Les Maliens ont attendu près de deux semaines pour connaître le gouvernement de Boubou Cissé, nommé Premier ministre le 22 avril 2019. Ce n'est que le dimanche 5 mai 2019, qu'a été publiée la liste des 38 ministres et secrétaires d'État, incluant le Premier ministre, qui est également ministre de l'Économie et des Finances. Boubou Cissé était déjà à la tête de ce département dans le dernier gouvernement de son prédécesseur, Soumeylou Boubèye Maïga.
Au total, 28 membres de la précédente équipe reviennent dans le nouveau gouvernement, soit en conservant leur poste, comme le général Salif Traoré (Sécurité et Protection civile), soit avec un portefeuille différent, comme Mme Kamissa Camara (des Affaires étrangères à l'Économie numérique).
Dix-sept personnalités y font leur entrée, dont l'opposant Tiébilé Dramé aux Affaires étrangères, Michel Sidibé, l'ancien chef de l'ONUSIDA (Programme commun des Nations unies sur le VIH) à la Santé et un ancien responsable de l'armée, le général Ibrahim Dahirou Dembélé à la Défense. Le général Dembélé était patron de l'armée de 2012 à 2013, durant la présidence d'Amadou Haya Sanogo, chef de la junte militaire arrivée au pouvoir par un coup d'État en mars 2012.
Le nouveau gouvernement compte neuf femmes.
Elle doit «affronter frontalement les problèmes», a affirmé à Sputnik M. Mahamar, président de la Coalition malienne des défenseurs des droits humains (COMADDH), avant de les détailler:
«Le premier défi est le défi sécuritaire. La deuxième priorité est de faire face aux services sociaux de base, notamment les questions d'éducation, de nourriture et surtout d'emploi des jeunes», selon ce militant des droits de l'Homme.
La composition du nouveau gouvernement a été annoncée trois jours après la signature, le 2 mai 2019, d'un «accord politique de gouvernance» définissant un programme d'actions à mettre en œuvre. Cet accord a été signé par plusieurs partis ou coalitions de partis, mais il a été rejeté par certaines formations, dont celle de Soumaïla Cissé, chef de file de l'opposition, et celle de Modibo Sidibé, un ex-Premier ministre.
«Un certain nombre de partis politiques sont représentés dans ce gouvernement, opposition comme majorité. L'idée de départ n'était pas de donner des postes de ministre à tous, mais de rassembler le plus grand nombre d'acteurs politiques nationaux. Il y a plus de 200 partis politiques au Mali et même si tous avaient signé l'accord, nous ne pouvions pas avoir un gouvernement de 200 membres», analyse pour Sputnik M. Diawara, spécialisé sur les questions politiques et électorales.
Après la nomination de Boubou Cissé comme Premier ministre, des médias avaient mis en avant le fait qu'il est Peul et que sa famille est originaire de la région de Mopti (centre), zone en proie ces dernières années à des violences entre communautés, particulièrement entre Peuls et Dogons. Le 23 mars 2019, près de 160 Peuls ont été tués dans une attaque contre Ogossagou, un village de la région.
Selon les conclusions préliminaires d'une enquête de la Mission de l'Onu au Mali (MINUSMA), cette attaque a été menée par plus de 100 hommes, elle était «planifiée», «coordonnée» et pourrait relever du crime contre l'humanité.
Pourtant, selon Sidi Diawara, «aucun critère ethnique» n'a présidé aux choix du Premier ministre et des ministres.
«La question de l'ethnie est un narratif nouveau dans la politique au Mali, qui est entretenu souvent par les médias, souvent par une opposition qui veut se nourrir de cette polarisation pour arriver à ses fins politiques. Il y a rarement une famille malienne où l'on n'a qu'une seule ethnie», souligne Sidi Mohamed Diawara. «Aujourd'hui, ce que nous cherchons, c'est rassembler tous les Maliens. L'ethnie n'est qu'un narratif de séparation et de polarisation de la politique dans notre pays», a-t-il ajouté.
Pour ce conseiller, la priorité de la nouvelle équipe dirigeante est de «faire en sorte que tous les acteurs politiques se mettent d'accord sur les voies et moyens d'arriver à la stabilisation du pays». Et, a-t-il soutenu, le gouvernement va œuvrer «pour que chacun puisse contribuer à la recherche de solutions pour la stabilité du pays, lutter contre le terrorisme, apaiser le front social».
Les FARE n'ont pas signé «l'accord de gouvernance» ayant précédé la composition du gouvernement, car ce dernier
«n'a pas une vision pour sortir notre pays de la crise. Il cherche plutôt à juguler les problèmes récurrents de l'heure en laissant le problème de fond, qui est le problème sécuritaire et de la gouvernance», a déclaré à Sputnik Mahamadou Keïta, secrétaire général des FARE. En outre, a-t-il estimé, cette équipe ministérielle est «pléthorique, même s'il y a des hommes de qualité. Le Mali en crise n'a pas besoin d'un gouvernement de 38 ministres, au regard de nos faibles ressources» financières.
Certains habitants interrogés par les médias locaux ont exprimé la même critique sur les effectifs pléthoriques du gouvernement. Mais ils sont plus nombreux à souligner l'urgence de s'attaquer aux problèmes du pays. En plus de l'insécurité et des violences dont il est la proie, le Mali a aussi enregistré ces deux dernières années des mouvements de grève dans plusieurs secteurs: transports, santé, magistrature et éducation, notamment.
Selon la presse locale, depuis novembre 2018, les cours dans les écoles publiques sont perturbés par des grèves à répétition, soit de la part des élèves et étudiants, soit à l'initiative des syndicats d'enseignants.
Autant de mouvement qui mettent en péril l'année scolaire, a relevé un élève-professeur interrogé par la chaîne publique malienne ORTM dans son journal du soir diffusé le 6 mai 2019: «On tend vers une année blanche et ce gouvernement doit travailler doublement pour sauver l'année scolaire.»
«Il nous faut travailler rapidement à recréer la confiance d'abord entre les citoyens et les dirigeants de la République, entre les communautés elles-mêmes, surtout entre la classe politique», a souligné M. Sangaré.
Il a aussi parlé de «dégager des économies» par la réduction du train de vie de l'État qui serviront «dans les secteurs sociaux de base tels que l'éducation, la santé et l'eau potable».
Selon l'ORTM, chacun des ministres «sera jugé en fonction de ses résultats dans [un délai de] six mois».