMS, le chercheur a pu mettre en place une ligne de production.

Des passants devant l'hôpital de Yaoundé au Cameroun. - Sputnik Afrique
Des précautions… et la prière, les Camerounais démunis face au сoronavirus

«Je me suis inspiré du guide de production locale de solution hydroalcoolique recommandé par l’OMS. Je produis une centaine de bouteilles chaque semaine. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les ventes sont plus que bonnes», confie-t-il au micro de Sputnik.

L’expansion, depuis toujours, de l'informel fait aujourd'hui que celui-ci s'étend au coronavirus sans que l'État n'y puisse rien. Pendant que les initiatives privées fleurissent, la pandémie avance à pas de géant dans le pays. Le Cameroun compte désormais officiellement plus de 300 cas testés positifs pour huit morts. Face à la menace, Paul Biya a décidé la mise en place d’un fonds de solidarité nationale pour aider à la gestion de la crise sanitaire. Mercredi 1er avril, le gouvernement a prolongé pour 15 jours supplémentaires les mesures de restriction visant à limiter la propagation de la maladie.

Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала