Élection présidentielle au Bénin: les chefs traditionnels s’en mêlent

© AP Photo / Etienne LaurentLe Président du Bénin Patrice Talon
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Au Bénin, des chefs traditionnels multiplient les appels au Président Talon en vue d’ouvrir un dialogue avec l’opposition afin que la présidentielle d’avril 2021 se déroule dans un climat apaisé. Ils appellent à la mobilisation nationale en vue de préserver le Bénin, considéré depuis 1990 comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest.

Au Bénin, des chefs traditionnels de plusieurs départements se disent inquiets du climat délétère empreint de «graves troubles sociopolitiques à l’issue incertaine» qui caractérise la préparation de la présidentielle prévue au printemps 2021.

Ce 25 octobre 2020, les Sages du département d’Alibori (Nord-Est) ont dénoncé «un climat tendu» dans le pays et appelé le Président de la République béninois Patrice Talon à ouvrir avec l’opposition et la société civile «un dialogue politique sincère et inclusif» destiné à garantir les conditions de paix, de cohésion sociale et d'unité nationale.

«Les causes de ce climat tendu sont à rechercher dans les frustrations de tous ordres ressenties par les populations ainsi que dans le sentiment d'une frange importante de la classe politique d'être sournoisement exclue du jeu politique», ont-ils affirmé dans une déclaration à la presse.

Au Bénin, les candidats de l’opposition risquent de ne pouvoir prendre part à la présidentielle faute de réunir le nombre de parrainages exigé (10% de l’ensemble des élus parlementaires et locaux) par la loi électorale, telle que modifiée en novembre 2019.

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L’opposition, qui avait boycotté les législatives d’avril 2019, ne dispose pas d’élus au Parlement et elle ne revendique que quelques communes. Par ailleurs, au même titre que la société civile, elle n’est pas représentée dans la Commission électorale nationale autonome (CENA) ni dans le Conseil d'orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée du Bénin (COS-LEPI), les deux organes phares en charge de l’organisation et la supervision des élections au Bénin.

Les exigences des Sages

C’est la troisième fois en moins d’un mois que des chefs traditionnels s’expriment sur la situation politique du pays. Qu’il s’agisse des Sages du département de Borgou, le 15 octobre, ou de ceux du département de la Donga, le 18, tous ont exprimé le souhait de voir le chef de l’État poser des actes majeurs pour une présidentielle apaisée.

Outre l’appel au dialogue, ils ont demandé à Patrice Talon d’abroger «toutes les lois liberticides, dont celles sur le parrainage», et toute disposition «restrictive» introduite à la faveur de la révision controversée du code électoral entreprise en novembre 2019.

À travers leurs différentes déclarations, les Sages du Bénin ont affirmé qu’ils ne pouvaient plus «rester muets devant la perte progressive de l'image enviable et enviée de modèle de la démocratie et de l'État de droit» du Bénin depuis une conférence historique «des forces vives de la nation» de 1990, qui a marqué la fin du régime du parti unique.

«L'heure est grave et la situation est critique. Nous n'avons pas le droit de jouer avec le sort de tout un peuple. N’attendons pas de guérir, mobilisons-nous pour la prévention, la paix, la cohésion sociale et l'unité nationale pour que vive la paix et la démocratie au Bénin», ont-ils conclu ce 25 octobre.

Les chefs traditionnels sont des autorités morales puissantes en Afrique subsahariennes. Ils sont considérés comme des sages du fait de cette autorité.

Au Bénin, généralement, ils ont une grande influence sur le choix politique de leurs administrés et ne prennent position que rarement, lorsqu’ils estiment que l’intérêt de la nation est en jeu.

Une sortie légitime

Cette sortie des Sages du Bénin est jugée «légitime» et «utile» pour prévenir un éventuel conflit postélectoral, estiment des experts des questions de paix et de sécurité consultés par Sputnik.

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Nicoué Bonaventure, défenseur des droits de l’Homme et membre du Réseau ouest-africain pour l'édification de la paix au Togo, pense que le Président Talon –qui visiblement sera candidat à sa propre succession (alors même qu’il s’était engagé à n’accomplir qu’un seul mandat)– «gagnerait à régler les désaccords avec ses opposants pour éviter de créer des soupçons de fraude et des troubles en 2021».

«Je pense d’ailleurs que le Président béninois doit aller à l’école de son homologue burkinabé [Marc Roch Christian Kaboré] qui a récemment rassemblé tous les acteurs politiques autour d’une table pour mettre au clair les conditions du jeu électoral avant le prochain scrutin présidentiel du 22 novembre», a-t-il confié.

De son côté, le professeur Félix Aklavon, directeur exécutif du Centre de recherche et d'étude sur la sécurité et le développement en Afrique interrogé par Sputnik, trouve «problématique l’absence actuelle de contradiction dans le jeu politique béninois».

Cet expert appelle le Conseil des Sages de la Cedeao (entité de l’institution sous-régionale composée d’imminentes personnalités et chargée de s'occuper des conflits et promouvoir la bonne gouvernance) à emboîter les pas aux Sages béninois, au nom de la diplomatie préventive prônée par l’organisation régionale, pour ne pas créer un nouveau foyer de tension en Afrique de l’Ouest.

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