Ambassade du Togo à Jérusalem? «Le gouvernement décidera en toute indépendance»

© REUTERS / Eliana Aponte/File PhotoJérusalem
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Multipliant les avancées en Afrique, Israël compte le Togo parmi ses alliés les plus fiables dans la région. Un rapprochement qui ne devrait pas nuire aux relations arabes du Togo, affirme le ministre des Affaires étrangères togolais, Robert Dussey, qui balaie dans un entretien avec Sputnik la politique extérieure de ce pays d'Afrique de l'Ouest.

Docteur en philosophie politique et professeur universitaire dans cette discipline, Robert Dussey a occupé pendant huit ans le poste de conseiller diplomatique du Président togolais Faure Gnassingbé, dès son accession au pouvoir en 2005. En septembre 2013, il est nommé ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de l'Intégration africaine. Il est depuis sans cesse reconduit dans ses fonctions. La politique extérieure du Togo, l'un des plus petits États d'Afrique, a connu, depuis, un virage «innovant et offensif»… quitte à se démarquer, parfois, des autres pays africains, comme en décembre 2017, quand Lomé a voté contre la résolution onusienne condamnant la reconnaissance par Washington de Jérusalem comme capitale de l'État hébreu. Qualifiée de «courageuse» par le portail d'information institutionnel togolais, republicoftogo.com, la position de Lomé appuyait pourtant une décision unilatérale américaine considérée, par l'écrasante majorité des votants —et la plus grande partie de la communauté internationale- comme une violation du droit international et notamment des résolutions du Conseil de sécurité sur le statut de la Ville sainte.

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Une convergence du Togo avec l'État hébreu qu'illustre un sommet Afrique-Israël que devait accueillir Lomé en 2017, avant d'être reporté sine die, suite à des pressions africaines et arabes. Un rapprochement, enfin, qu'explique —et favorise- l'action du chef de la diplomatie togolaise, invité par exemple en 2017 à Washington, à la traditionnelle conférence annuelle de l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee). Réputé proche de la droite israélienne et notamment du parti Likoud, actuellement dirigé par Benjamin Netanyahou, ce puissant lobby américain a pour vocation la défense des intérêts israéliens.

Sputnik: Le Togo est l'un des pays africains les plus proches d'Israël. C'est un choix de partenariat économique. Dans quelle mesure ce partenariat dénote-t-il également une convergence politique et stratégique entre le Togo et Israël?

Prof. Robert Dussey: «Le Togo et l'État d'Israël, à l'instar de certains pays épris des questions de paix et de sécurité, s'accordent mutuellement soutien sur toutes les questions d'intérêt commun, y compris celles relatives à la souveraineté de leur État respectif et à leur intégrité territoriale.»

Sputnik: «En décembre 2017, le Togo a été le seul pays africain à voter contre la résolution onusienne condamnant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël. Des rapports de presse israéliens évoquent le Togo parmi les pays susceptibles de déplacer leur ambassade à Jérusalem. Qu'en est-il réellement?»

Prof. Robert Dussey: «Le Togo ne dispose pas à ce jour d'ambassade à Tel-Aviv. Même si le Togo a voté contre la résolution onusienne condamnant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël, le gouvernement avisera et décidera en toute indépendance du lieu d'implantation de son ambassade au cas où elle viendrait à être rouverte.»

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Sputnik: «Votre politique pro-israélienne ne pourrait-elle pas affecter vos relations avec la majorité des pays arabes, hostiles à la normalisation, ou au sein de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI), dont vous êtes membre depuis 1997?»

Prof. Robert Dussey: «La position adoptée par le Togo permet de lever le voile sur le flou qui persiste sur la ville de Jérusalem. Il estime que cette position n'empêche pas Jérusalem d'être reconnue comme berceau des trois religions fondamentales, notamment le judaïsme, le christianisme et l'islam. Donc cette position ne devrait pas en réalité affecter nos relations avec les pays arabes, qui sont également épris des questions de paix et de sécurité.»

