Les grands retournements de la politique française

© AP Photo / Francois MoriFrançois Hollande
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La politique française a connu, depuis les tragiques attentats du 13 novembre, une évolution rapide. Elle produit des résultats qui sont si spectaculaires que l’on peut parler, à son propos, d’un « grand retournement ».

Bien entendu, ce retournement n'est encore que partiellement assumé. Mais, on peut penser qu'il va marquer un point de rupture dans la culture politique.

Un échec de la politique étrangère française
Ce retournement est en train de se produire dans notre rapport avec l'Union européenne et avec l'Euro, mais aussi avec d'autres pays, comme la Russie.

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Il se produit donc tout d'abord sur la politique étrangère de la France. Il faut bien dire que cette dernière est un échec. Si la priorité donnée à l'Union européenne fut désastreuse, le fait de choisir la politique américaine se révèle encore plus calamiteux. Ce choix, il est vrai, ne date pas d'hier. Ce n'est pas avec François Hollande qu'il a commencé à être affirmé. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait déjà engagé la France dans une impasse en intervenant en Libye. Le désastre qui en a résulté a largement contribué à la déstabilisation de l'ensemble de la région du Sahel. C'est ce qui a contraint François Hollande à intervenir au Mali, au Niger mais aussi en Centrafrique. Cependant, c'est sur le dossier syrien que cet échec est les plus évident. Il a conduit à un isolement de la politique française qui s'est enferrée dans sa demande obsessionnel d'un départ de Bachar El-Assad, présenté comme un préalable à toute négociation.
Ah, certes, il fait beau voir notre Ministre des Affaires Etrangères prétendre que ce sont les autres qui ont changé quand, en réalité, c'est notre propre position, devenue aujourd'hui à tout plein intenable, qui doit être d'urgence abandonnée. Nous le voyons donc sur la Syrie et nous le constatons dans la lutte contre les organisations terroristes: il est nécessaire de se rapprocher de la Russie. Par la bouche de François Hollande parlant devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, nous avons donc entendu cet aveu que, désormais, le premier ennemi de la France, l'ennemi principal, était DAESH. Il était plus que temps, et il est tragique qu'il est fallu 130 morts pour que notre gouvernement s'en aperçoive.

Retournement vis-à-vis de la Russie
Les chefs des deux armées ont donc engagé les procédures de coordination. Gageons qu'elles étaient déjà discutées sous le manteau depuis quelques jours. Au-delà du symbole, mesure-t-on ce qu'a eu d'odieux la politique des membres de ce gouvernements envers la Russie depuis trois ans? L'absence d'un représentant officiel au défilé du 9 mai, l'annulation du contrat pour les 2 BPC de la classe « Mistral », ont été autant d'insultes aussi délibérées qu'elles étaient inutiles et contre-productives. Le fait qu'elles se soient accompagnées de gestes multiples « d'amitiés » avec des pays dont l'attitude est pour le coup bien plus ambiguë sur le soutien aux terroristes ou du moins à l'idéologie qui les inspire, n' a fait que rendre cette situation encore plus insupportable.

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Ici aussi, un retournement était demandé par des voix nombreuses, tant à gauche qu'à droite. Il est en train de se produire. Gageons, encore, qu'il fera grincer bien des dents. L'important est qu'il ait lieu, et qu'il ne se limite pas au seul, mais important, domaine militaire. Il faut que ce retournement s'étende à une coopération politique avec la Russie et à une reprise (elle n'a d'ailleurs jamais complètement cessé) de la coopération économique.

