Si le premier débat n'avait pas passionné les foules, hormis la découverte de trois candidats méconnus du grand public, l'annonce des thèmes de la soirée avec d'entrée de jeu les questions de relations internationales, le tout avec en toile de fond un grand « Europe et Immigration » qui s'affiche, le deuxième volet des débats de la primaire socialiste s'annonce jusque-là bien plus prometteur.
Et ça commence sur les chapeaux de roues, après le petit récapitulatif d'usage sur les modalités de vote, on comprend que les dix premières minutes seront dédiées à l'investiture prochaine de Donald Trump et Laurence Ferrari attaque fort: « Qu'est-ce qu'un Président français, de gauche, devrait-il dire à Trump? » ou plutôt, « à quoi peut s'attendre la France avec un tel Président américain »?
À la sortie des débats, Jean-Luc Bennahmias, ex-eurodéputé Les Verts déclarait aux journalistes, qu'outre son naturel, celui-ci apportait « l'idée que j'ai d'une majorité progressiste, vous avez bien remarqué que tous les autres reste très gauche-gauche, très "on ne bouge pas les lignes" » et à première vue on ne peut pas lui donner tort. Premier à se prêter à l'exercice du trio Ferrari — Elkrief — Neumann, il déclare:
« Nous ne choisissons pas les présidents des autres nations, ils ont été élus majoritairement dans le cadre de leurs institutions. »
Une sortie en décalage avec l'hystérie du moment, qui lui vaut un petit recadrage de la journaliste de TF1 « Mais vous, vous l'aimez ou vous ne l'aimez pas?! », « Ce n'est pas comme ça que se pose la question », répond simplement le candidat, avant de donner quelques garanties à son auditoire: « ce n'est pas parce qu'on discute qu'on est d'accord sur tout ». Par ailleurs, il se félicite de l'action diplomatique de la France et termine sa plaidoirie en faveur d'une diplomatie et d'une défense européenne commune.
De son côté, Manuel Valls rend un hommage appuyé au « génie » du Général de Gaulle, à en faire se retourner François Mitterrand dans sa tombe. Pour l'ex-Premier ministre, son projet de présidentiable potentiel pour la France est clair: « aucune soumission à l'égard d'une grande puissance », dans la continuité de ce qu'ont toujours voulu tous les Présidents de la République.
Autre contradiction dans ce discours, pour Manuel Valls le vecteur du développement de cette indépendance de la France est selon lui… l'Europe. Il insiste, une Europe « forte et unie dans ce monde difficile », une Europe qui devra prendre « des initiatives » si « Trump revenait sur la parole des États-Unis »…
Pour Vincent Peillon, s'il « faut parler avec chacun, bien entendu, ne pas préjuger », il faut préserver « nos relations fortes » avec les É.-U., pour lui l'élection « peut légitimement inquiéter », « Trump, c'est une incertitude », dans le cadre « des accords transatlantiques et en particulier de nos défenses communes ». Pour l'ex-ministre de l'Éducation nationale, Donald Trump ne créera pas un ordre nouveau, mais un « nouveau désordre ». Vincent Peillon évoque « des pays de l'Est de l'Europe, très inquiets devant l'agressivité de Poutine », soulignant que « l'annexion de la Crimée, c'est une première de la part d'un membre du Conseil de Sécurité de l'ONU ». Pour Vincent Peillon, « Il faut maintenant mettre les bouchées doubles sur la politique étrangère européenne et de défense commune », deux éléments qui selon lui « nous ont manqué par les temps passés », nous réduisant « à l'impuissance ».
Quant à Benoît Hamon, « le désengagement des États-Unis, c'est peut-être l'occasion pour la France d'offrir un nouveau contrat politique à ses partenaires européens ». Il souligne que « l'arrivée de Donald Trump crée un élément d'instabilité » en cas de confirmation du désengagement militaire américain vis-à-vis de l'Europe engagé par Barak Obama. Pour lui, la France, dotée d'un « outil de Défense complet », se doit de proposer des « projets de coopération en matière de défense » aux membres européens afin de « suppléer au désengagement des Etats-Unis ».
Russie qui fait également peur à Sylvia Pinel, qui décrit « un monde incertain, avec Trump d'un côté et Poutine de l'autre ». Issue des rangs des radicaux qu'elle présente comme « des européens convaincus et fédéralistes », elle plaide comme ses camarades pour « renforcer les moyens de défense communs » et évoque la priorité de « relancer la construction européenne pour parler d'une voix ferme et forte aux États-Unis mais aussi à la Russie de Poutine » et souhaite « le renforcement de l'Europe, du couple franco-allemand » face aux doutes qui planent sur le retrait américain de l'Europe dans le cadre de l'OTAN. Mauvais point pour Trump, car « les doutes qu'il fait planer sont inacceptables. » Pour le reste, elle reprend des éléments de langage classiques, évoquant « Une France forte qui s'affirme, qui ne soit pas alignée ou suiviste. »
François de Rugy, évoque quant à lui le « renversement sans précédent dans l'histoire » que représenterait une « alliance avec la Russie de Poutine », rappelant au bon souvenir Obama qui n'aurait jamais fait cela avec « quelqu'un qui pratique un expansionnisme russe agressif ».
Le vice-président de l'Assemblée nationale souligne toutefois au micro de Sputnik, à sa sortie du débat, que la France doit mener un dialogue d'égal à égal avec les États-Unis en « étant capable de mener une politique de rapport de force et de bras de fer. »
En somme, malgré le ton des discours, dans le fond les sept candidats semblent peu se démarquer les uns des autres, du moins vis-à-vis de la ligne gouvernementale concernant les questions d'intégration européenne et du partenariat transatlantique au sens large, même si selon l'avocat Dominique Villemot, un proche de François Hollande interviewé dans Le JDD, le Président pourrait « probablement » soutenir Emmanuel Macron et non le vainqueur de la primaire.
Au-delà des paradoxes de leur discours, le message des sept candidats est le même dans le fond et s'ils affirment vouloir parler autant aux États-Unis qu'à la Russie, c'est vraisemblablement parce que — dans le cas des États-Unis, ils demeurent un acteur incontournable et que dans le cas de la Russie, les Européens ont peur de devoir se passer du « soutien » américain.
Bref, si dans l'esprit des journalistes, Trump et Poutine semblent égaux dans l'antipathie, pour les candidats, certains sont tout de même plus égaux que d'autres…