Sputnik: Vous êtes également l'un des chantres africains d'un rapprochement accru avec l'Allemagne (printemps de la coopération germano-togolaise élargi à d'autres pays, initiative d'une chambre de commerce entre Allemagne et pays africains francophones, etc.). Quels atouts trouvez-vous à l'Allemagne, que vous ne retrouvez pas chez d'autres partenaires classiques? Je pense notamment à la France, dont les exportations vers le Togo ont chuté de 48% en 2017…

Prof. Robert Dussey: «Chaque partenaire du Togo a évidemment une importance particulière. En ce qui concerne l'Allemagne, il faut d'abord rappeler que les relations privilégiées qui l'unissent au Togo ont une base historique. Ensuite, la position de première puissance économique de l'Europe que l'Allemagne occupe aujourd'hui en fait un partenaire important, capable de mobiliser des investissements publics ou privés pour soutenir l'essor économique des pays africains. L'Allemagne a d'ailleurs affirmé sa volonté d'aller dans ce sens en lançant les initiatives "Plan Marshall avec l'Afrique" et "Compact avec l'Afrique".»

Sputnik: Le Togo fait partie des rares pays d'Afrique de l'Ouest à avoir été épargné par le terrorisme, notamment grâce à deux pays tampons, le Bénin et le Ghana. Y a-t-il une vigilance sécuritaire particulière au Nord, du côté de la frontière burkinabè?

Prof. Robert Dussey: «Effectivement, ces derniers temps la partie septentrionale du Togo avec le Burkina Faso subit de la part des groupes terroristes au Sahel des attaques récurrentes marquées par des assassinats et des tueries ciblés. Les forces de défense et de sécurité de nos deux États mènent des opérations conjointes de sécurisation de leurs frontières dénommées "Sécurité —criminalité transfrontalière". De plus, l'éradication de ces groupes actifs s'inscrit dans une lutte collective qui englobe les autres pays frontaliers du Togo, notamment le Bénin et le Ghana. Comme illustration, au cours du mois de mai 2018, ce genre d'opération conjointe a permis de saisir des armes, des explosifs et des produits de contrebande.
En dehors de ces mesures phares, les forces de défense et de sécurité togolaises restent extrêmement vigilantes pour neutraliser toute présence ou toute incursion de groupes armés sur ses frontières, plus précisément avec le Burkina Faso, grâce à une préparation adéquate et préventive.»

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Sputnik: Quel type de coopération sécuritaire entretenez-vous avec la Force Multinationale Mixte (FMM), d'un côté, la MINUSMA, la Force G5 Sahel, ou Barkhane, de l'autre?

Prof. Robert Dussey: «Le Togo est présent au sein de la MINUSMA depuis son lancement le 1er juillet 2013. à travers ses contingents déployés au sein de cette mission, le Togo coopère très étroitement avec les différentes forces déployées dans le Sahel, le nord du Nigeria et la région du lac Tchad en vue de coordonner leurs actions pour venir à bout des forces terroristes. Cette coopération se manifeste également au travers des échanges d'informations, d'expertise lors des rencontres du Comité des Chefs d'État-major de la CEDEAO [Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest, nldr] et des rencontres régionales telles que le Sommet CEDEAO-CEEAC [Communauté économique des États de l'Afrique centrale, ndlr] sur la paix, la sécurité, la stabilité et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, tenu le 30 juillet 2018 à Lomé.»

Sputnik: Deux ans et demi après la Charte sur la sécurité maritime, adoptée par l'Union africaine (UA) à Lomé, quel est le point sur son opérationnalisation?

