Sputnik: Brièvement, pouvez-vous vous présenter?
Pierre Gentillet: Bonjour, je m'appelle Pierre Gentillet. J'ai 24ans, je suis président des jeunes de la Droite Populaire, une sensibilité politique composée de députés de l'UMP (aujourd'hui Les Républicains) dont le chef de file est Thierry Mariani, analyse d`Alexandre Latsa.
Pierre Gentillet: Il s'agissait tout d'abord d'envoyer un message fort aux Russes, un message de paix et de coopération.
De paix car la solution d'indépendance vis-à-vis de l'Ukraine puis de rattachement à la Russie par référendum a permis à la péninsule criméenne d'éviter une situation telle que le Donbass le connaît aujourd'hui, c'est-à-dire la guerre. En ce sens, la décision prise par référendum à une écrasante majorité par les habitants de Crimée fut une bonne et pacifique solution.
Ensuite de coopération car on voit bien que les gouvernements occidentaux cherchent à isoler la Russie sur le plan diplomatique. Nous avons pu rencontrer le président du conseil des ministres de Crimée, le président du Conseil d'Etat ainsi que le représentent pour la fédération de Russie.
Sputnik: Certains ont parlé de sabotage de la diplomatie française à l'occasion de cette visite, l'ambassadeur de France à Moscou ayant jugé la visite contreproductive. Qu‘en pensez-vous?
Pierre Gentillet: J'en pense que les parlementaires sont libres de leurs mouvements et de leurs actions. Avant de partir faire leur voyage, ils ont déclaré au déontologue de l'assemblée nationale leur déplacement en Crimée, toutes les obligations légales étaient donc respectées.
Pour le reste, je pense qu'à l'avenir, lorsque les relations entre la France et la Russie se seront améliorées, les diplomates français remercieront ces parlementaires courageux pour leur initiative car les Russes sauront se rappeler que dans les moments difficiles, des représentants de la nation française étaient à leurs côtés.
Sputnik: Le rattachement de la Crimée à la Russie peut-elle inspirer des régions en Ukraine et notamment dans l'Est du pays?
Pierre Gentillet: Très sincèrement je ne le souhaite pas et pour plusieurs raisons.
Ensuite parce que je reste convaincu que la meilleure solution pour l'Ukraine reste la fédéralisation du pays. Néanmoins cette solution, voulue d'ailleurs par la Russie, ne satisfait pas Kiev et l'Est du pays car ils savent que la fédéralisation les mettraient en minorité vis à vis des autres régions de l'Ukraine fortement russophones. On comprend ainsi que le destin de l'Ukraine est inexorablement lié à celui de la Russie.
Sputnik: On parle de plus en plus du retour à une nouvelle guerre froide. Qu'en pensez-vous?
Pierre Gentillet: A mon sens la guerre froide ne s'est jamais vraiment arrêtée.
En 1989, lorsque le mur est tombé, nous avions pensé que la guerre froide était terminée mais en réalité les événements qui se sont passés entre cet événement et la situation que nous connaissons maintenant n'est qu'une parenthèse. Je pense que la lutte entre capitalisme et communisme n'était pas le cœur de cette guerre froide que se sont livrés les Américains et les Russes. Il y a en réalité à mon sens une guerre beaucoup plus profonde qu'avait déjà très bien pressenti le géopoliticien Mackinder dans son article The Geographical Pivot of History en 1904, à savoir une guerre entre une puissance en construction, l'Europe de Brest à Vladivostok ou à plus large échelle un espace eurasiatique, et une autre puissance construite, les Etats-Unis. Tout l'intérêt pour cette seconde puissance, afin de justifier ses multiples ingérences, ses nombreuses bases militaires dans le monde, est d'empêcher l'unité politique de ce continent car si telle chose se produisait, il deviendrait alors le plus puissant continent du monde.
Mackinder et Brezinski suggèrent alors plusieurs stratégies comme la division politique des puissances européennes. On peut aussi penser à la doctrine du grand jeu lors du XIXème siècle, de l'endiguement lors du XXème, qui sont les ancêtres de la stratégie américaine d'encerclement de la puissance russes, soit par des bases américaines à proximité du pays, soit par le financement de mouvements antirusses, que ce soit dans le Caucase ou en Ukraine.
Sputnik: Vos détracteurs vous accusent souvent de faire le jeu de Moscou au détriment des intérêts français, qu'avez-vous à répondre à cela?
