L'armée turque tire sur les civils à Sur, le quartier historique de Diyarbakir, la capitale du Kurdistan turc et l'une des plus anciennes villes du Proche-Orient, a déclaré vendredi à Sputnik Firat Anli, le maire de la ville.
"Ce sont des jeunes habitants de ce quartier (…). Des gens sont tués pendant les échanges de tirs. La mission de la mairie consiste à évacuer les corps des victimes. Quand nous les recueillons, nous voyons qu'il s'agit de connaissances, de nos voisins. La plupart d'entre eux sont des civils", a indiqué M.Anli.
"D'après nos informations, 300 civils ont été tués depuis début août (…). Il y a aussi des blessés et des réfugiés. Il y avait 70.000 habitants à Sur avant ces événements. 50.000 personnes ont quitté leur quartier pour s'installer ailleurs. Ils sont obligés de vivre chez leurs parents et proches, vivre à plusieurs familles dans un appartement", a-t-il ajouté.
Selon lui, les hostilités à Sur ne laissent personne indifférent à Diyarbakir.
"Il ne faut pas croire que les militants sont retranchés à Sur d'un côté et les habitants de la ville de l'autre, que les habitants de Diyarbakir ne prêtent pas attention à ce qui se passe au centre de la ville. Il n'y a pas de guerre dans les autres quartiers, mais les gens soutiennent l'action de protestation de Sur (…). Les médecins, les enseignants, les imams mettent en place des actions de soutien (les imams organisent des prières collectives en faveur des militants de Sur-ndlr.)", a ajouté le maire.
Situé au centre de Diyarbakir, le quartier historique de Sur est verrouillé par l'armée et la police turques. Ce quartier compte plusieurs monuments dont les remparts de la forteresse de Diyarbakir datant en partie du IVe siècle av.J.C. Des mosquées et des églises chrétiennes vieilles de 1.500 ans se trouvent à l'intérieur de l'enceinte.
"Le quartier de Sur n'est pas le seul à être touché. Il y a aussi Silvan (une ville dans la province de Diyarbakir), Cizre, Silopi. Au total, le couvre-feu a été décrété dans 17 sites. Les hostilités continuent à Sur et à Cizre", a précisé M.Anli.
Prié de citer les raisons de l'opération lancée par Ankara contre les Kurdes turcs, le maire a estimé que le président Recep Tayyip Erdogan avait peur de l'influence croissante de ce peuple en Turquie.
"Il y a deux raisons principales. La première est que le Parti démocratique des peuples (pro-kurde) a obtenu 80 sièges au parlement, recueillant 13% des voix aux législatives (de juin 2015) (…). Cela a fait peur à Erdogan (…). La seconde raison est le Kurdistan syrien. Les YPG (Unités de protection du peuple formées par des Kurdes syriens-ndlr.) ont pris le contrôle d'un grand territoire (…). La Turquie redoute que les Kurdes syriens influent sur le Kurdistan irakien", explique M.Anli.
Créé en 1978 pour réclamer l'indépendance des territoires peuplés par des Kurdes, le Parti des travailleurs du Kurdistan est considéré par les autorités turques comme une organisation terroriste. D'autre part, les autorités turques soutiennent les djihadistes et notamment le groupe terroriste Etat islamique (EI ou Daech) en Syrie, selon le maire de Diyarbakir.
"Quand les Kurdes libéraient Kobané et Tell Abyad (villes kurdes de Syrie situées à la frontière avec la Turquie) et menaient une offensive contre Daech, la Turquie cherchait à déjouer leurs projets. Elle empêchait notamment les Kurdes turcs souhaitant aider leurs frères syriens de partir en Syrie. D'autre part, les islamistes traversent la frontière syro-turque sans aucun problème", a noté M.Anli.
Près de 10.000 militaires et policiers turcs participent à l'opération antiterroriste contre les combattants du PKK dans le Kurdistan turc depuis deux mois. Les militaires turcs ont déjà tué plus de 750 personnes qui seraient liés au PKK.