Aujourd'hui on a l'impression que les dirigeants de ces pays européens ont oublié ce que c'est que le nazisme et qu'il est très dangereux, s'ils peuvent se permettre de fermer les yeux sur la démonstration de cette idéologie dans les pays Baltes qui font notamment partie de l'Union Européenne et en Ukraine qui tient à s'adhérer à cette communauté. Il est à noter qu'il s'agit de l'Union Européenne, organisme international qui se dit défenseur des Droits de l'Homme, des libertés, de la tolérance universelle et ainsi de suite.
À cet égard, on a interviewé David Teurtrie, docteur en géographie et spécialiste de l'espace post-soviétique, chercheur associé au Centre de Recherches Europe Eurasie de l'INALCO et auteur du livre «Géopolitique de la Russie»:
Sputnik. Quelle est l'attitude des Européens, notamment des Français envers la Seconde Guerre mondiale? Est-ce qu'elle a changé au fil du temps?
David Teurtrie. Effectivement, elle a beaucoup changé au fil du temps. Il y a les générations qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, pour lesquelles le début de l'espoir, de la libération, était lié à l'URSS dans la mesure où les premières grandes victoires, évidemment à Stalingrad, étaient considérées comme un tournant, pas seulement à l'est mais aussi à l'ouest et notamment en France. C'était lié à la situation pendant la Seconde Guerre mondiale, c'était lié aussi au fait qu'en France on avait un fort parti communiste qui portait en quelque sorte la parole de Moscou et puis le phénomène gaulliste — De Gaulle s'étant beaucoup appuyé sur l'URSS pour rééquilibrer ses rapports avec les puissances anglo-saxonnes. Il était tout à fait conscient du rôle majeur de l'URSS dans la Libération.
Maintenant, avec les nouvelles générations qui n'ont pas connu la Seconde Guerre mondiale et qui sont beaucoup plus influencées par la culture américaine, la vision de la Seconde Guerre mondiale s'est transformée de manière importante, voire radicale. Et pour faire un raccourci rapide, aux yeux des jeunes générations, c'est le soldat Rayan qui a gagné la Seconde Guerre mondiale en Europe occidentale.
David Teurtrie. Exactement. On a en France des grands média qui véhiculent l'idée que la Seconde Guerre mondiale est en bonne partie gagné en Normandie lors du débarquement des alliés et les manuels d'histoire qui placent le front de l'est en arrière-plan par rapport aux combats d'Europe occidentale. Il ne s'agit de dire que les États-Unis sont le seul vainqueur, la plupart des Français savent tout de même que l'URSS fait partie des grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, mais sa participation est fortement minorée.
Sputnik. Pourquoi cette conception est apparue?
Il y a une décennie il était évident pour tout le monde que malgré les différences idéologiques le combat contre le régime nazi était commun à l'Occident et à l'URSS. Maintenant on a une sorte de division, de dichotomie qui s'installe dans les têtes, ce qui est effectivement dangereux, surtout en ces temps de crispation géopolitique très grave autour de l'Ukraine.
David Teutrie. Ce sera difficile car on est justement dans une situation de conflit sur le continent européen autour de l'Ukraine. Plus largement, le conflit ukrainien renvoie à la place de Russie en Europe ainsi qu'au rôle des États-Unis et de l'OTAN sur le continent européen. Dans la mesure où ce conflit géopolitique n'est pas prêt de s'éteindre, il va être compliqué d'avoir un débat serein sur les résultats de la Seconde Guerre mondiale. Je pense qu'il est important que les chercheurs, les historiens et plus largement les citoyens de ces pays maintiennent le contact pour continuer à débattre de ce conflit et pour maintenir la mémoire de ce qui est le plus important, c'est-à-dire la lutte commune des soviétiques et des occidentaux pour la victoire sur l'Allemagne nazie.