Retournement vis-à-vis de l'Europe
Ce retournement, c'est aussi la prise en compte de l'impuissance, voire de la nocivité, des institutions de l'Union européenne. Nous avons vu, dès 2013, que dans la lutte contre les fanatiques et les terroristes la France était seule, ou peu s'en faut. La prise d'otage de Bamako ce vendredi 20 novembre confirme l'importance de cette région dans la stratégie des groupes terroristes. En même temps que Paris était ensanglanté par les attentats du vendredi 13 novembre, le groupe criminel Boko Haram et ses divers supplétifs ensanglantaient le Nigéria, comme ils le font hélas régulièrement depuis des mois. On a peu parlé de ces attentats, mais ils ne sont pas moins cruels, pas moins inacceptables que ceux qui ont endeuillés Paris. La France porte donc seule en Europe le poids de cette lutte quotidienne. Nous voyons aujourd'hui que les mêmes pays dont les dirigeants parlent si fort de fédéralisme ont refusé la mise en commun des renseignements qui, peut-être, auraient pu empêcher que les attentats du 13 novembre aient lieux.

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L'Union européenne est en faillite, morale et politique. Cette évidence aujourd'hui s'impose. Mais, cette faillite est aussi économique.
Au risque de me répéter il me faut rappeler que l'Euro, que l'on nous a présenté paré de toutes les vertus, garanti de la prospérité, a plongé dans la misère et la dépression de nombreux pays. Ces derniers ne sont plus cantonnés à l'Europe du Sud. La Finlande est aujourd'hui touchée. Cette misère et cette dépression nourrissent le désespoir. Mais, elles s'accompagnent aussi de politiques imbéciles qui en aggravent les effets et qui mettent en cause notre propre sécurité.

Un retournement vis-à-vis de l'Euro
Mais il y a plus. Le Président de la République l'a dit, lundi 16 décembre devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles: le pacte de sécurité est plus important que le pacte de stabilité. Cela signifie que la France va s'émanciper des règles imposées par l'Union européenne et par l'Eurogroupe. Mais, cette sécurité impose que nous retrouvions la route d'une forte croissance au plus vite. Il n'y a pas de solution de moyen ou de long terme dans le sécuritaire. Après l'acceptation normale des mesures proposées par le gouvernement, dans trois ou six mois, ce sont des questions légitimes qui seront posées. Il faudra alors y répondre. Là, on verra de manière évidente que le problème fondamental ne peut être réglé par un accroissement, aussi justifié soit-il, des budgets du Ministère de la Défense ou de l'Intérieur. On comprendra ce qui est dès aujourd'hui évident. Le texte des traités adoptés depuis des années pour préparer puis sécuriser l'Euro est contradictoire avec la prospérité, et donc la sécurité, du pays. L'institution de la monnaie unique empêche le pays de retrouver cette prospérité.

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Ce Président et ce gouvernement devront, qu'ils le veuillent ou non, en tirer les leçons. Nul ne doute que ce sera pénible. La rupture avec l'illusion dans laquelle ces dirigeants ont vécu, ce retour d'un réel déchirant les voiles de l'idéologie, est pénible pour tout individu. Mais, le chômage qui est directement ou indirectement le lot de plus de 6 millions de français, l'insécurité de l'emploi qui frappe plus de quinze millions de foyers sont bien plus pénibles que ce retour à la réalité. Il serait bon que nos gouvernants le comprennent et qu'ils en tirent les conclusions.

Retour de la souveraineté
Enfin, ce retournement concerne la question fondamentale de la souveraineté. En décidant d'imposer l'état d'urgence, François Hollande a fait acte de souveraineté. En procédant, certes par petites touches, certes avec des sous-entendus, enfin certes à son cœur défendant, à ces divers réajustements de la politique tant extérieure qu'économique, il fait encore acte de souveraineté.
Car, en prenant indirectement ses distances avec les institutions de l'UE, en décidant de ne pas respecter le trop fameux « pacte de stabilité », notre Président reconnaît qu'il y a un « intérêt général » des français qui est distincts de celui des allemands, des italiens, et de quelques autres. Il prend acte du fait que l'UE ne peut être qu'une coalition d'Etats souverains. Ceci signe l'acte de décès officiel des thèses fédéralistes, qu'il en ait conscience ou pas, que cela lui plaise ou non.

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