Casques blancs, il faut sauver le soldat Hollande

© AFP 2024 Sameer Al-DoumyEin Mitglied der „White Helmets“ bei Damaskus
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Depuis qu’il n’est plus Président, François Hollande multiplie les initiatives pour se replacer dans le jeu politico-médiatique, au grand dam de ses anciens amis de gauche. Dernier coup d’éclat en date de l’ex-chef d’État, sa rencontre avec les Casques blancs. Un choix hasardeux, tant cette ONG, pourtant encensée, sent le soufre.

«Un peu de décence que diable!», tels étaient les derniers mots du «Coup de patte» de Nadia Daam, sur Europe 1, suite à la visite de Thierry Mariani à Damas. L'apostrophe visait plus le tableau de la capitale syrienne, digne d'une agence de voyages, dressé par l'ex-député, que sa rencontre avec Bachar al-Assad? Ne pourrait-on reprendre ce «Un peu de décence que diable!» au sujet de l'ancien Président de la République? Ex-Président qui a également rendu visite à l'un des belligérants d'un conflit particulièrement sanglant.

​«J'ai rencontré les casques blancs syriens pour faire un point sur l'évolution de la situation en Syrie depuis notre dernière rencontre.» Tel est le tweet de François Hollande, posté mardi 7 novembre sur le célèbre réseau social. Dans une certaine indifférence médiatique, l'ancien chef de l'exécutif français a ainsi rencontré le sulfureux groupe se revendiquant abusivement de la Défense civile syrienne. Groupe qu'il avait rencontré en octobre 2016, lorsqu'une délégation d'Alep-Est avait été conviée —et ovationnée- sous les Ors de la république, à l'initiative de la députée socialiste Elizabeth Guigou, alors Présidente de la commission des affaires étrangères.

«Il y a une part de stratégie personnelle de François Hollande, qui cherche à exister en ce moment. On est dans une ligne qui a été celle de son gouvernement, qui a été de favoriser cette ONG […] qui a connu un grand moment de mode, en Occident, en 2016»,

explique ainsi François-Bernard Huyghe, directeur à l'IRIS de l'Observatoire Géostratégique de l'Information. Il décrit un ancien Président ayant des difficultés à décrocher,

«exclu de la vie publique, taclé sèchement par son successeur, qu'il agace visiblement, l'ancien Président a un peu de mal à exister.»

Il faut dire que François Hollande agace, à commencer par la nouvelle majorité. Le surnom dont l'aurait affublé Emmanuel Macron —d'après le JDD- «zigoto», prête à sourire, mais n'en reste pas moins révélateur. Il faut dire que l'ex multiplie les interventions médiatiques, cherchant à garder un pied dans l'arène politique. «Ça s'apparente à de l'aigreur» regrette ainsi au Figaro François Patriat, Président du groupe LREM au Sénat. Des ténors LREM peu avares en critiques, fustigeant un ex-Président ne respectant pas un «délai de décence», n'ayant pas compris la leçon des élections et demeurant dans le commentaire faute d'être dans l'action politique.

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Le propre camp du Président n'est pas en reste, à commencer par les cadres de la Gauche de gouvernement ayant survécu à la débâcle électorale du printemps. Olivier Faure, chef de file des députés de la «Nouvelle Gauche» a sèchement enjoint l'ancien leader du Parti de ne «pas se transformer en DRH du PS», en référence au droit de regard qu'il revendique dans l'élection du prochain premier secrétaire d'un Parti socialiste en déconfiture. Une «ingérence» que ne voit pas non plus d'un bon œil l'ancienne ministre Delphine Batho, qui déclarait sur Franceinfo «Je crois qu'il n'y aura pas de retour au monde d'avant. Je suis très claire.»

Mais les anciens alliés politiques de François Hollande, LREM ou PS, ne sont pas les seuls à être énervés par l'ancien chef de l'exécutif. D'après un sondage Elabe pour Les Échos et Radio classique, les Français seraient agacés par l'«activisme» de leur ancien Président. Ainsi, François Hollande —qui n'est pourtant plus en poste- continue à dégringoler dans les études d'opinion: —6 points en octobre, s'établissant à 16% d'opinions favorables, contre 71% d'un avis contraire.

Cependant, si pour l'heure, ce coup de communication de François Hollande n'a guère trouvé d'écho dans la presse nationale, il est parvenu à faire réagir sur Twitter. Aux insultes d'anonymes, directement adressées à l'ancien chef d'État pour ses années chaotiques passées à la tête du pays, se mêlent les «bravos!» et autres «remerciements» pour son soutien aux Casques blancs, et de manière générale aux Syriens. Certains messages élogieux sont notamment postés par des tweetos proches des Casques blancs, n'hésitant par ailleurs pas à insulter ceux qui douteraient de la probité de cette organisation se présentant comme «indépendante». Car des tweetos dubitatifs sur cette ONG controversée ont aussi réagi au billet de François Hollande.

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Car ne nous y trompons pas, si les Casques blancs sont des «humanitaires» pour certains, ils n'en demeurent pas moins une «officine de propagande» pour d'autres. Rappelons que si l'ONG a connu son heure de gloire —et le mot est faible- il y a un an, lorsque les troupes loyalistes syriennes étaient sur le point de reprendre les derniers quartiers d'Alep-Est, ils n'en demeurent pas moins une organisation controversée.

