L'agnelle « Rubis » a été commercialisée « par erreur » en octobre 2014. La protéine de la fluorescence verte (issue de la méduse) qui lui a été insérée ne présente aucun risque pour l’homme ou l’environnement, d’après le communiqué de l’Inra. Cependant, s’agit-il d’un concours de circonstance particulier, comme il a été annoncé, ou ces « dysfonctionnements » surviennent-ils de temps en temps mais sont rarement rendus publics?
Hervé Le Meur, président de l’association « OGM danger », nous a décortiqué la situation.
Des plantes transgéniques ont déjà été mangées sans autorisation, mais pas la viande!
C’est pour la raison pour laquelle nous insistons sur la dimension politique du problème. Si jamais je ne peux choisir quel type de plante ou d’animal je vais manger, c’est une atteinte à ma liberté politique. »
La commercialisation de mouton OGM n’est pas le cas unique
« Dans l’histoire récente, on a vu des animaux OGM qui ont été vendus. On a retrouvé sur le marché des porcs faits avec un transgène pour qu’ils puissent être plus compatibles pour des greffes. Cette erreur a été faite par une université américaine. Il est arrivé aussi qu’il y ait des lapins fabriqués pour être fluorescents.
Le but est de souligner que, dans la transgénèse, il y un envie de se prendre pour des dieux. Je vous rappelle que le but assigné à la science par Descartes était de se rendre comme maître et possesseur de la nature. Et cela pose une question politique. »
Pas d’émotion sanitaire mondiale
L’agneau OGM avait été fait pour avoir un gène censé faire de sorte qu’il soit fluorescent, le gène de la méduse étant le gène de fluorescence. Il est intéressant que ce gène ne marche pas sans qu’on en sache la raison. Le danger est que la science sait fabriquer mais explique très peu. Une bonne question à se poser: quel est le rôle de la science dans ce monde où l’essentiel est de fabriquer et pas de comprendre? »
Les risques sanitaires
« La question des risques sanitaires pour l’homme est compliquée. Pour ce qui est de la viande, ça va toujours dépendre de la manière d’insérer le gène et du gène lui-même. Dans l’exemple en question, le gène ne fonctionne pas, les cellules de l’agneau n’émettaient pas de fluorescéine. De là en déduire qu’il n’y a pas de risques – ce n’est pas vrai. Le gène peut très bien ne pas être actif, ne pas synthétiser de protéine tout simplement parce qu’il est neutralisé par un autre gène, ou, d’ailleurs, pour une autre raison.
Le problème des risques sanitaires pour l’homme est compliqué. Je ne dis pas qu’on va en mourir. Les risques alimentaires sont modérés. L’essentiel est qu’on n’ne connaît rien. Il n’y a aucun argument sérieux. Il pourrait y avoir des risques, je pourrais vous faire peur si je le voulais. Les risques sont inconnus et dépendent de multiples critères. Je vous donne un exemple. Un chercheur américain voulait prouver qu’une pomme de terre transgénique était sans risque. Il a fait une pomme de terre en lui mettant un gène qui fait produire une protéine. Il l’a donnée à manger à des rats et, en parallèle, il leur a donné des pommes de terre « normales ». En théorie, c’était pareil sauf l’insertion qui pouvait avoir interagi avec d’autres protéines. Quand il a vu qu’il y avait des risques, il a dit « Stop! C’est une expérience dangereuse. On nous prend pour des cobayes! » Il l’a ouvertement dit à la télévision, et le lendemain, il a été suspendu dans son laboratoire de recherche. Bref, le gène inséré interagi avec d’autres gènes ce qui a un impact sur le métabolisme de la cellule et après, sur l’organisme tout entier. »
La banalisation des OGM avec la signature de l’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis
Les OGM sont déjà en France
« En France et, plus généralement, en Europe, il n’y a quasiment pas d’OGM. Majoritairement, ils sont utilisés dans l’alimentation animale. Je ne dis pas que ce soit bien, nous sommes contre le fait de donner des OGM aux animaux. Mais le soja qui vient des Etats-Unis, d’Argentine, du Brésil est donné comme complément alimentaire aux animaux. En ce qui concerne le maïs, la France est plutôt autosuffisante. Donc, le risque de l’alimentation animale est très faible.
En ce qui concerne l’alimentation humaine, ce que la France achète comme pouces de soja, ce n’est même pas de soja mais des haricots mungos qui ne sont pas a fortiori OGM.
Dans l’Union européenne, la définition légale est précisée dans la directive 2001/18: un OGM est « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ». J’insiste sur le fait que ce n’est pas fait naturellement. Tous les chercheurs qui disent qu’on a toujours fait ça, ont tort. Si on reprend cette définition, on s’aperçoit que la directive dit: il y a trois types des OGM, la transgénèse, à laquelle on s’est presque habitué, la mutagénèse et la fusion cellulaire. La mutagénèse peut décomposer en deux. Je parle notamment de la mutagénèse physique par une exposition en irradiation (on irradie avec un produit radioactif des cellules et on chamboule complètement leur génome). 90% ne sont même pas viables et les 10% qui restent pourraient, peut-être, avoir un avantage. Cela crée des OGM, reconnus comme OGM, mais qui ne sont pas soumis à la moindre surveillance parce que la technologie existe depuis la fin des années 1960. Maintenant, il y a de plus en plus d’OGM de ce type, par exemple, le tournesol fait pour produire un acide oléique. Ces cultures sont présentes dans l’agriculture française, malheureusement. Nous avons fait un procès contre l’Etat pour demander de suspendre ces OGM. Le problème est qu’ils sont résistants à des herbicides. Ils posent les mêmes problèmes agronomiques et environnementaux que les OGM transgéniques qui produisent un insecticide ou résistent à un herbicide. »
L’avenir des OGM
Commentaire de la rédaction
Bien que les incident comme celui de l’agnelle « Rubis » soient encore peu répandus, il existe déjà plusieurs animaux transgéniques autorisés commercialement. Au niveau international, seuls deux poissons GM fluos destinés aux aquariums et un moustique GM peuvent être légalement commercialisés, en dehors des programmes de recherche. Selon les statistiques du Daily Mail réalisé en 2007, le nombre d’expériences sur des animaux transgéniques a augmenté de 6% et a atteint 3,2 millions de cas recensés. Evidemment, ces projets sont menés en milieu confiné avec toute précaution. Mais il aurait été surprenant que cochons, poissons, vaches, chèvres, rats de laboratoire ne se retrouvent pas un jour ou l’autre dans la nature et puis, dans nos assiettes.