Lorsqu’une mère voilée au conseil régional a été victime des critiques de l’élu RN Julien Odoul, Marlène Schiappa était parmi celles et ceux qui ont pris la défense de cette femme. Le conseiller régional a fustigé une «provocation communautariste» intolérable, quand la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes a insisté sur le fait que la naissance du communautarisme provenait d’autres facteurs.
1/ C’est en humiliant les mères publiquement devant leurs enfants qu’on crée du communautarisme
— 🇫🇷 MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) October 12, 2019
2/ La loi de 1905 ne prévoit pas cela
3/ Le RN n’est pas qualifié pour parler « au nom des femmes qui se battent pour leurs droits partout »
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Du point de vue du féminisme musulman, le vêtement et l’apparence sont «le choix de la personne», indique dans un entretien à Sputnik la théologienne et islamologue russe Natalia Tambieva.
«Bien que la religion le prescrive, il ne peut y avoir de coercition», pointe la représentante de ce mouvement interne à l’islam qui aspire à l’égalité homme-femme au sein de la religion. «C’est un choix personnel, le choix d’une femme et non de ses parents, ni de son mari ni de sa culture ni de la société dans laquelle elle vit. Parce qu’il est possible de vivre en portant le voile seulement si c’est ton choix.»
Natalia n’est pas née musulmane. Elle s’est convertie à l’islam à 19 ans. Elle affirme que la religion lui a permis de maintenir le contact avec Dieu sans aucun intermédiaire. Et le féminisme musulman tend à réinterpréter les sourates en les adaptant aux sociétés d’aujourd’hui.
Il n’y a pas de bons et mauvais
«La religion ne contraint à rien. C’est l’un des principes fondamentaux de l’islam. Or, on a tendance à l’oublier», insiste-t-elle. «Notre droit est le suivant: qui veut porter le hijab, le porte. Qui ne le veut pas, ne le porte pas. Cela étant, il n’y a pas de bon ou mauvais positionnement.»
Son choix est de porter le hijab. Elle a ressenti l’appréhension des autres, mais elle n’a pas pour autant abandonné le féminisme musulman qui est avant tout pour elle un champ d’étude.
«Je crois avoir été la première [en Russie, ndlr] à utiliser le terme "féminisme islamique". Et il a suscité un débat enflammé, pas toujours très positif», reconnaît-elle. «Il existait une association féministe, pas très bien vue chez nous et ailleurs. Cette réaction est très semblable à celles qui peuvent se produire dans les communautés religieuses.»
Quels moyens pour lutter contre l’islamophobie?
Pour elle, la France a été l’un des symboles de la lutte contre le port du voile ou le burkini. En effet, un sondage Ifop de 2019 révélait que les Français étaient plus gênés à la vue d’une femme portant un burkini sur une plage que par une femme topless ou même nue.
«Au Royaume-Uni, la maire d’une ville porte le hijab [Rakhia Ismail, maire d’Islington, ndlr]. On dirait en Europe que le Royaume-Uni et la France sont proches du point de vue des valeurs européennes, mais elles sont tellement éloignées.»
Toutes les musulmanes actives, qui souhaitent par exemple travailler voilées, se heurtent aux mêmes problèmes, constate Natalia. Dans la lutte contre l’islamophobie, elle assure que:
«Toute activité, toute intégration sociale — non seulement des femmes musulmanes, mais plus généralement des gens qui se positionnent comme musulmans — au lieu de se marginaliser, est en soi un acte contre l’islamophobie». Par types d’activité, elle entend la sensibilisation, la charité, le business, l’éducation.
Une vision féminine différente de celle de l’homme
Le processus de formation du féminisme islamique a débuté dans les pays occidentaux dans les années 1980, soit bien plus tôt qu’en Russie. C’est toujours lié au contexte, à la culture, à la perception, à l’état d’esprit, précise la féministe dont la thèse qu’elle est en train d’écrire porte sur le «Féminisme islamique dans le contexte de l’Histoire moderne de la Russie».
C’est ce qui a servi de terrain d’expérimentation aux chercheuses du féminisme islamique qui ont conclu qu’«aucune œuvre théologique n’a été écrite par une femme en 15 siècles. Nous disposons seulement d’analyses et d’interprétations masculines», note-t-elle.
Lire le Coran et non ses interprétations
Puis, Natalia revient sur les origines du mouvement et constate que l’idée de ses pionniers était de consulter la source originale depuis laquelle il fallait proposer de nouvelles pistes d’exploration:
«Pas toutes ces œuvres classiques ont été créées dans le cadre de la première génération de l’islam. Certaines ont été écrites bien plus tard, au Moyen-Âge, au XVe et XVIe, ou même au XVIIIe et XIXe siècles. Mais, «comme certains processus politiques ont consolidé ces idées, il a existé pendant longtemps cette conviction qu’on ne pouvait rien changer et que tout avait déjà été écrit».
Tout le monde ne peut pas lire le Coran dans sa version, dans sa langue originale, donc beaucoup se servent des traductions et des interprétations rédigées par des chercheurs, souligne l’islamologue.
«Voici l’idée d’une vision féminine renouvelée: les œuvres de ces chercheurs ne sont pas la seule vérité. Nous avons la source d’origine que nous pouvons toujours lire en prenant en compte notre époque, notre perception et les intérêts des femmes», résume la théologienne.