SPUTNIK. On sait que vous êtes un résistant de la France, vous avez contribué à la libération de la France, est-ce que vous pourriez nous racconter en quelques lignes votre aventure personnelle pour la libération de la France? Quel a été votre rôle?
Jean Feigelson. J'ai été dans le maquis de la Drôme, à partir de 1943-44 nous avons commencé à recevoir des parachutages d'Angleterre, la Royal Air Force nous envoyait des avions et nous parachutait des armes et nous nous sommes préparés pour la libération et nous avons vu à partir d'avril 1944 que la Libération viendrait par le Midi de la France, puisqu'il y avait des bombardements sur les villes du sud de la France et c'est ce qu'il s'est passé: le 15 août 1944, l'armée française et l'armée américaine, il y avait trois divisions américaines: la 3ème, la 45ème et la 36ème ont débarquées sur les côtes de Provence.
Question. Comment l'avez-vous abbatu?
Jean Feigelson. Au fusil mitrailleur.
Q. Comme ça? Etait-ce un intercepteur? Un bombardier?
Jean Feigelson. Oui, c'était un chasseur bombardier Junkers 88.
Q. Avez-vous été décoré pour cet exploit?
Jean Feigelson. Oui, j'ai reçu la croix de guerre et la médaille militaire.
Jean Feigelson. Ensuite nous avons occupé Montélimar, puis nous avons été formé comme bataillon de chasseurs alpins après un entrainement d'un mois au camp de Chambarand dans l'Isère où nous avons suivi le stage des commandos des chasseurs alpins, puis on nous a envoyé tenir le front des Alpes face à l'Italie où il y avait des troupes allemandes, les allemands occupaient le nord de l'Italie et on a eu un front où l'on faisait des patrouilles sur les montagnes autour du Mont-Cenis.
Il y avait notamment une montagne qui était très désagréable qui s'appellait le mont Froid où il faisait horriblement froid parce que les nuits étaient glaciales, il faisait —30, le jour il faisait meilleur. Nôtre rôle consistait a intercepter les patrouilles allemandes, qu'essayaient de nous attaquer. C'est là que j'ai eu l'occasion de rencontrer les soldats russes et de me lier avec eux, ils ont d'ailleurs été malheureusement tués tous les quatre.
Q. D'où arrivaient ces soldats? Pourtant il n'y avait pas de troupes russes dans cette région.
Q. Etiez-vous nombreux dans votre unité?
Jean Feigelson. On était 2-3 milliers dans le maquis au moins et dans les Alpes ont a formé une division: il y avait 15 000 hommes, au moins.
Q. Qui furent les premières troupes à arriver, les françaises ou les américaines?
Jean Feigelson. Les Américains ont été les premiers à débarquer et ils ont été suivis par les Français. Les Américains étaient plus motorisés que les Français et ils ont filé sur la route des Alpes pour prendre les Allemands à revers; ils ont remonté la route des Alpes puis ils ont tourné à gauche vers l'Ouest puis ils se sont rabbatus pour fermer la boucle et pour que l'armée allemande qui était là puisse être faite prisonnière.
Les Français pendant ce temps-là ont attaqué les garnisons de Toulon et de Marseille. Ils étaient commandés par le Général de Lattre de Tassigny, qui était notre chef.
Q. Avez-vous continué à combattre, à pousser jusqu'à Paris?
Jean Feigelson. Fin 1944, nous avons été expédiés en Alsace et nous avons tenu un petit front sur le Rhin, au dessus de Strasbourg — Schutterwald. On faisait une guerre de patrouilles encore, on n'a pas fait des grands combats d'infanterie, mais on a fait des guerres de patrouilles contre les Allemands.
Q. Pour vous la guerre s'est arrétée à quel moment? En 1945, au moment de la libération le 8 Mai?
Q. Sauf indiscrétion, quel était votre grade?
Jean Feigelson. J'étais soldat de première classe, j'avais 20 ans à cette époque là, j'étais tous jeune.
On n'a pas eu des combats énormes, ce n'était pas Stalingrad.
Commentaire de la Rédaction. On dit que les archives ont une longue mémoire. On a parfois tendance à oublier à quel point le secret de la vie privée n'existe pas. Il y a plus de 70 ans, Jean Feigelson combattait dans la Drôme mais à ses 90 ans passés, il n'est peut-être pas au courant que son nom comme d'ailleurs tous les noms des anciens combattants pour la liberté et l'indépendance de la France, a été soigneusement catalogué par les amoureux de l'histoire nationale. Voici ce que démontre sa fiche biographique parue dans le dévédérom sur La Résistance dans la Drôme — le Vercors:
FEIGELSON Simon, né le 22 septembre 1925. Nationalité française, fils d'émigrés russes.
Lycée Champollion en 1943. 1er-2ème bac Math: 1943-1944
Se cache à Dieulefit (quartier La Pouilleuse) pour échapper au STO; témoin de l'arrestation du père de Paul Boisjeol.
"Mon grade de sergent-chef m'avait été attribué par Pierrot Pont et Nénesse", courrier de S. Feigelson à R. Laget (3.12.2007); cf; sur le site Résistance Drôme R. Laget; cf. également, sur le dévédérom, la fiche biographique Jean Ravier (Nénesse). S. Feigelson était ainsi au maquis Morvan.
Selon un certificat du lieutenant Sabatier daté du 18 mai 1945: Sergent — Chef Feigelson Simon
Entre dans les Forces Françaises de l'Intérieur le 6 juin 1944.
Campagne de la Drôme: Donzère — RN7 — Grignan —, du 17 au 24 août 1944.
Campagnes de Haute-Maurienne, du 20 septembre au 11 novembre 1944, d'Alsace, du 10 janvier au 10 mars 1944, puis de Haute-Maurienne et d'Italie.
Le 18 mai 1945, il est dirigé sur le 141e Régiment d'Infanterie Alpine à Digne (décision du chef de bataillon commandant le 159e R.I.A.).
État des services établi le 18 mai 1945 par le lieutenant Sabatier, 159e Régiment d'Infanterie Alpine, 3e Bataillon.
En se souvenant de la guerre, les Russes se plaisent à répéter: « Rien ni personne ne seraient oubliés! » Il se trouve que le nom de Feigelson devrait être gravé sur le monument en l'honneur des Résistants français. Nous avons apprécié aussi bien sa bravoure que son caractère réservé: il est évident que cet homme se considère comme quelqu'un qui n'a fait que son devoir. Dommage qu'il y ait si peu de Français qui restent fidèles à cet esprit qui a forgé la France.
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