Alep : les enjeux de l’évacuation

© AFP 2024 Baraa Al-Halabi Alep
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Le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité une résolution visant à envoyer des observateurs surveiller l’évacuation des dernières poches de résistance dans les quartiers est d’Alep. Comment ce succès diplomatique pour la France va-t-il se traduire sur le terrain, à l’heure où les rebelles bloquent l’évacuation ?

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Des observateurs des Nations Unies seront bien envoyés à Alep pour superviser l'évacuation du dernier carré de combattants dans les quartiers Est de la ville. Ce lundi, la France portait devant le Conseil de Sécurité de l'ONU à New York un projet de résolution en ce sens, un projet adopté à l'unanimité. Pas de veto russe, comme le craignaient de nombreux observateurs. Il faut dire que cette fois, son texte a fait l'objet de tractations préalables entre la France et la Russie. C'est d'ailleurs la méthode standard au sein de l'Onu quand on souhaite vraiment faire voter les résolutions, méthode qui n'avait pas été appliquée lors de la présentation des derniers projets à l'Onu concernant la Syrie.

Dans la copie présentée au Conseil, amendée, la Russie a obtenu l'ajout d'un paragraphe imposant que toutes les parties intéressées soient consultées, y compris Damas. Un résultat obtenu a prix de négociations jusque tard dans la nuit, qui ont de facto reporté le vote de cette résolution à ce matin, faute pour les ambassadeurs d'obtenir l'aval de leurs capitales. Un point que souligne le général (2s) Dominique Trinquand, fin connaisseur de cette institution qu'il a servi à plusieurs reprises au cours de sa carrière:

« Je comprends que les négociations qui ont dû se terminer tard hier soir, avec le décalage horaire, ne permettaient pas d'avoir un accord de la Russie au plus haut niveau et donc c'est pour ça que la réunion a lieu ce matin à 9h, après accord de la capitale russe. »

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Même si une partie de la presse tablait ce matin sur « l'incertitude » du vote, rappelant les précédents vetos russes, les différents représentants s'étaient quittés en bons termes. En témoignent les déclarations Vitali Tchourkine, l'ambassadeur russe à l'Onu, qui a estimé dimanche soir qu'il s'agissait « d'un bon texte » et de son homologue français, qui se voulait rassurant. Un optimisme que partageait en début d'après-midi Dominique Trinquand, à notre micro:

« Si François Delattre dit que cela va passer, c'est qu'il a des certitudes, je le connais, il ne s'avancerait pas sans. »

Il faut dire que le premier jet de la résolution français avait été recalé par l'ambassadeur russe qui avait jugé le texte « impraticable et dangereux », évoquant « des éléments discutables ». « Déployer des observateurs prend des semaines, penser qu'on peut le faire en deux ou trois jours n'est pas du tout réaliste. »

Ce énième projet de résolution survient alors que les combats à Alep touchent à leur fin, une grande partie des quartiers insurgés ayant été libérés par l'armée régulière. De même pour l'évacuation, un grand nombre de civils, de combattants et leurs familles ont déjà été évacués depuis plus d'une semaine. Les images des fameux « bus verts », mis à disposition par Damas dans cette optique, ont d'ailleurs fait le tour des médias.

Mais celles de ces mêmes bus verts incendiés par les rebelles ont été moins diffusées. En effet, un convoi qui devait évacuer les habitants de deux villages Chiites, assiégés par les rebelles, à une soixantaine de kilomètres à l'ouest d'Alep, a été attaqué par des hommes armés. Bilan: une vingtaine de bus verts détruits et un chauffeur tué. Une attaque qui a gelé un temps l'évacuation d'Alep, conditionnée par l'évacuation de la population de ces deux villages. Alep Est, où des dizaines de bus verts étaient entrés sous la supervision du Croissant-Rouge et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour évacuer les 40 000 civils et les 1 500 à 5 000 combattants et leurs familles, selon les estimations de Staffan de Mistura, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie.

​Le timing de la résolution soulève quelques questions. En effet, les insurgés et leurs familles sont évacués des dernières poches de résistance d'Alep depuis plusieurs jours déjà. Des dizaines de milliers de civils ont également été pris en charge. Or, plusieurs sites d'information font état de rumeurs persistantes évoquant la présence aux côtés des insurgés d'Alep Est d'instructeurs provenant de pays de l'OTAN. La résolution de l'ONU viendrait-elle à point nommé pour les évacuer en douceur? Une hypothèse écartée par Dominique Trinquand, qui a lui-même il a tenu des postes de responsabilité dans des états-majors de l'Alliance: 

« Non, là je crois qu'il ne faut pas noircir le tableau, la résolution a pour objet essentiel de s'occuper de la situation humanitaire, de la population. »

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Dans un éditorial en date du 15 décembre, et intitulé la « diplomatie des décombres », Patrick Apel-Muller de l'Humanité fustigeait l'attitude des occidentaux qui ont « donné carte blanche aux sponsors de Daech, l'Arabie saoudite et le Qatar, laissé la Turquie ouvrir ses frontière aux djihadistes, fourni des armes et des instructeurs ». La France ou des pays de l'OTAN ont-ils envoyé des instructeurs en Syrie pour épauler la rébellion? François Hollande avait lui-même annoncé publiquement qu'il avait fait livrer des armes aux « rebelles ». Une présence de conseillers étrangers en Syrie, par le passé, implicitement confirmée par Dominique Trinquand:

« Un certain nombre de ces soutiens ont été retirés, évidemment, après que ces mouvements aient changé de position et se soient radicalisés. […] Je n'ai pas d'information à ce sujet, mais je n'imagine pas qu'il y en ait qui soit dans le siège. »

La résolution étant à présent adoptée, il ne reste plus qu'à savoir si les observateurs des Nations Unies seront en mesure d'arriver avant la fin des opérations d'évacuation entreprises par Damas, Moscou et Ankara.

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