Alors que la France est engagée dans une longue période électorale, nous allons à la fois éclairer et nous extraire des jeux politiciens avec l'universitaire Guillaume Bernard, qui vient de publier l'essai La guerre à droite aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre (Desclée de Brouwer, 2016).
Un glissement de la droite vers la gauche
Cet ouvrage jette dans le débat public le concept de « mouvement dextrogyre » : « pendant des années, depuis la Révolution française jusqu'aux années 90, nous avons assisté à un mouvement sinistrogyre — l'expression a été formulée par Albert Thibaudet dans les années 30 : les forces politiques nouvelles sont arrivées par la gauche, repoussant vers la droite les formations et les idées nées antérieurement. »
Si, bien sûr, Bernard admet que « la gauche est aujourd'hui absolument dominante dans le monde intellectuel et le monde des médias », il tient à souligner qu'elle est « aujourd'hui véritablement sur la défensive ». « Elle ne produit plus grand-chose », dit-il avant de préciser: « la théorie du genre, oui, mais ça date des années 1970, dans les Universités américaines, ce n'est plus très nouveau. » Et de conclure : « je crois sincèrement que la gauche est épuisée intellectuellement ».
« L'argument pourrait sembler contre-intuitif : la réaction incarnerait l'avenir. « La production qui a le vent en poupe aujourd'hui, qui intéresse le grand public, c'est Philippe de Villiers, Eric Zemmour, Patrick Buisson… », avance-t-il, sans d'ailleurs voiler son appartenance à la même mouvance.
Pour notre invité, le clivage droite/gauche est une donnée indépassable de la politique française. Ainsi récuse-t-il l'idée qu'une opinion reflétant exclusivement l'une des deux tendances puisse être une hémiplégie morale : « je ne crois pas du tout qu'il faille faire un syncrétisme, un assemblage entre la droite et la gauche » [à écouter sur ce sujet, notre émission avec Arnaud Imatz sur le « mythe incapacitant » du clivage droite/gauche].
Une « droite hors les murs »
Par conséquent, le Front national « laisse libre cet espace de la "droite hors les murs", qui s'affiche véritablement de droite et souhaite une recomposition politique au-delà des étiquettes politiques d'aujourd'hui. » Exemple typique : la nébuleuse de « La Manif' Pour Tous ». « Ils sont forts ensemble, ils convergent », estime notre invité.
La gauche retrouve son unité intellectuelle
Car la gauche subit la nouvelle fracture qui scinde la droite en deux, entre « les partisans d'un ordre naturel » et ceux « du contractualisme social ». En conséquence, « une partie de la droite redeviendra inéluctablement la gauche ».
De même ce clivage « entre les classiques et les modernes » devrait-il conduire à une recomposition politique au sein de la droite, en fonction de valeurs et non de choix partisans. Du moins l'espère-t-il : « aujourd'hui, les partis ont intérêt à être attrape-tout. Ils ne font pas l'effort de défendre une doctrine qui soit cohérente. Mais par honnêteté et loyauté vis-à-vis des électeurs, il faudrait une recomposition du paysage politique français, où les organisations politiques feraient explicitement le choix de défendre une pensée classique ou une pensée moderne. »
Une analyse politique donc, mais aussi et surtout un plaidoyer pour une clarification doctrinale. Au risque d'émettre un jugement trop distant de la pratique politique?
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