La mesure était attendue, elle a été formalisée ce 16 décembre. Le Nigeria a décidé d’ouvrir quatre de ses postes-frontières terrestres. D’après les autorités de Lagos, les seize mois de confinement que le pays le plus peuplé d’Afrique s’est imposés auraient produit les effets escomptés, rendant inutile une fermeture prolongée.
Sur Twitter, le compte officiel de la présidence nigériane retweette le Président Buhari. Dans ce message publié le 8 décembre, le chef de l’exécutif annonçait déjà la décision à venir. Il affirmait qu’en faisant le choix de fermer les frontières, il y a 16 mois, son intention était en partie de faire passer un message sur la contrebande de la drogue et des armes aux pays limitrophes.
«Maintenant que le message est passé avec nos voisins, nous envisageons de rouvrir les frontières dès que possible.»
Mission accomplie, a priori…
Les quatre postes-frontières concernés par la bonne nouvelle sont ceux de Mfun, limitrophe avec le Cameroun, de Sèmè-Kraké avec le Bénin, et deux autres avec le Niger dans le nord, à Maigatari et Illela.
Le confinement du Nigeria remonte au 20 août 2019, une décision de l’exécutif nigérian qui reposait, officiellement, sur la volonté de lutter contre la contrebande mais aussi faire la promotion de la production agricole sur le plan national et assurer l’autosuffisance alimentaire. Mais cette période a engendré des tensions sociales dues à une flambée des prix des denrées de base sur le marché et un problème d’insécurité.
«Dès lors, Muhammadou Buhari n’avait d’autre choix que de s’ouvrir à nouveau au Bénin et, à travers le Bénin, au Togo d’où le pays importait moins cher la majorité des riz d’origine indienne ou thaïlandaise, consommés localement», soutient l’économiste togolais Germain Dodor à Sputnik.
Ce que le Président nigérian a voulu faire passer pour l’accomplissement d’un but ne serait donc, en réalité, que l’aveu d’un échec, d’une décision hâtive et décriée par nombre d’observateurs.
Pour l’économiste, la décision du Nigeria –qui intervient un mois seulement après la ratification du traité du libre-échange continental africain (Zlecaf) par le chef de l’État– permettra au pays «de sortir des crises sociales et économiques qui le secouent actuellement».
Bonne nouvelle au poste-frontière de Sèmè-Kraké
La réouverture du poste-frontière de Sèmè-Kraké, particulièrement, a soulagé les chefs d’État de la sous-région ouest-africaine. En effet, la fermeture avait mis en difficulté le corridor routier Abidjan-Lagos, qui rattache les capitales de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria, un projet majeur de développement économique. Une bande côtière reliant cinq pays parmi les plus dynamiques de la Cedeao est toujours en cours d’aménagement.
«Près de 75 % des activités commerciales de la sous-région ouest-africaine transitent aujourd’hui par ce tronçon! En fermant la frontière pendant plus d’une année, on a pénalisé, au-delà de l’économie des États limitrophes du Nigeria, celles des autres pays concernés par le corridor Abidjan-Lagos», soutient Germain Dodor.
Long de 1.028 kilomètres, le corridor Abidjan-Lagos traverse au moins huit postes frontaliers. Quelque 68 milliards de dollars seront injectés jusqu’en 2040 dans la réalisation d’une cinquantaine de grands projets le long de ce passage, sur financement de banques et institutions africaines.
Soulagement au Bénin
Sèmè-Kraké est également la plus importante entrée du Bénin avec le Nigeria. Les autorités béninoises, qui avaient multiplié des missions de négociations avec le Nigeria ces derniers mois, se sont réjouies de la décision de réouverture du poste-frontière.
«Cette décision est une bonne nouvelle et nos collègues, bloqués depuis plusieurs mois sur la frontière, sont soulagés. Nos camions vont enfin pouvoir bouger. L’année se termine sur une bonne note», a confié à Sputnik, Djobo Moustapha, un transporteur togolais habitué de l’axe Lomé-Abuja qui transite par Sèmè-Kraké.