L’homme, un tuteur de la femme? Vision alternative d’une féministe musulmane

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Natalia Tambieva - Sputnik Afrique
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Il existe une grogne par rapport au féminisme islamique, fondé par un homme, chez les deux sexes. La féministe et islamologue russe Natalia Tambieva explique ces critiques dans un entretien à Sputnik et précise la configuration actuelle des rôles.

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Le féminisme musulman souligne que l’apparition de l’islam a amélioré la position des femmes, notamment avec l’interdiction de l’infanticide féminine et la reconnaissance d’une femme en tant que personne, selon l’étude d’Oxford Femmes et islam. Le mariage est désormais traité comme un contrat et les femmes ont reçu le droit d’hériter.

L’islamologue, théologienne et féministe musulmane russe Natalia Tambieva commente les critiques à l’encontre de ce mouvement interne à l’islam qui aspire à l’égalité des sexes au sein de la religion.

Relation homme-femme

Comme la source de base du féminisme musulman est le Coran, elle appelle à le lire directement au lieu des interprétations. L’une des chercheuses-théologiennes, Riffat Hassan, évoque dans ses œuvres un verset sur la tutelle masculine par rapport à la femme, dont les principaux points sont:

«Les hommes ont une autorité sur les femmes»,

«Les femmes vertueuses sont obéissantes à leur mari»,

«Quant à celles dont vous craignez la désobéissance […] éloignez-vous d’elles dans leurs lits et frappez-les».

«En comparant les versets à ce sujet dans différentes parties du Coran, elle [Riffat Hassan, ndlr] tire la conclusion qu’il s’agit tout de même d’un partenariat», souligne Natalia Tambieva.

«Sur certaines périodes, l’homme restait un homme s’il pouvait protéger sa famille, sa femme contre un ennemi ou un animal. Mais, maintenant, il ne faut pas nous protéger pour l’essentiel, il ne faut pas être de garde près du feu et repousser l’attaque de quelqu’un. Nous [les femmes, ndlr] nous déplaçons tranquillement et non seulement en Russie, mais aussi dans les pays musulmans. Il existe une ségrégation des sexes. Les femmes sont capables de subvenir à leurs besoins. Si vous allez gagner de l'argent, cela ne signifie pas que vous conservez le statut de tuteur, de défenseur.»

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Un «différent contexte» existait sur diverses périodes, pointe-t-elle. «Lorsque ces œuvres classiques étaient écrites, les conditions de vie actuelles pour cette époque-là étaient prises en compte», alors qu’à présent le contexte contemporain doit être pris en compte en lisant les livres sacrés, insiste Natalia.

Les hommes contre le féminisme islamique?

La plupart des gens qui se présentent comme pratiquant de l’islam croient que la notion du «féminisme» et son lien avec la religion est «inacceptable et dangereux», mais «tout le monde n’est pas du même avis», est persuadée l’islamologue.

«Si l’on parle d’un homme dans la rue, tout dépend de la sensibilisation et de l'éducation», met-elle en valeur, citant au moins deux théologiens importants, Damir Moukhetdinov, adjoint au grand mufti de Russie, et Shamil Alyaoutdinov, qui se consacrent aux idées innovantes au sein de l’islam, ainsi qu’au féminisme islamique.

Qui plus est, le fondateur de ce mouvement est un homme: l’Égyptien Qasim Amin.

«Il a été une partie de ce mouvement, qui aspirait à une rénovation et est né au XIXe siècle», explique Natalia. «Ce qui se passait dans le christianisme au siècle des Lumières a commencé dans l’islam plus tard, au XIXe siècle. Là on a proposé de réunir le laïc et le religieux, la science et la religion. À cette époque-là, des questions féminines ont été également soulevées.»

«Le [fondateur, ndlr] est un mot très relatif», reconnaît-elle tout de même. «Si les femmes avaient quelques idées, il n’existe pas de preuves écrites de ça. Les femmes le soutenaient, mais tout cela était sévèrement puni, jusqu’à la peine de mort.»

Violence domestique

Le problème de la violence domestique est activement discuté dans les cercles féministes en Russie après l’histoire des sœurs Khatchatourian, qui ont tué leur père. Pendant une longue période, le clergé musulman n’exprimait pas de position à ce sujet, rappelle la féministe. Mais récemment «une position selon laquelle toute violence est inacceptable a été exprimée».

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«La question de la violence [domestique, ndlr] est régulièrement soulevée dans les recherches du féminisme musulman. Il y a un verset dans le Coran [cité au-dessus, ndlr] qui a été pendant longtemps interprété comme: "il est permis d’appliquer une punition physique en cas de désobéissance de sa femme". Il y a même des prédicateurs qui en parlent depuis la tribune, des gens qui affirment le faire conformément aux règles de la religion», déplore-t-elle.

Cependant, «tout le monde, que ce soit une femme, un homme, a le droit d’être protégé par son État, de ne pas être sujet à cette violence», tient-elle à souligner.

Des femmes s’adressent à Natalia pour être soutenues, certaines ont vécu toutes les formes de violence. «Nous avons une association de soutien psychologique. Via cette association, des femmes s’adressent à moi, j’en rencontre certaines».

«Après que nous avons commencé à en parler, publier quelque chose dans les stories [sur Instagram], écrire que la violence est un mal, nous avons commencé à recevoir de vrais messages de femmes», poursuit la théologienne. La première étape est toujours une aide psychologique.

Les femmes contre l’islam, donc contre le féminisme islamique?

Toutes les femmes ne croient pas que l’islam et le féminisme sont compatibles, car il s’agit d’une religion imprégnée de misogynie. Selon Natalia, de telles positions existent non dans la religion, mais dans ses interprétations.

«Qui possédait les sources originales? Religieux, théologiens, chercheurs. Les gens recevaient [la théorie, ndlr] sous forme d’interprétations et de décisions qu’on leur transmet, décision du tribunal, du grand mufti. Et ce sont ces interprétations qui sont imprégnées par le patriarcat, la position patriarcale.»

En cela, la source initiale n’impose pas de renoncer à son identité en tant que musulmane. Les féministes islamiques «trouvent une reconnaissance de leurs droits et libertés» dans le Coran, conclut Natalia.

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