Dans la copie présentée au Conseil, amendée, la Russie a obtenu l'ajout d'un paragraphe imposant que toutes les parties intéressées soient consultées, y compris Damas. Un résultat obtenu a prix de négociations jusque tard dans la nuit, qui ont de facto reporté le vote de cette résolution à ce matin, faute pour les ambassadeurs d'obtenir l'aval de leurs capitales. Un point que souligne le général (2s) Dominique Trinquand, fin connaisseur de cette institution qu'il a servi à plusieurs reprises au cours de sa carrière:
« Je comprends que les négociations qui ont dû se terminer tard hier soir, avec le décalage horaire, ne permettaient pas d'avoir un accord de la Russie au plus haut niveau et donc c'est pour ça que la réunion a lieu ce matin à 9h, après accord de la capitale russe. »
« Si François Delattre dit que cela va passer, c'est qu'il a des certitudes, je le connais, il ne s'avancerait pas sans. »
Il faut dire que le premier jet de la résolution français avait été recalé par l'ambassadeur russe qui avait jugé le texte « impraticable et dangereux », évoquant « des éléments discutables ». « Déployer des observateurs prend des semaines, penser qu'on peut le faire en deux ou trois jours n'est pas du tout réaliste. »
Ce énième projet de résolution survient alors que les combats à Alep touchent à leur fin, une grande partie des quartiers insurgés ayant été libérés par l'armée régulière. De même pour l'évacuation, un grand nombre de civils, de combattants et leurs familles ont déjà été évacués depuis plus d'une semaine. Les images des fameux « bus verts », mis à disposition par Damas dans cette optique, ont d'ailleurs fait le tour des médias.
Mais celles de ces mêmes bus verts incendiés par les rebelles ont été moins diffusées. En effet, un convoi qui devait évacuer les habitants de deux villages Chiites, assiégés par les rebelles, à une soixantaine de kilomètres à l'ouest d'Alep, a été attaqué par des hommes armés. Bilan: une vingtaine de bus verts détruits et un chauffeur tué. Une attaque qui a gelé un temps l'évacuation d'Alep, conditionnée par l'évacuation de la population de ces deux villages. Alep Est, où des dizaines de bus verts étaient entrés sous la supervision du Croissant-Rouge et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour évacuer les 40 000 civils et les 1 500 à 5 000 combattants et leurs familles, selon les estimations de Staffan de Mistura, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie.
Bus attaqués à #Fua #Kafraya, 2 enclaves chiites dt l'évac d civils fait partie du deal sur évac #Alep Si ça attaq ici, ça bloq là. #Syrie pic.twitter.com/2e9wweA3i0
— Peggy Bruguière (@peggybrug) 18 декабря 2016 г.
Le timing de la résolution soulève quelques questions. En effet, les insurgés et leurs familles sont évacués des dernières poches de résistance d'Alep depuis plusieurs jours déjà. Des dizaines de milliers de civils ont également été pris en charge. Or, plusieurs sites d'information font état de rumeurs persistantes évoquant la présence aux côtés des insurgés d'Alep Est d'instructeurs provenant de pays de l'OTAN. La résolution de l'ONU viendrait-elle à point nommé pour les évacuer en douceur? Une hypothèse écartée par Dominique Trinquand, qui a lui-même il a tenu des postes de responsabilité dans des états-majors de l'Alliance:
« Non, là je crois qu'il ne faut pas noircir le tableau, la résolution a pour objet essentiel de s'occuper de la situation humanitaire, de la population. »
« Un certain nombre de ces soutiens ont été retirés, évidemment, après que ces mouvements aient changé de position et se soient radicalisés. […] Je n'ai pas d'information à ce sujet, mais je n'imagine pas qu'il y en ait qui soit dans le siège. »
La résolution étant à présent adoptée, il ne reste plus qu'à savoir si les observateurs des Nations Unies seront en mesure d'arriver avant la fin des opérations d'évacuation entreprises par Damas, Moscou et Ankara.
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