Il s'agit de limiter les coûts économiques et politiques parce que les Américains ont très bien conscience que d'intervenir militairement partout a mis à mal leur image dans le monde entier, notamment, dans le monde arabo-musulman. Il s'agit également de limiter les coûts humains parce que l'opinion publique américaine est de plus en plus réticente à envoyer des hommes sur le sol. S'y ajoute aussi un effort considérable sur les coalitions, comme, par exemple, celle contre le Daesh. La nouvelle doctrine américaine de sécurité internationale peut se résumer par les mots de John Kerry qu'il avait employés pour la Syrie: no boots on the ground (pas de bottes sur le sol). Les Américains veulent mettre fin à l'unilatéralisme des années 2000 sous Bush, même si, en réalité, il s'agit toujours de l'unilatéralisme mais avec des alliés ».
C'est un oxymore: affichant une volonté d'explorer des moyens non-militaires pour régler les conflits, les Etats-Unis font grimper leurs dépenses militaires à 561 milliards de dollars! A savoir, le budget militaire de la Russie qu'on accuse de tous les péchés mortels est de 42 milliards de dollars. Plus loin: les Américains prévoient de fournir 51 millions de dollars d'aide à la Géorgie et la Moldavie et une aide de 117 millions de dollars à l'Ukraine pour qu'elles puissent « contenir les actes d'agression de la Russie ». Sans parler du renforcement progressif du potentiel otanien près des frontières russes et de l'obligation des pays membres de porter leurs dépenses militaires à au moins 2% du PIB. Comment peut-on « plaider le pacifisme manu militari »? Thomas Snégaroff nous a décortiqué la situation.
Il y a une semaine, Barack Obama a annoncé qu'il était prêt à lancer des hostilités de plus grande importance sur au moins trois ans contre l'Etat islamique. Les Américains considèrent que c'est leur enjeu: des sondages récents prouvent que plus de 80% pensent que l'Etat islamique peut un jour frapper sur le territoire américain. La question ukrainienne est plus complexe. Du point de vue personnel, je pense qu'il n'y a pas de danger direct pour les Etats-Unis qui jouent un bras de fer avec la Russie. Et là, c'est moins Barack Obama que les républicains qui veulent armer le régime de Kiev afin de contenir l'avancée des « séparatistes » prorusses de l'Est ».
Pour le moment, Obama ne fait que brandir les armes au nez de Poutine. 24 heures après le sommet de Minsk, le président américain se déclare disposé à livrer des armes létales à Kiev et les leaders européens imposent un nouveau lot de sanctions contre la Russie.
Quelle est la réaction de Poutine? Sachant que personne n'est intéressée ni à une confrontation entre deux puissances nucléaires, ni à une guerre mondiale, il poursuit toujours la voie pacifique, la seule valable pour toutes les parties. La France et l'Allemagne, longtemps inféodées aux Etats-Unis, rouvrent finalement les yeux, se rendent à Moscou puis à Minsk, s'engagent à surveiller l'application du cessez-le-feu dans le Sud-Est ukrainien et au moindre soupçon entament des négociations téléphoniques avec Poutine (et non Obama).
Bref, on peut dire que la Russie, ennemi numéro un des Etats-Unis, sort vainqueur de cette confrontation implicite.
Les opinions exprimées dans ce contenu n'engagent que la responsabilité de l'auteur.