Certes, les Casques blancs ont été unanimement présentés par les médias occidentaux comme les «héros de la paix». En septembre, la plateforme américaine Netflix réalise même un «documentaire», réalisé à partir des images fournies par les Casques blancs eux-mêmes, qui leur vaudra un Oscar. Le mois suivant, ils sont reçus sous les ovations des députés au Palais Bourbon, à l'Élysée, et manquent de peu d'être auréolés du prix Nobel de la paix. Une intense campagne médiatique en leur faveur est alors animée par des stars hollywoodiennes, Georges Clooney, Alicia Keys et Ben Affleck en tête, lesquelles avaient lancé une pétition à cet effet, recueillant plus de 300.000 signatures. Initiative que les Casques blancs ont reprise à leur compte cette année, preuve d'un désir forcené de reconnaissance officielle… qui interpelle. Eux, qui selon Libération préféreraient «renoncer à leur prestigieuse distinction» s'ils avaient à choisir entre le prix Nobel et la paix… une notoriété qui n'est visiblement pas éteinte, malgré certaines critiques:

«D'une certaine façon, ils ont fourni aux Occidentaux les images qu'ils attendaient. Et cela correspond également, dans le cas où leurs liens avec Al-Nosra seraient avérés, a une ambiguïté de la politique étrangère française, dans le cas de Hollande»,

analyse François-Bernard Huyghe, qui évoque ainsi la déclaration de Laurent Fabius. Le ministre des Affaires étrangères de François Hollande qui, en décembre 2012, aurait déclaré que «sur le terrain, ils font un bon boulot» en parlant des djihadistes de Jabhat Al-Nosra.

«Donc il y a eu une indulgence à l'égard d'Al-Nosra, ou des coalitions dont fait partie Al-Nosra, qui est une ambiguïté de la politique étrangère française, c'est clair.»

Pourtant, nombreux sont les documents, les témoignages, discréditant l'action des Casques blancs sur le terrain.

Au-delà des financements des puissances occidentales (USAID, Foreign Office) et de certains pays du Golfe souhaitant la chute du gouvernement syrien, d'un fondateur ancien officier de l'armée britannique reconvertit dans le mercenariat, les Casques blancs ont été pris à de nombreuses reprises la main dans le sac à désinformation, voire pire, comme par exemple lors de cette exécution sommaire orchestrée par des djihadistes.

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Les casques blancs, dont le théâtre d'opérations correspond étrangement aux territoires sous contrôle rebelle, plus précisément dans les zones contrôlées par le Front Fatah al-Cham (anciennement Front Al-Nosra) et Daech… ou tout simplement du fait que ces individus se présentant comme «neutres» n'ont cessé de réclamer l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne. Ils sont également soupçonnés d'avoir pris part au blocus de l'eau de Damas en janvier, un acte qualifié de «crime de guerre» par l'Onu.

Des individus qui, sur leur site Internet, prétendent avoir sauvé près 100.000 vies… Pourtant, en décembre 2016, lors d'une conférence de presse organisée par la Mission permanente syrienne auprès de l'ONU, la journaliste Éva Barlett déclarait —je cite- «Sur le terrain, personne n'a jamais entendu parler d'eux à Alep», des dires confirmés par nos sources sur place…

«Les Casques blancs impartiaux, c’est une fiction»
En s'intitulant «Défense civile syrienne», ils tentent même de s'attribuer la légitimité de la vraie «Protection civile syrienne», un organisme fondé en 1953 et reconnu aussi bien par l'ONU, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), que par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Une usurpation que rappelait à notre micro la journaliste indépendante Vanessa Beeley, qui précisait: «Il existe une défense civile syrienne, qui travaille des deux côtés, qui sauve des vies syriennes et qui a été ciblée, leur équipement volé, leurs équipes massacrées.»

«Il n'est jamais facile de s'en prendre aux idoles médiatiques, parce qu'il y a eu des contre-feux qui ont été allumés très vite: la théorie qu'il s'agirait d'opération d'influence ou de fake-news menée secrètement par les Russes. […] On voit souvent que dès qu'on essaie de sortir d'une version manichéenne, tout discours critique est discrédité, parfois d'une manière complotiste, comme quoi cela serait un coup des Russes, des populistes, etc.»,

explique encore François-Bernard Huyghe, revenant sur la guerre informationnelle qui fait rage en parallèle du conflit syrien. En effet, nombre de médias français soutenant les Casques blancs ont relevé la «virulence» de la «contre-campagne» sur «les réseaux sociaux et les sites connus pour leur défense de la Russie et du régime syrien.»

La Russie, cible récurrente des Casques blancs, qu'ils accusaient de cibler délibérément «hôpitaux» et «écoles», accusations reprises à la volée par les chancelleries américaine et britannique afin de fustiger les opérations menées par les forces russes, voire comme François Hollande —deux semaines avant de recevoir les Casques blancs à l'Élysée- d'évoquer les «crimes de guerre» dont son homologue russe pourrait avoir à répondre un jour devant la CPI.

En janvier 2017, la Russie avait demandé —sans succès- à l'ONU de dénoncer les abus commis par ces individus.

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