Bientôt l’enterrement de la hache de guerre entre le Président Patrice Talon et son prédécesseur Thomas Boni Yayi? C’est en tout cas le souhait exprimé par le premier, à quelques mois d’une présidentielle à laquelle il sera probablement le seul candidat.
«Boni Yayi et moi étions comme petit frère et grand frère. Entre mon grand frère et moi, il y a eu quelques incompréhensions. Ce sont des choses qui arrivent. On ne rejette pas son frère parce que l’on ne s’est pas compris pendant un moment. Le plus important est que la chamaillerie ne dure pas longtemps et que la réconciliation soit possible un jour. Je dis que l’heure a donc sonné», a indiqué le Président Talon.
Si l’ancien Président béninois (2006-2016) s’est gardé de tout commentaire après cette main tendue, ce sont ses proches qui ont réagi. Cité par les médias locaux ce lundi 16 novembre, Alassane Tigri, ex-secrétaire général du gouvernement sous Boni Yayi, a montré une certaine retenue devant la façon avec laquelle son ex-patron a été invité à la réconciliation.
«Il n’a fait que demander aux Sages de lui transmettre son souhait. Je pense que cela devrait être davantage formalisé», a-t-il déclaré sur Banouto, un média en ligne.
Nourou-Dine Saka Saley, juriste et activiste politique béninois, aussi connu comme un proche de Boni Yayi, s’est pour sa part amusé à imaginer quelle serait la réponse de l’ancien chef d’État. Dans un billet rapporté par Banouto et intitulé «Si j’étais Boni Yayi», il demande à Patrice Talon de chercher à se réconcilier avec le peuple béninois plutôt que de réclamer le pardon de l’ancien Président.
De la «pure communication politique»
La démarche de Patrice Talon relève de la pure «communication politique destinée au bon peuple du Bénin», juge Joseph Koba Kossi, analyste politique au Centre pour la gouvernance démocratique et la prévention des crises (CGDPC) basé au Togo, interrogé par Sputnik.
«L’objectif de ce coup de communication politique est bien évidemment de conditionner l’opinion nationale à avoir de lui l’image d’un chef d’État qui ne persécute pas ses opposants mais qui, au contraire, leur tend la main pour faire avancer la cause nationale», a-t-il indiqué.
Le 16 novembre, le ministre de la Communication du Bénin et porte-parole du gouvernement Alain Orounla, affirmait pourtant que le Président Talon était réellement dans une logique d’apaisement.
Deux frères devenus des ennemis politiques
En 2006, quand Thomas Boni Yayi accédait au pouvoir, les deux hommes étaient pourtant proches. Mais une affaire de tentative de coup d’État et d’empoisonnement contre le Président a créé bien plus tard, en 2013, une brouille entre eux.
Patrice Talon, alors mis en cause dans cette affaire par la justice béninoise, s’était exilé en France avant de regagner deux ans plus tard le pays à la suite d’une médiation conduite par les Présidents togolais Faure Gnassingbé et ivoirien Alassane Ouattara. Il s’est fait élire trois ans après, en mars 2016, Président de la République, succédant ainsi à Thomas Boni Yayi.
Depuis lors, les deux hommes échangeaient des invectives régulièrement, par médias ou réseaux sociaux interposés.
Talon en précampagne
En se lançant dans cette tournée, affirme l’analyste politique togolais Joseph Koba Kossi, le Président Patrice Talon, qui cache à peine son ambition de briguer un deuxième mandat, est pour ainsi dire en précampagne présidentielle.
«Dans son désir de briguer un second mandat, Patrice Talon a besoin d’un quitus des populations, leurs voix clairement exprimées, pour lui permettre de garder les clés du palais de la présidence de la République», explique-t-il.
Le franc soutien des populations est d’autant plus nécessaire que Talon s’était fait élire en 2016 sur la promesse de n’effectuer qu’un seul mandat. D’autre part, la présidentielle d’avril 2021 risque de se dérouler en l’absence de tout opposant sérieux en raison d’un système de parrainage récemment instauré. Ce qui pourrait fort entacher l’image du scrutin à venir.