Donbass. Opération russe

Le talon d'Achille des Abrams: comment la Russie va traiter les chars US en Ukraine

L’armée russe possède assez de systèmes antichars capables d’atteindre les points vulnérables des chars Abrams récemment livrés à l’Ukraine, a estimé auprès de Sputnik un expert militaire commentant la réception du premier lot de ces blindés par Kiev. Ils ne seraient pas si efficaces au combat comme l’attend Washington.
Sputnik
Les chars Abrams envoyés à Kiev ne répondent pas aux mêmes normes que ceux utilisés par l’armée américaine, a indiqué à Sputnik le colonel à la retraite Sergueï Souvorov, analyste et docteur ès sciences militaires spécialisé dans les blindés, commentant l’arrivée des premiers Abrams en Ukraine le 25 septembre.
Selon lui, même dotés de munitions à l'uranium appauvri que les États-Unis et l'Otan avaient utilisées avec succès pour empoisonner de vastes territoires de l'ex-Yougoslavie et de l'Irak, ces chars-là ne seront pas si efficaces et résistants aux armes russes. Cela s’explique par le fait que les Abrams "ukrainiens" ne sont pas équipés de la même couche de plaques de blindage ultra-épaisse.

Chars déjà détruits auparavant

M.Souvorov a révélé les points faibles des chars américains en notant en premier lieu leur faible blindage sur les flancs et l’arrière.
"Sur la plupart des modèles occidentaux de véhicules et d'équipements blindés, les flancs et l'arrière ont tendance à être vulnérables", a déclaré le colonel en expliquant que "les Abrams ont été déjà frappés par les tirs des canons automatiques Bradley de 25 mm et des canons automatiques de 30 mm du BMP 2. Il y a même eu un cas où un Abrams a été assommé en Irak à l'aide d'une mitrailleuse lourde [soviétique] DShK".
Bien que ces pertes aient été généralement assimilées des "causes secondaires", néanmoins, les chars avaient été détruits, d’un seul tir dans le cas de l'attaque du DShK ayant fini par toucher un groupe auxiliaire de puissance situé à l'arrière de la tourelle, l'huile en feu s'écoulant dans le moteur principal qui a pris feu entraînant la destruction du blindé, se souvient Sergueï Souvorov.

Blindage vulnérable aux armes russes

Ces chars se révèlent ainsi vulnérables aux systèmes antichars ennemis, a continué l’expert. Même dotés d’un blindage à l’uranium appauvri, ces blindés représenteraient une cible facile pour les forces russes utilisant des systèmes antichars portables, a-t-il noté.
Ainsi, les jupes latérales de l'Abrams, ainsi que les flancs et l'arrière de la tourelle et le compartiment moteur/prise d'air du char sont également vulnérables aux systèmes antichar comme le Kornet, et des systèmes similaires comme le Konkours, le Chtourm-S et le Khrizantema, à charge tandem.
Enfin, le blindage frontal et le dessus de la tourelle Abrams peut être atteint par les missiles antichar Chtourm, Ataka et Vikhr lancés par les hélicoptères Kamov Ka-52 et Mil Mi-28.

