Le général Thomas Waldhauser, chef du Commandement des États-Unis pour l'Afrique (AFRICOM), est en visite depuis mercredi en Algérie. Il s'est déjà entretenu avec le Premier ministre du pays, Ahmed Ouyahia, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, et le vice-ministre de la Défense nationale, le chef d'état-major de l'Armée nationale populaire (ANP), le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah.
«Nous sommes impatients d'explorer les futures activités de coopération en matière de sécurité avec l'Algérie», a déclaré Thomas Waldhauser à l'issue de sa réunion avec Abdelkader Messahel, selon l'Algérie Presse Service (APS).
À en croire le général américain, la visite a pour but de trouver des opportunités de coopération sécuritaire, en particulier dans la région du Sahel. Cependant, à examiner le contexte dans lequel intervient cette rencontre du commandant de l'AFRICOM avec les responsables algériens, il serait aisé d'identifier certains enjeux géopolitiques et géostratégiques qui auraient motivé cette visite.
La situation au Sahel et en Libye, lieux d'entente ou dediscorde entre les deux pays?
La diplomatie algérienne n'a ménagé aucun effort pour alerter, les puissances initiatrices de l'intervention militaire en Libye, des graves conséquences que celle-ci aurait sur la paix et la sécurité dans toute la région. «Nos craintes se sont hélas vite confirmées et bien au-delà de ce que nous pouvions imaginer, lorsque, fuyant les bombardements, des groupes armés étrangers appartenant aux milices pro-colonel Kadhafi déferlèrent en nombre, sans être inquiétées, sur le nord du Mali à travers le Niger pour y proclamer l'indépendance de l'Azawad alors que l'encre du paraphe à un nouvel accord avec Bamako, facilité par l'Algérie, n'avait pas encore séché», a déclaré Abdelkader Messahel, le 11 avril 2018, lors d'une conférence donnée à l'Institut français des relations internationales (Ifri), sur le thème «Contre le terrorisme et l'extrémisme, la déradicalisation: l'expérience algérienne».
«Livrée à elle-même, la Libye sombra dans le chaos, un chaos, sciemment ou non, nourri et entretenu par différents acteurs, transformée en un arsenal à ciel ouvert et en sanctuaire pour les groupes terroristes qui étendirent peu à peu leur champ d'action à l'ensemble des vastes espaces sahéliens et au-delà, malgré une mobilisation plus grande des États de la région, une présence plus forte des troupes étrangères et le recours aux équipements de surveillance et de détection les plus performants», a-t-il ajouté.
«Nous recevons une moyenne de 500 clandestins par jour au niveau des wilayas de Tamanrasset et Adrar qui sont frontalières avec le Mali et le Niger. Dans ces deux pays, il y a deux plaques tournantes régionales très importantes de la migration. L'une passe par Agadez et l'autre passe par Bamako, constituant des couloirs migratoires à destination de l'Algérie», a déclaré Hacène Kacimi, directeur d'études du phénomène migratoire au ministère algérien de l'Intérieur, dans un entretien donné, le 23 avril, à la radio nationale chaîne 3.
«Les migrants ne nous préoccupent pas. Ce qui nous préoccupe c'est ce qu'il y a derrière. La migration est la trame de ce nouveau phénomène qui a un caractère géostratégique», a-t-il ajouté.
À ce titre, le commandant de l'AFRICOM a déclaré, le 13 mars 2018, devant le Sénat américain que «très peu de défis auxquels l'Afrique doit faire face ne peuvent être réglés uniquement par la force».
Or, l'armée algérienne qui refuse par principe d'intervenir en dehors de ses frontières, a décliné la demande de la France de participer à la force militaire africaine, le G5 Sahel (G5S), qui s'est constituée sous ses auspices, et à laquelle prennent part le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie, dans le but de lutter contre le terrorisme dans la région, lui préférant une force africaine. Ajoutant que les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, en continuant à s'opposer à une solution politique en Syrie, dont le bombardement du 13 avril est le dernier épisode, ne pourraient que susciter les soupçons quant à leurs véritables objectifs dans la région du Sahel. À ce titre, rappelant que ce jeudi se tient à Paris une réunion ministérielle sur la lutte contre le financement du terrorisme dans la bande sahélienne, organisée conjointement par la France et l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et à laquelle prend part le ministre algérien des Affaires étrangères, une journée après sa rencontre à Alger avec le commandant de l'AFRICOM.
L'économie serait-elle le vrai enjeu?
«Nous avons bien expliqué à nos partenaires de l'Union européenne, avec qui nous avons une relation stratégique, que nous traversons une période très difficile sur le plan financier, particulièrement pour la balance commerciale et celle des paiements, et qu'il s'agit aussi d'une période transitoire », a déclaré Said Djellab, ministre algérien du Commerce, lors d'une conférence de presse le 26 avril, selon le site d'information Tout Sur l'Algérie (TSA).
Cependant, le froid dans les relations entre les deux parties n'est pas juste lié à la crise financière que traverse l'Algérie. Car, après 11 ans de mise en application de ces accords, le bilan des échanges commerciaux été en faveur de l'Europe plus que de l'Algérie.
«En 11 ans de mise en œuvre de l'accord d'association entre les deux parties, l'Algérie a importé pour plus de 250 milliards de dollars et a exporté vers l'Europe pour moins de 14 milliards de dollars en produits hors-hydrocarbures», rappelle TSA.
Cette situation serait la raison qui aurait poussé Alger à se tourner vers la Chine et la Russie se qui aurait aggravé les désaccords entre l'Algérie et l'Europe. Au passage, rappelons que ce jeudi s'ouvre au tribunal de Blida, le procès du terroriste qui planifiait des attaques en Algérie contre les ressortissants chinois et russes, selon Ennahar TV, qui n'a pas manqué d'émettre des soupçons quant aux véritables commanditaires derrière la personne jugée.
À ce stade de l'analyse, il serait clair que les paroles protocolaires de bonnes intentions, tenues par le commandant de l'AFRICOM à Alger, cacheraient mal des appétits que les Occidentaux ont dans la région du Sahel voir dans toute l'Afrique.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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