«Dans sa demande (d'adhésion), le Roi a bien écrit que lorsqu'il y aura la monnaie unique, il sera prêt à abandonner le Dirham et à y adhérer.»
Pour Marcel de Souza, président de la communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), interrogé en exclusivité par Sputnik, c'est clair: le Maroc est prêt à abandonner sa devise nationale, le Dirham, dès que la monnaie unique ouest-africaine sera mise en place.
«Aujourd'hui, nous voulons aller vers la monnaie unique (…) avec une banque centrale unique pour l'ensemble des 15 pays. Et si on s'élargit à d'autres pays, tous les pays qui vont adhérer vont utiliser cette monnaie unique. C'est ce qui va favoriser les échanges et les moyens de paiement», a détaillé Marcel de Souza.
Après la libre circulation des marchandises et des personnes et d'autres avancées, la monnaie unique constitue l'étape ultime de l'intégration de l'Afrique de l'Ouest. La question monétaire reste brûlante dans une région où un ancien clivage s'amplifie aujourd'hui autour du franc CFA, la monnaie coloniale encore partagée par 8 pays. Toutefois,
«le jour où on va (être dans la monnaie unique) tous les accords signés entre les pays qui utilisent le CFA tomberont», a rappelé le patron de la CEDEAO.
Marcel de Souza plaide pour cet « espace sans frontière avec un destin commun», permettant
« un développement inclusif pour éviter que les jeunes ne meurent dans le Sahara, dans la Méditerranée alors que les valeurs ajoutées les plus élevées sont en Afrique»,
Ces potentialités ont permis à beaucoup de ces pays, comme le Nigéria, le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, d'afficher des taux de croissance conséquents. Toutefois, la question se pose aujourd'hui sur la qualité de cette croissance, particulièrement son caractère redistributif.
«Si on veut avoir une croissance inclusive et qui ne laisse personne sur le quai, il faut atteindre des taux de croissance de 7 à 8% sur une vingtaine d'années, pour nous permettre d'avoir des retombées sur l'ensemble des couches (de la population). Nous n'en sommes pas encore là, la pauvreté ne recule pas», a-t-il regretté.
L'Afrique de l'Ouest a subi plusieurs «chocs», ces dernières années, qui ont plombé davantage sa croissance, comme l'épidémie Ebola à partir de 2014, ou la chute des prix des matières premières. Cela sans compter le terrorisme qui mine le Nord Mali et le Nord-Est du Nigéria, avec des percées en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso, ainsi que le coût de la démocratie, dont la région figure, pourtant, parmi les bons élèves africains.
Début 2017, la CEDEAO a ainsi eu à gérer la crise post-électorale gambienne, née du refus du président Yahya Jammeh de quitter le pouvoir après avoir perdu les élections. Au terme d'une médiation infructueuse, des troupes ouest-africaines sont dépêchées en Gambie et ont contraint Jammeh à quitter le pouvoir au profit d'Adama Barrow, qui avait remporté la présidentielle de décembre 2016. Un rappel à l'ordre appelé à se reproduire pour prévenir les conflits.
Cela coûte très cher, «mais c'est le prix à payer pour avoir la paix.»