D'autre part, tous ceux qui connaissent les forces en présence et les intérêts défendus par les uns et les autres savent parfaitement que les tensions irano-saoudiennes ont commencé bien avant. Aujourd'hui, ces tensions ne font qu'arriver à un nouveau point culminant.
Les tentatives des deux pays de renforcer leur influence régionale ne datent effectivement pas d'hier. Déjà en pleine guerre froide et après la Révolution islamique iranienne, l'Iran d'un côté et l'Arabie saoudite (l'un des principaux alliés officiels des USA dans la région et semi-officiel d'Israël par la même occasion) de l'autre, avaient des visions radicalement différentes pour l'avenir aussi bien régional, et même global.
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'Arabie saoudite joue effectivement avec le feu en poussant Téhéran au conflit, pour le moment indirect. Il faudrait donc faire mention des raisons qui font que l'Arabie saoudite aurait tout à perdre si elle continuait à exacerber les tensions avec l'Iran.
Tout d'abord, sur le plan militaire. Bien que le budget alloué à la Défense soit considérablement supérieur côté saoudien (dans le TOP 5 du classement des pays pour les dépenses militaires et plus de 10% du PIB alloué à la Défense), de l'avis de nombreux spécialistes du domaine (russes comme occidentaux), en cas d'une confrontation hypothétique directe, le royaume wahhabite aurait bien peu de chances face à la nation perse. Une des raisons à cela, efficacité complètement différente côté iranien et saoudien. Si les forces armées iraniennes sont effectivement considérées comme étant parmi les meilleures dans la région (de l'avis même des Israéliens et Etasuniens), l'Arabie saoudite malgré ses appétits, est surtout associée à être le pays sous protection militaire US. Plus encore, les troupes d'élite iraniennes présentes en Syrie et luttant aux côtés de l'armée syrienne et du mouvement chiite libanais Hezbollah contre les groupes terroristes salafistes, ont prouvé cette efficacité en résistant jusqu'à aujourd'hui, malgré les énormes moyens déversés par l'Occident et les pays du Golfe (dont bien sûr l'Arabie saoudite) dans le but de faire tomber le président Bachar al-Assad. Depuis l'intervention de l'aviation militaire russe, une efficacité devenue encore plus évidente.
Deuxième point important: la communauté chiite saoudienne qui constitue entre 10 et 15% de la population du pays. Une communauté qui se radicalise au vu aussi bien de l'exécution de l'éminent dignitaire chiite, qui était d'ailleurs fort populaire chez les jeunes, que de la politique saoudienne envers les minorités religieuses en général. Sans oublier que le Bahreïn voisin, autre monarchie pétrolière, dirigé par un certain Hamed ben Issa al-Khalifa (pro-saoudien et sunnite) mais avec une population à près de ¾ chiite, fait déjà face à des heurts violents, à l'instar de ce que s'est déjà passé en 2011, lorsque la majorité chiite est largement descendue dans la rue pour manifester contre la discrimination subie. A l'époque, c'est justement l'armée saoudienne qui a dû intervenir pour sauver son allié bahreïni de la colère de son propre peuple. Des manifestations d'ailleurs aussi auxquelles les médias occidentaux avaient accordé beaucoup moins d'attention qu'à ceux en Syrie, notamment sur la violence utilisée par les forces bahreïnis et saoudiennes pour mater la révolte, on comprend pourquoi. Passons. En tout cas, la colère de la population chiite dans les pétromonarchies golfistes peut se faire sérieusement sentir à tout moment.
Dernier point. Compte tenu de la baisse plus que sérieuse des prix du pétrole, l'Arabie saoudite n'aura probablement bientôt plus les moyens de ses ambitions. Beaucoup de dépenses budgétaires sont à ce titre réduites dans le royaume en ce moment même. Bien sûr, l'Iran qui est lui aussi un important pays pétrolier, n'est pas épargné par cette chute des prix. Loin de là. La seule différence est que l'Iran approche la fin des sanctions décrétées à son encontre précédemment, en raison de son programme nucléaire. Avec la fin de ces sanctions, l'Iran espère attirer de nombreux investissements, venant d'un peu partout. Au vu de cette situation, les alliés de l'Iran comme la Russie et la Chine renforcent déjà leurs positions sur le marché iranien. Un marché pour rappel de plus de 80 millions de personnes. Tout cela donnera à l'Iran beaucoup plus de poids non seulement sur le marché pétrolier mondial, mais en général dans différentes sphères économiques. L'Arabie saoudite ferait donc bien mieux de se tenir à carreau, au lieu de chercher une confrontation sérieuse avec l'Iran. Une confrontation que le second a beaucoup plus de chances de remporter.
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