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Prof. Robert Dussey: «La Charte de Lomé qui, rappelons-le, est un instrument juridique de l'Union Africaine, requiert un certain nombre de ratifications pour son entrée en vigueur. À ce jour, sur les 55 États membres de l'UA, 35 l'ont déjà signée dont un seul pays, le Togo, l'a ratifiée. Toutefois, il faut noter que beaucoup d'États ont exprimé leur intention de procéder à sa ratification, condition nécessaire de sa mise en œuvre, lorsque ses annexes et amendements auront été adoptés. Cette option a le mérite d'éviter de ratifier d'abord la Chatre, puis ses annexes et amendements ultérieurement. La Commission de l'Union Africaine est à pied d'œuvre sur ce dossier.»

Sputnik: En février 2019, une manifestation anti-CFA, devant l'ambassade de France à Lomé, a été empêchée par les forces de l'ordre. D'après Afrobaromètre, une majorité de Togolais (66%), est pour une sortie de la zone franc CFA. Comment expliquez-vous cette défiance, d'abord, et quelle est la position de l'État togolais quant à cette vague d'hostilité contre le franc CFA?

Prof. Robert Dussey: «Le débat sur le franc CFA est beaucoup plus complexe. Je me réserve de tout commentaire.»

Sputnik: Les différentes actions diplomatiques que mène le Togo pour asseoir un rayonnement continental et international ne sont-elles pas gênées par les crises politiques récurrentes que connaît le pays ces dernières années?

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Prof. Robert Dussey: «Il est vrai que la crise politique que le Togo a connue en 2017 a quelque peu freiné son dynamisme. Il convient cependant de féliciter le Chef de l'État, S.E.M. Faure Essozimna Gnassingbe pour sa hauteur d'esprit et sa sagesse, qui ont permis à notre pays de relever de grands défis tels que la présidence en exercice de la CEDEAO, l'organisation à Lomé des rencontres internationales importantes et le maintien de la confiance des investisseurs et partenaires internationaux.
Notons aussi que grâce au soutien sans faille de la CEDEAO, notre pays a franchi, avec les élections législatives du 20 décembre 2018, une étape importante dans la résolution de cette crise et s'apprête à lui trouver une issue définitive. Comme vous pouvez le constater, une nouvelle ère optimiste et pleine de promesses s'ouvre pour le Togo avec le lancement du Plan National de Développement (PND) et les récents signaux de maturité et de consensus lancés par la classe politique.»

Sputnik: Le Togo fait partie des soutiens du Maroc sur le dossier du Sahara occidental. Le Maroc est favorable, à terme, à une exclusion de la RASD de l'UA. Seriez-vous prêt à le soutenir jusqu'au bout dans cette initiative?

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Prof. Robert Dussey: «Dans le différend qui oppose le Royaume du Maroc au Sahara Occidental, la position du Togo ne relève pas du parti-pris ni du favoritisme à l'endroit d'un camp au détriment de l'autre. Notre pays a toujours adopté une position qui privilégie la concertation permanente et des compromis en vue de parvenir à une solution définitive au conflit. C'est pourquoi nous n'avons pas hésité à adhérer aux processus politiques, engagés par les Nations unies et soutenus par l'Union africaine, en vue d'accorder une très large autonomie au territoire du Sahara occidental. En soutenant ces processus, le Togo ne fait que suivre la voie de la raison et du pragmatisme, s'inscrivant ainsi non seulement dans une dynamique régionale et onusienne, mais aussi dans la droite ligne des récentes évolutions internes dans cette région, qui sont de plus en plus favorables à un rapprochement des positions.»

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Sputnik: Quelle est la position du Togo quant à l'actuelle crise qui secoue le Venezuela?

Prof. Robert Dussey: «Le Togo suit avec profonde préoccupation l'évolution dégradante de l'environnement politique au Venezuela et son impact sur la stabilité et la situation socioéconomique du pays. C'est pourquoi, en attendant une position officielle de l'Union africaine sur la question, le Togo invite toutes les parties prenantes de cette crise à privilégier le dialogue et le consensus politique afin de préserver la cohésion sociale.»

 

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