Un prince saoudien déstabilise le monde arabe

© AFP 2024 Alain Jocard Le vice-prince héritier et ministre saoudien de la Défense Mohammed ben Salmane
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A la fin de 2015, le Service fédéral de renseignement allemand (BND) a publié un bref mémoire spécifiant que l'Arabie saoudite avait adopté une "politique impulsive d'intervention".

Le document brosse le portrait du ministre saoudien de la Défense et vice-prince héritier Mohammed ben Salmane (29 ans), fils préféré du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, rapporte le quotidien britannique The Independent. Le prince est présenté comme un joueur politique qui cherche à déstabiliser le monde arabe à l'aide de guerres par procuration menées au Yémen et en Syrie.

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Les services de renseignement n'ont pas l'habitude de communiquer à la presse des documents explosifs sur un allié aussi puissant que l'Arabie saoudite. La diffusion de ce rapport a provoqué l'inquiétude du BND. Pire, ce dernier a été vivement réprimandé par le chef de la diplomatie allemande suite aux protestations officielles de Riyad. Et pourtant, la "note de service" rédigée par le renseignement allemand traduit la crainte de voir l'Arabie saoudite devenir un acteur imprévisible et dangereux.

Un ex-ministre d'un pays du Proche-Orient, qui a requis l'anonymat, a fait remarquer à ce sujet: "Dans le passé, les Saoudiens ont d'habitude annoncé ouvertement leurs intentions et lancé des avertissements lorsqu'ils voulaient renverser un gouvernement qui ne leur plaisait pas". Or, ces derniers temps, leur comportement a beaucoup changé.

Il convient pourtant de noter que le rapport du BND a eu un faible retentissement à l'extérieur de l'Allemagne. Cela s'explique visiblement par le fait qu'il a vu le jour le 2 décembre dernier, soit trois semaines après les attentats du 13 novembre à Paris lorsque les gouvernements et les médias du monde entier étaient concentrés sur les efforts à déployer pour combattre l'Etat islamique (EI). Le Royaume-Uni était alors plongé dans les débats portant sur l'utilisation de la Royal Air Force dans l'opération contre Daech en Syrie. Quant aux Etats-Unis, ils se trouvaient sous l'effet du choc causé par l'attaque d'un couple pro-EI contre un centre pour personnes handicapées à San Bernardino, en Californie.

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C'est précisément l'exécution, le 2 janvier, d'un dignitaire religieux chiite, le cheikh Nimr-al-Nimr, et de 46 autres personnes condamnées à mort (pour la plupart des djihadistes ou des dissidents sunnites) qui a pour la première fois montré aux gouvernements la menace que représentait l'Arabie saoudite. Tandis que Riyad défiait délibérément l'Iran afin de prendre la tête des sunnites et du monde arabe, le prince Mohammed ben Salmane a entrepris de renforcer sa puissance à l'intérieur du royaume en glorifiant le nationalisme sectaire.

Le BND cite les domaines où l'Arabie saoudite a adopté la politique la plus agressive et la plus guerrière. Au début de 2015, elle a encouragé la création en Syrie de l'Armée de la Conquête, formation réunissant principalement des combattants du Front al-Nosra, filiale d'Al-Qaïda. Au Yémen, elle a engagé une guerre contre le mouvement houthis et l'armée yéménite, guerre qui semble durer à n'en plus finir. Inutile de dire que tout ceci profite à Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) que les Etats-Unis s'efforcent vainement d'affaiblir depuis des années au moyen d'attaques aux drones.

Aucune des aventures entreprises par le prince Mohammad à l'étranger n'a réussi, mais elles ont toutes renforcé sa position à l'intérieur du pays.

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Quant à la situation au Proche-Orient, elle s'aggrave de jour en jour. Les attaques contre l'ambassade saoudienne à Téhéran et le consulat à Mashhad étaient bien sûr inadmissibles, mais l'Arabie saoudite n'aurait pas dû rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran. Ce geste a été suivi par une frappe aérienne contre l'ambassade iranienne à Sanaa, capitale du Yémen.

Tout cela n'a rien de surprenant: les relations irano-saoudiennes sont au plus bas depuis la mort, l'année dernière, de 400 pèlerins iraniens dans une bousculade à La Mecque.

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