Pourquoi l’Occident redoute d’utiliser les avoirs russes gelés

Utiliser les avoirs russes gelés pour reconstruire l’Ukraine soulève d’énormes complications juridiques et pourrait saper la confiance d’autres pays, raisons pour lesquelles l’Occident joue la montre, explique le Times.
Sputnik
Une montagne d’ennuis. C’est ce qui semble attendre les pays occidentaux qui voudraient utiliser les actifs russes gelés pour reconstruire l’Ukraine, à en croire le New York Times. Les banques occidentales ont en effet gelé dans leurs coffres quelque 300 milliards de dollars appartenant à la Banque centrale russe, mais les mettre à profit relève du calvaire juridique.
L’UE a d’ailleurs créé un groupe de travail pour évaluer la possibilité de saisir cet argent, mais la situation légale est inédite.
"Cela doit être fait conformément au droit européen et international, et il n'existe actuellement aucun modèle direct pour cela", a d’ailleurs déclaré le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson.
Côté suisse, le gouvernement a tout bonnement informé que la confiscation des actifs gelés violerait la Constitution.
Mais au-delà de l’obstacle juridique, les Occidentaux craignent aussi qu’une utilisation des actifs gelés ne sape la confiance d’autres pays, qui seront moins enclins à déposer leur fonds dans des banques occidentales. Un argument mis en avant par Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor, qui craint qu’une telle défiance généralisée finisse par saper la confiance dans le dollar lui-même.
Pire: confisquer les actifs russes gelés créerait un fâcheux précédent. Les actifs européens et américains détenus dans d’autres pays ne seraient plus à l’abri d’expropriations à l’avenir, en cas de différend international, craignent certains experts.
La confiance dans le système de lois et d’accords internationaux, "défendu bruyamment" par les gouvernements occidentaux, pourrait aussi s’éroder, souligne encore le New York Times.

Lassitude occidentale

Cette idée d’utiliser les actifs russes gelés pour reconstruire l’Ukraine témoigne aussi d’une lassitude occidentale devant le coût du conflit. Les États-Unis, l’UE et leurs alliés ont déjà injecté des milliards de dollars dans l’effort de guerre, que ce soit en livraison d’armes ou en soutien à l’économie ukrainienne, rappelle le quotidien américain.
Mais le soutien de l’opinion publique à ce financement n’est pas "inépuisable", souligne le New York Times. Côté républicain, des voix se font déjà entendre pour que l’engagement monétaire à l’Ukraine soit mieux contrôlé. Et le coût d’une véritable reconstruction pourrait "dépasser de loin le montant que les États-Unis et l’UE" seraient prêt à donner.
"S'il est difficile d'obtenir des fonds maintenant pour l'entretien des infrastructures ou des logements, pourquoi serait-il plus facile d'obtenir des fonds plus tard?", admet d’ailleurs au quotidien Tymofiy Mylovanov, ancien ministre ukrainien du Commerce et de l’Agriculture.
La Russie a pour sa part toujours qualifié ses sanctions d’illégales, comparant la saisie de ses actifs à du vol. Le Président russe Vladimir Poutine a d’ailleurs souligné que le "vol des biens d’autrui" finirait par retomber sur les parties impliquées.
Discuter