" Aujourd'hui les intellectuels de gauche ont quasiment disparu du paysage intellectuel français. La dominante intellectuelle, elle est à droite. Ce changement de paradigme s'est pas traduit dans les médias qui eux restent massivement contrôlés par la gauche. Ça ne s'est pas non plus traduit sur le terrain politique. Mais je pense que cette bataille culturelle, elle est en passe d'être gagnée par la droite. Il faut le faire, il faut en assurer la traduction politique, c'est ce qu'on essaie de faire et ce qu'on essaie de faire avec ce rassemblement à Béziers."
Personnalités de la droite "hors les murs", c'est-à-dire non affiliés à un parti, représentants de la "réinfosphère", mais aussi quelques hommes politiques ont fait le déplacement. Parmi ces derniers, Jean-Frédéric Poisson (président du parti Chrétien Démocrate et candidat à la primaire de la droite) était le seul représentant de la droite modérée.
A force de titiller ses anciens soutiens, Robert Ménard se retrouverait-il isolé au sein même de la droite qu'il affectionne? Rappelons que pour remporter la mairie de Béziers, il a bénéficié du soutien des voix du FN, de Debout la France (le parti de Nicolas Dupont-Aignan) et du Mouvement pour la France (celui de Philippe de Villiers). MM. De Villiers et Dupont-Aignan, pourtant eux aussi invités au congrès de Béziers, ne s'y sont pas rendus. Qui a dit que la gratitude payait en politique?
Au final, "Oz ta droite" est-il un handicap ou un atout pour le FN à l'approche de la présidentielle? Pour en savoir plus, Robert Ménard, Wallerand de Saint Just (trésorier du FN) et Guillaume Bernard (professeur à l'ICES, spécialisé dans l'histoire du droit et des institutions) nous expliquent où se situe le mouvement "Oz ta droite" sur l'échiquier politique:
Guillaume Bernard: "C'est un mouvement qui essaie de se positionner sur le créneau qui fait le pont entre le FN et les Républicains. Et donc c'est effectivement une tentative d'occuper cet espace politique qui ne l'est pas ni par la droite modéré ou la droite classique étant donné que celle-ci a abandonné ce qu'on a appelé la "ligne Buisson."
Robert Ménard: "On demande à l'Etat de moins se mêler de la vie des entreprises au quotidien mais en même temps on demande à l'Etat de faire mieux et plus son travail sur les problèmes de sécurité intérieure mais aussi de défense. "
Robert Ménard a déclaré plus d'une fois être en désaccord avec 20% du programme du FN. En quoi consistent ces 20%? S'agit-il de différences graves, au point de créer une rupture, surtout si l'on pense au départ précipité de Marion Maréchal Le Pen du congrès?
Guillaume Bernard: "Ce que le FN ne semble pas avoir palpé ou avoir identifié c'est que sa défense d'un Etat fort peut apparaître auprès de certains électeurs comme étant au fond plus une défense des salariés protégés et non pas une défense des services publics. Donc il y a une partie de l'électorat de droite qui comprend mal l'orientation, la tonalité du discours du FN; la tentative d'+Oz la droite+ c'est de dire que la défense d'un Etat fort, d'un Etat protecteur semble pas pour autant dire qu'en interne dans le cadre du fonctionnement de la société et de l'économie, il faille pas essayer de rendre un peu de liberté."
Wallerand de Saint Just: "Le FN est un parti politique qui présentera une candidate aux présidentielles et marche de façon autonome et il n'a pas à se comparer. M. Ménard ne peut pas dire +moi, et les quelques personnes qui sont autour de moi, avons des propositions; il faut absolument que le FN les entende, les prenne en considération, que le programme présidentiel en tienne compte+; non, on ne peut pas comparer le happening qui s'est déroulé à Béziers avec un parti politique, qui a une organisation structurée, pérenne, responsable et importante."
Gilbert Collard et Marion Maréchal-Le Pen ont claqué la porte du congrès; y-aurait-il un divorce entre le FN et Robert Ménard, alors que ce mouvement pourrait éventuellement servir à rabattre des voix pour le Front National, comme un "Podemos de droite"?
Guillaume Bernard: "Les rendez-vous de Béziers étaient à l'origine me semble-t-il prévus pour permettre au FN de comprendre que sur un certain nombre d'éléments de son discours, il était dans l'incapacité de capter ce créneau électoral dont nous parlions tout à l'heure qui se situe entre les Républicains et le FN. On peut peut-être envisager que ce soit pour Robert Ménard et pour ceux qui l'ont suivi dans cette tentative de débat politique,d'envisager un mouvement qui serait indépendant du FN et peut-être même concurrent."
Wallerand de Saint Just: "Le FN passe sa vie à élargir sa base électorale. Aux régionales, le FN a obtenu un nombre record de voix; Marine Le Pen sera très certainement au deuxième tour, et seuls les deux premiers peuvent être au deuxième tour, et c'est dans ces conditions-là que Marine Le Pen élargira considérablement sa base électorale. Après, il y aura les élections législatives; est-ce-que les gens de Béziers font fonder une organisation qui va présenter des candidats aux législatives? Il y a une mécanique et une logique des partis politiques et des élections présidentielles et des législatives qui va remettre tout le monde dans le chemin."
Toujours est-il que les réactions ne se sont pas faites attendre. À la suite du départ des frontistes du congrès, Floriant Philippot, vice-président, a publié sur son compte Twitter:
Une petite mouvance d'extrême droite était instrumentalisée contre le FN.Elle a fait flop aujourd'hui à Béziers. Les patriotes eux avancent!
— Florian Philippot (@f_philippot) 28 мая 2016 г.
Ce à quoi M. Ménard a répondu:
#BourdinDirect Visiblement @f_philippot souhaite l'apaisement entre nous.
— Robert Ménard (@RobertMenardFR) 30 мая 2016 г.
" M. Philippot n'incarne pas ce que pensent les militants de base du Front national. Chaque fois qu'il dit quelque chose comme ça, il divise les gens qui ont tout intérêt à travailler ensemble. Moi je suis pour l'unité des droites. Quand il dit des choses comme ça, d'abord il est inutilement agressif vis-à-vis de 2 000 personnes [présentes à Béziers, ndlr] qui ont été abaissées et je ne crois pas qu'il rende service à son propre parti."
Béziers n'a donc pas été un rendez-vous raté, comme ont pu le souligner certains médias mainstream. Au contraire, M. Ménard a pour sa part affiché une volonté de tout traduire sur le terrain, et ce avant 2022. Un combat politique est donc lancé.
"Oz ta droite"? Robert Ménard l'a fait; il reste à savoir ce que cela apportera.
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