Lundi, les échanges de tirs continuaient entre Arméniens du Haut-Karabakh et Azéris, suite à la reprise des affrontements ce week-end; il s'agit sans conteste des plus violents combats depuis le cessez-le-feu signé à Bichkek (Kirghizstan) le 12 mai 1994, qui n'avait été émaillé jusqu'à présent que d'épisodiques escarmouches.
C'est pour conjurer cette sombre perspective que les chancelleries occidentales, les États-Unis, la Russie et d'autres pays de la région, tels que l'Iran, ont immédiatement appelé à la désescalade. Ils enjoignent à Erevan et Bakou de s'asseoir à la table des négociations — d'autant plus qu'aucune responsabilité quant au déclenchement des hostilités n'a été encore déterminée par l'OSCE.
Un pays qui par la voix de son président, Recep Tayyip Erdogan, a déclaré dimanche qu'il soutiendrait l'Azerbaïdjan "jusqu'au bout". Certes, la Turquie, elle-même membre du groupe de Minsk, a toujours été l'alliée fidèle de l'Azerbaïdjan. Pour autant, alors qu'un grave conflit, gelé depuis des décennies, est en passe de dégénérer rapidement, de tels propos tenus par un chef d'État manquent singulièrement de "retenue", selon le géopolitologue Nikola Mirkovic:
"La Turquie a toujours soutenu l'Azerbaïdjan contre l'Arménie dans cette histoire de conflit autour du Haut-Karabakh. Pourtant, je pense que la déclaration d'Erdogan est très surprenante et même choquante: nous avons un conflit qui peut être majeur qui vient de se redéclencher après des années d'une situation qui était plutôt stable — il y avait des escarmouches, mais il n'y avait pas un conflit. Il y a eu tout de même 30 morts ce week-end et Erdogan prend tout de suite la parole pour dire qu'il est derrière l'Azerbaïdjan. Normalement, un homme d'État dans ce coin-là du monde devrait chercher à avoir la paix, il peut avoir une préférence pour l'Azerbaïdjan, mais sa déclaration ne sert à rien d'autre qu'à mettre de l'huile sur le feu. On se demande à quel jeu joue Erdogan. On a vu le jeu trouble qu'il joue dans le conflit syrien et les rapports que des proches d'Erdogan ont avec Daech, et la Turquie directement avec le financement Daech et l'acheminement du pétrole de Daech […] Il joue au va-t-en-guerre.
Une situation d'autant plus explosive que l'Arménie est membre de l'Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC), ce qui la lie donc militairement à la Russie, qui dispose depuis plus de 80 ans de troupes sur son territoire…
Les autorités arméniennes et azerbaïdjanaises, si elles se rejettent mutuellement la responsabilité de la violation du cessez-le-feu, ont chacune déclaré qu'elles ne concevaient pas de solution autre que politique à ce conflit. Un point de vue que confirme à Sputnik Hovannes Guevorkian, représentant du Haut-Karabakh en France. Pour l'envoyé de ce territoire non reconnu comme État par la communauté internationale, la paix est l'objectif, bien qu'il estime que des changements politiques en Azerbaïdjan demeurent un préalable à toute solution:
"Il n'y a pas d'alternative à la paix, tout simplement parce qu'il n'y a pas de peuple qui soit belliqueux dans l'âme: ce sont les pouvoirs, ce sont les régimes […] qui poussent ces peuples à la guerre. Donc je crois profondément, qu'à partir du moment où en Azerbaïdjan, on a affaire à un régime — qui par sa nature est dictatorial, autoritaire — et qui trouve dans la pérennisation du conflit du Karabakh une source de maintien pour son pouvoir, nous ne pouvons espérer d'une manière sérieuse un retour à la paix. Donc, la démocratisation de l'Azerbaïdjan est un moyen d'arriver à un jour ou l'autre à une paix définitive."
Solution politique, peut-être, mais le compromis va être compliqué à trouver sur ces bases…
"Je crois que c'est dans l'intérêt des deux peuples de pouvoir arrêter cette guerre et vraiment d'essayer de trouver la paix pour les générations à venir. Je crois que les deux peuples veulent la paix, comme tous les peuples normaux, mais la seule chose pour commencer la paix, il faut commencer à retirer les troupes arméniennes des territoires qui appartiennent à l'Azerbaïdjan."
Une demande dans la droite ligne de celle de l'Organisation de la Coopération Islamique (OCI), qui regroupe 57 pays, dont l'Azerbaïdjan lui-même, et qui par la voix de son secrétaire général, le Saoudien Iyad Ben Amin Madani, a appelé dimanche "au retrait immédiat, total et inconditionnel des forces arméniennes dans le Haut-Karabakh et dans les autres territoires azerbaïdjanais occupés".
"C'est honteux, car quand le président turc parle et présente ses condoléances aux familles de victimes (militaires) azerbaïdjanaises, sans dire un mot sur les victimes karabariotes, qu'elles soient militaires ou civiles, c'est honteux, ce n'est pas digne d'un chef d'État. Cela montre que la Turquie n'a pas la grandeur d'être neutre et d'avoir une approche équilibrée."
Et ce manque d'équilibre risque bien de peser défavorablement dans la balance à un moment où pour désamorcer le conflit, le concours de la Communauté internationale est plus que souhaitable. De l'ensemble de la communauté internationale.
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