L'enquête que le FBI a entamée contre Sputnik suscite des préoccupations car elle va à l'encontre des principes de la liberté d'expression, estime Trevor Timm, le directeur exécutif de l'ONG américaine Freedom of the Press Foundation (la Fondation pour la liberté de la presse).
«Indépendamment de l'attitude de quelqu'un envers la Russie et Sputnik, je crois que chaque fois que le FBI détermine qui est un journaliste et qui ne l'est pas, cela suscite des inquiétudes», a-t-il déclaré au journal Washington Examiner.
Selon lui, les restrictions apportées au travail des médias sur la base de la loi de FARA (Foreign Agents Registration Act) entraîneront des conséquences «non seulement pour les agences de presse étrangères, mais pour Voice of America ou des journalistes étrangers travaillant à l'étranger, si la Russie décide de répondre de la même manière».
Une opinion similaire a été exprimée par Gabe Rottman, le directeur de l'office de Washington de l'association PEN America qui préconise la liberté d'expression.
«Dites ce que vous voulez sur Sputnik et sur RT, mais l'attention portée par le FBI envers un média étranger soupçonné d'avoir mené une activité au titre d'agent étranger est grave et pourrait entraîner des représailles contre des agences américaines telles que Voice of America ou contre des radiodiffuseurs publics comme la BBC», a souligné l'expert.
Commentant les actions du FBI, le professeur de droit de l'Université George Washington Jonathan Turley a déclaré que l'enquête sur Sputnik franchissait «une ligne rouge» car «les vérifications des dossiers informatiques et des négociations soulèvent de sérieuses questions sur la liberté de la presse».
Il a noté également que «ironiquement, puisque cela fait partie de l'investigation sur l'influence de la Russie, beaucoup de ceux qui soutiennent normalement la liberté de la presse sont silencieux».
La rédactrice en chef de Sputnik Margarita Simonian a qualifié l'enquête du FBI de «dégoûtante» et s'est dit persuadée qu'une réponse équivalente serait donnée aux États-Unis.
«La liberté de parole se retourne dans sa tombe. Elle a été tuée par ceux qui l'ont créée», a-t-elle déclaré.
Le porte-parole du Président russe Dmitri Peskov a indiqué que le Kremlin était préoccupé par l'enquête.
«Aucune censure n'est permise, toute poursuite pour des considérations liées au contenu est également interdite. Et en plus, les médias étrangers sont absolument égaux en droit avec nos médias nationaux. Voilà la situation en ce qui concerne notre pays. Mais des manifestations de ce genre entraînent bien sûr notre préoccupation», a rapporté Dmitri Peskov.
L'agence de presse Sputnik fait l'objet d'une investigation du Bureau fédéral d'enquête (FBI) qui la soupçonne prétendument de faire de la propagande violant la loi américaine concernant les agents étrangers, le Foreign Agents Registration Act (FARA). Dans le cadre de l'enquête, les agents du FBI ont soumis à un interrogatoire l'ancien journaliste de Sputnik accrédité à la Maison-Blanche, Andrew Feinberg, et ont examiné la correspondance intérieure de l'agence, a indiqué le portail Yahoo News.
En cela, le FBI n'a pas répondu à une demande officielle envoyée samedi par le rédacteur en chef de Sputnik USA, Mindia Gavasheli, exigeant que le bureau confirme ou démente avoir entamé une enquête.
Auparavant, une proposition de loi avait été déposée à la Chambre des représentants des États-Unis afin de modifier les exigences de l'État quant à l'enregistrement des agents étrangers conformément à la loi homonyme Foreign Agents Registration Act (FARA). La proposition suggère d'octroyer des pouvoirs supplémentaires au département de la Justice, dont fait partie le FBI, l'autorisant ainsi à traduire en justice les organisations qui essayent d'influer «illégalement» sur les processus politiques aux États-Unis.