Canon plus court

"Si l'on compare les Abrams aux Leopard les plus récents, le canon de l'Abrams est celui conçu par l’allemand Rheinmetall et produit sous licence aux États-Unis. Mais c’est l'une des premières versions de ce canon à âme lisse, L44 de 120 mm, c'est-à-dire le même que celui des chars Leopard 2 A4. Les nouveaux Leopard sont équipés du canon Rh-120 L55 [plus long-ndlr] doté d'une chambre de chargement puissante, ce qui permet d'utiliser de nouvelles munitions créant une plus grande pression de gaz dans le canal de chargement et, par conséquent, d'avoir une vitesse initiale plus élevée, ce qui signifie une meilleure pénétration du blindage", a poursuivi M.Souvorov.
L’Abrams ne peut pas utiliser cette nouvelle génération d'obus, selon l'expert, car la force générée par un tel obus détruirait tout simplement le canon principal.
"De plus, son turbomoteur ne semble vraiment pas aimer la poussière. Le système de purification de l'air n'a pas été amélioré. L'expérience opérationnelle dans les environnements désertiques, notamment en Irak, a montré que les purificateurs d'air et les filtres ne duraient que 15 minutes dans des conditions de guerre et de tempête de poussière. Il était nécessaire de retirer ces filtres, de les remplacer ou de les nettoyer, car le système de filtrage est comme celui d'une voiture… Si cela n'est pas fait, le char cessera complètement de fonctionner", a-t-il affirmé.
Outre les systèmes d'armes mentionnés ci-dessus, M.Souvorov estime que "toute" arme antichar moderne en service dans l'armée russe, à commencer par les lance-roquettes antichar portatifs RPG-7, présentera une menace pour les Abrams "ukrainiens", à en juger par leur performance dans les guerres américaines par le passé.
Il en est de même pour tous les canons de char russes équipés d’obus perforants et pour tous les missiles antichar modernes, avec des cas enregistrés en Irak. "Il est également très probable que les drones soient capables de vaincre ces chars", a-t-il ajouté.
Enfin, il convient de considérer les conditions dans lesquelles les chars seront opérationnels en Ukraine, selon l'observateur. "Le char est assez lourd, pesant environ 70 tonnes. La saison des pluies et de la boue approche, ils resteront coincés et resteront là, servant de cibles " aux forces russes, a résumé le colonel à la retraite.

De quels outils la Russie dispose-t-elle pour cibler les Abrams?

La contre-offensive ukrainienne a donné beaucoup d’expérience aux forces russes pour apprendre ce qui fonctionne et ce qui ne marche pas lorsqu’il s’agit de cibler les chars lourds de l’Otan comme les Abrams.
Premièrement, du point de vue de la stratégie, la contre-offensive de Kiev a montré que le simple fait d'attirer des chars dans un territoire fortement miné peut souvent suffire pour les détruire. De nombreuses attaques blindées ukrainiennes ont été déjouées après avoir heurté des champs de mines et des réseaux de défense en "dents de dragon".
Deuxièmement, il y a le facteur de supériorité qualitative et quantitative de la Russie en matière d'artillerie et de puissance aérienne. Cette dernière permet aux forces russes d'utiliser des hélicoptères d'attaque Ka-52 et Mi-28 pour traquer les chars avec des missiles à guidage laser, et ce à une distance de sécurité, ce qui rend souvent impossible une riposte de la défense aérienne ukrainienne.
Le troisième facteur sont les blindés russes, comme les chars modernisés T-72B, T-72B3M, T-80 et T-90M. Ceux-ci peuvent rivaliser avec succès avec les blindés ukrainiens datant de l’époque soviétique et avec ceux de l'Otan et ont des caractéristiques de portée supérieure sur certains modèles. La Russie dispose en outre de brouilleurs qui contrecarrent les drones-kamikazes et les drones de combat ennemis.
Enfin, il y a les moyens antichar de l'infanterie russe équipée de systèmes de missiles comme le Kornet, conçus spécialement pour cibler la dernière génération des principaux chars de combat de l'Otan, y compris les Abrams. Bien avant le début de la contre-offensive ukrainienne, Sputnik a noté l’efficacité des Kornet face aux Leopard 2 A4 turcs en Syrie, aux véhicules de combat d’infanterie Abrams et Bradley américains en Irak et aux chars israéliens Merkava au Liban. Les blindés occidentaux déjà déployés en Ukraine, comme les Challenger britanniques, ont maintenant subi un sort similaire de la part des systèmes antichar russes.

Premier lot d’Abrams reçu par Kiev

La livraison des chars Abrams à l’Ukraine avait été annoncée la semaine dernière par Joe Biden à l'occasion d'une visite à la Maison-Blanche de Volodymyr Zelensky.
Au total, les États-Unis ont promis de fournir 31 véhicules blindés qui seront équipés de munitions de 120 mm à uranium appauvri.
Le premier lot a été reçu par l’armée ukrainienne le 25 septembre, a annoncé le 26 septembre John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, dans une interview à la CNN. De nouvelles livraisons sont prévues dans les semaines à venir. Le porte-parole du Kremlin a réagi à cet envoi disant que ces engins sont "une arme sérieuse", mais incapable de "renverser l’issue de l’opération militaire que la Russie mène en Ukraine depuis le 24 février 2022.
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