Pierre Gentillet: Vous savez la Russie n'est plus une puissance impérialiste, il n'y a que les dingues de Pravy Sektor et quelques pays de l'Est traumatisés, et ce sans doute à juste titre, par l‘occupation communiste pour penser le contraire.
Vladimir Poutine l'a d'ailleurs rappelé de nombreuses fois, sa stratégie est celle de l'Ours, l'animal qui protège son territoire et ses abords sans jamais chasser sur celui des autres. La stratégie des Américains est elle pour le coup une véritable stratégie impérialiste. Si vraiment certains militants traumatisés pro-Maïdan pensaient le contraire, je leur conseille de prendre une carte du monde, de comparer le nombre et la répartition des bases russes dans le monde avec celles des bases américaines. Le constat est vite fait.
Sputnik: Comment voyez-vous l'avenir de l'Ukraine?
Pierre Gentillet: Très incertain. Il y a sans doute plusieurs scénarios possibles.
Le scénario le plus souhaitable serait la fédéralisation de l'Ukraine et un pouvoir à Kiev plus respectueux des régions de l'Est fortement russophones. Hormis ce scénario, il n'est pas exclu que l'Ukraine éclate et cela pour plusieurs raisons.
Tout d'abord le pays, malgré les perfusions du FMI, est au bord du défaut de paiement (voir à ce sujet les analyses de Xavier Moreau sur Stratpol) et quand viendra le moment de payer, l'Etat sera en faillite, ce qui poussera tout naturellement les régions à fonctionner de manière beaucoup plus autonome. Je rappelle à ce titre que les régions de l'Est sont les plus riches et les régions de l'Ouest les plus pauvres.
Ensuite, vu l'état de l'armée ukrainienne, le Donbass peut décider d'une grande offensive vers l'Ouest si la situation de l'Etat ukrainien se dégrade. Les régions russophones de l'Est pourraient alors s'unir et déclarer leur indépendance. On arriverait à une situation assez proche de la Transnistrie en Moldavie en somme, une indépendance de facto d'une partie du pays avec un Etat central incapable de mener une guerre contre les régions sécessionnistes.
Sputnik: Pensez-vous qu'il existe d'autres endroits en Europe où cette nouvelle guerre froide peut trouver des échos du même genre?
Pierre Gentillet: C'est probable.
Les Américains ayant relancé les hostilités en Europe, ils vont chercher à déstabiliser tous les endroits où la Russie a des intérêts. Regardez ce qu'ils ont fait à l'un des grands alliés de la Russie, la Serbie, en créant un Etat de toutes pièces: le Kosovo. Il n'est pas exclu de voir après Maïdan, de nouvelles révolutions colorées en Europe.
La Macédoine par exemple peut devenir un nouveau théâtre de conflit car comme vous le savez, des manifestations ont déjà eu lieu dans le pays, financées ouvertement par Soros et sans doute par les Américains. Quelle en serait la raison? Elle est très simple, le projet Turquish Stream récemment dévoilé prévoit le passage du gazoduc russe par la Macédoine. Comme par hasard, la région est déstabilisée au même moment. Ensuite, bien sûr, on est libre de croire aux coïncidences même si ces dernières sont rares en géopolitique.
Sputnik: la France semble traverser une cacophonie politique concernant ce voyage, qui arrive du reste en même temps que semble se dénouer l'affaire des Mistral. Envisagez vous que la Russie puisse être la cause d'une ligne de fracture au sein de la classe politique française?
On aurait d'un coté les partisans d'une France intégrée dans le grand marché de l'Union européenne, déléguant peu à peu de sa souveraineté, aux valeurs libérales-libertaires et ami des Etats-Unis.
De l'autre, une France attachée à son indépendance, à sa souveraineté, défendant la vision d'un monde multipolaire dans lequel notre pays pourrait tirer son épingle du jeu, s'appuyant dans un premier temps sur son voisin russe pour se défaire de la tutelle américaine, ouvrant ainsi la voie à une plus grande indépendance sur le plan diplomatique. Dans cette seconde optique, on trouve des hommes politiques de l'extrême-gauche à l'extrême-droite.
Ensuite, je ne pense pas que la Russie doive être un clivage à proprement parler. La question du rapport à avoir avec ce grand pays est une question importante mais elle ne doit pas fonder la politique intérieure en ce sens qu'il ne faut pas les pro-Russes d'un côté et les pro-Américains de l'autre. On doit être pro-Français avant tout!
A chacun de faire valoir sa conception de notre pays même si je vois davantage d'intérêts français à collaborer davantage avec les Russes qu'avec les Américains.
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